13 avril 2022

Temps de lecture : 4 min

Les Relocalisateurs, militants de la relocalisation media

Le collectif Les Relocalisateurs se constitue en association pour s’ouvrir aux régies, agences et annonceurs qui veulent porter haut et fort la relocalisation des achats d’espaces publicitaires. Explications avec Florian Grill (CoSpirit Groupe) et Virginie Sappey (France TV Publicité), respectivement président et secrétaire générale de la nouvelle structure.
INfluencia : le collectif Les Relocalisateurs, créé en mai 2021, se constitue en association. Pourquoi passer aujourd’hui à la vitesse supérieure ?

Virginie Sappey : la nouvelle donne sur la place du local et l’importance de la territorialité s’est amplifiée avec la crise sanitaire et l’urgence écologique. Une nouvelle géographie culturelle redessine le maillage territorial. Chez beaucoup de nos clients, les systèmes de gouvernance se sont décentralisés et les régions ont leur mot à dire dans les stratégies de communication. Dans nos métiers d’agence de stratégie et de communication ou en tant que média, nous devons tenir compte de cette dynamique. Sur le marché publicitaire, le local représente près de 10 milliards d’euros selon France Pub, mais ces budgets sont largement trustés par des acteurs du digital américains et ne reflètent pas la dynamique impulsée par les Français à laquelle notre filière veut être partie prenante. La constitution du collectif avait eu beaucoup de résonance. Il fallait aller plus loin en créant cette association.

On peut être médiaplanneur et avoir un esprit citoyen en ne versant pas dans la facilité qu’apportent les algorithmes et le volume

Florian Grill : on entend beaucoup parler de relocalisation industrielle et d’enjeux de souveraineté mais, de manière très paradoxale, pas du tout de relocalisation média. C’est pourtant un enjeu d’emploi et de pouvoir d’achat, auquel s’ajoute une dimension fondamentalement citoyenne via l’information. Il ne s’agit pas d’être anti Gamam, mais l’industrie des médias se doit de trouver l’équilibre qui pourra alimenter les supports nationaux ou locaux qui portent l’information et répondent à des enjeux de démocratie. On peut être médiaplanneur et avoir un esprit citoyen en ne versant pas dans la facilité qu’apportent les algorithmes et le volume. Le local demande un peu plus de travail mais propose de bons équilibres qui préservent notre démocratie. Pour traiter d’un tel enjeu de société, il fallait s’ouvrir et élargir le périmètre au-delà des membres fondateurs du collectif.

IN : le poids croissant de Facebook et Google est un sujet soulevé de longue date au sein du SRI…

V.S. : au sein du SRI, la démarche du Digital Ad Trust visait à faire évoluer les choix médias vers des sujets de qualité et de diversité. Malgré les engagements, les transferts ne suffissent pas à créer un véritable équilibre…

IN : comment convaincre les marques de faire évoluer leur mix média ?

F.G. : cela dépend beaucoup de l’argumentation de l’agence média. CoSpirit explique beaucoup au retail l’importance de nourrir les zones de chalandises dans lesquelles sont implantés leurs magasins. Ils comprennent que communiquer sur les médias qui génèrent localement de l’emploi et du pouvoir d’achat leur est aussi bénéfique. On peut mettre en avant la simplification et le ROI dans une logique de rentabilité immédiate, mais la responsabilité d’une agence média est de réfléchir à l’écosystème global. A nous de trouver les KPI qui vont convaincre les annonceurs et d’assumer notre responsabilité pour montrer qu’un bon équilibre entre le national et le local génère plus d’efficacité pour le client.

La responsabilité d’une agence média est de réfléchir à l’écosystème global. A nous de trouver les KPI pour montrer aux annonceurs qu’un bon équilibre entre le national et le local génère plus d’efficacité

V.S. : Dans son rôle citoyen de média, France TV Publicité fait aussi un travail de sourcing sur les start-up de l’Adtech pour faire éclore des entreprises françaises qui ont une expertise intéressante. Nous travaillons par exemple avec une start-up toulousaine smappen (ex-Oalley) dans le cadre d’une offre de télé segmentée qui permet de faire du géomarketing.

IN : dans l’ouverture des Relocalisateurs à d’autres acteurs, les agences médias sont donc essentielles…

F.G. : les agences médias sont en effet toutes bienvenues au sein des Relocalisateurs. On souhaite d’ailleurs lancer un Cercle des médiaplanneurs atterrés – sur le modèle du collectif Les économistes atterrés – pour appeler à la responsabilité et faire comprendre que, dans cette mission, il y a une dimension citoyenne à ne pas négliger. Il faut faire œuvre de pédagogie auprès des clients pour trouver un bon équilibre entre les poids et contre-poids qui existent chez les annonceurs entre des directions achats, médias, marketing, d’exploitation…

IN : de quels moyens se dotent les « nouveaux » Relocalisateurs et quelles vont être les premières actions concrètes ?

F.G. : le collectif fonctionnait sur la bonne volonté de chacun. Alexis Goujon (ex-directeur stratégie, marketing et communication de CoSpirit, ndlr) a été nommé directeur général de l’association et est dédié à temps plein au projet. Il est en charge de l’élargissement de la cible des membres de l’association pour accélérer la prise de conscience sur le sujet, par exemple en allant chercher des grandes régions, entreprises et institutions, en mobilisant les acteurs économiques et politiques, les sociologues. Au-delà des webinars que nous faisions déjà, nous voulons produire des études, sortir des data, mener des actions de sensibilisation, par exemple avec ce futur Cercle des médiaplanneurs atterrés, organiser des grandes Journées du local, intervenir en région, multiplier les ateliers de débats, les tables rondes…

V.S. : le domaine des études est très pauvre sur cette dimension du local. Il serait intéressant d’avoir une Journée des études du local. La connaissance de cet échelon doit pouvoir irriguer l’ensemble de la chaîne de valeur.

IN : des nouveaux membres ont-ils déjà été validés ?

F.G : nous venons d’annoncer l’ouverture mais des discussions sont déjà engagées avec plusieurs entreprises pour qu’ils deviennent membres. Le montant de l’adhésion a été fixée à 25 000 euros, qui n’est pas un montant anodin. Il reflète les enjeux et les objectifs qui sont les nôtres. Nous devenons une organisation structurée qui a besoin de se doter de vrais moyens pour porter cette ambition.

En résumé

Le collectif Les Relocalisateurs avait été créé en mai 2021 par CoSpirit Groupe, JCDecaux, FranceTV Publicité, Adot et 366, pour valoriser les médias français dans les stratégies média des marques.

Le bureau de l’association est composé de quatre membres : Florian Grill (CoSpirit Groupe) est le président de l’association. Virginie Sappey (France TV Publicité) en est la secrétaire générale et Alban Duron (JCDecaux) le trésorier. Thomas Kouck (Adot & Veepee|ad), y siège aussi en tant que membre fondateur.

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