24 mars 2022

Temps de lecture : 7 min

Caroline Renoux (Birdeo) : “Notre passage en société à mission est un investissement pour l’innovation et la rentabilité économique”

Birdeo est le pionnier des cabinets de recrutement spécialisés dans le développement durable et l’Impact. S’il accompagne depuis 10 ans les entreprises engagées dans le recrutement de profils RSE, ce n’est que l’an dernier qu’il a entrepris son passage pour obtenir la qualité d’entreprise à mission. Caroline Renoux, fondatrice et présidente de Birdeo nous partage son cheminement, les choix qu’impliquent de devenir une société à mission et nous livre les dernières tendances sur le marché de l’emploi à impact
The Good : Vous accompagnez depuis 10 ans les acteurs engagés dans la transition écologique et sociale de leur entreprise. Pourquoi avoir attendu presque 3 ans avant de devenir une entreprise à mission ?

Caroline Renoux : Cela fait longtemps que je m’intéresse à cette qualité de société à mission. Nous avons notamment accompagné le recrutement de la Directrice Générale de la communauté des entreprises à mission. Même s’il paraissait logique et facile pour nous d’être Société à Mission puisque nous sommes labélisés B Corp depuis 2015, je voulais prendre le temps de poser les choses avant d’y aller, car je considère que les structures comme la nôtre ont un devoir d’exemplarité. J’ai pris le temps d’intégrer la communauté des entreprises à mission en suivant leurs différents webinars pour comprendre ce que cela changeait mais aussi mieux comprendre comment impliquer ses collaborateurs dans cette démarche. J’ai également suivi la première formation sur comment devenir Société à Mission. Pendant 7 à 8 semaines, à raison d’une matinée par semaine, nous avons reçu apports théoriques et pratiques par des entreprises ayant fait les démarches de devenir société à mission. En parallèle, je suis devenue présidente du comité de mission d’Ecolearn, ce qui m’a aussi permis de comprendre comment fonctionnait le passage vers la qualité de société à mission. Nous nous sommes lancés en mai 2021, et avons obtenu la qualité de Société à Mission en novembre dernier.

TG : Au-delà de votre « autoformation », avez-vous été accompagnée ?

CR : Nous avons fait le choix d’être accompagnés par un cabinet de conseil, Des Enjeux et des Hommes, en particulier dans la définition de notre raison d’être et de nos engagements. Cela a été extrêmement riche. J’ai choisi ce parcours un peu « scolaire » car s’il est « facile » de se déclarer société à mission et de l’inscrire dans ses statuts quand on est une petite entreprise sans actionnaire, j’étais attentive à ne pas faire de « Mission Washing ». Le danger est que les gens se lassent de cette qualité et qu’il n’ait plus vraiment de sens.

Ce travail nous a permis d’inclure toutes les parties prenantes : nous avons impliqué dans la démarche des candidats, des associations, des clients, des écoles, des partenaires et bien entendu tous les salariés de l’entreprise.

Nous avons notamment réuni l’équipe de Birdeo sur 4 demi-journées de workshops et de restitution des interrogations des parties prenantes. L’équipe s’est sentie pleinement impliquée et mobilisée. Nous sommes également remontés dans l’Histoire de Birdeo, en questionnant ceux qui l’ont vu naître et qui l’ont racontée avec leurs mots. Quand on écrit sa raison d’être, c’est bien de se replonger dans son historique.

Cette étape nous a également permis de formaliser nos engagements. Ce n’est pas forcément simple quand on est une société de services. Il nous faut trouver des engagements pertinents, avec du sens, au regard de notre activité.

je le vois comme un investissement, utile à notre innovation et à notre rentabilité économique
TG : Quelle est la raison d’être de Birdeo ?

CR : Nous faisons partie de ceux qui pensent que la raison d’être ne doit pas être un slogan de communication. Voici celle que nous avons écrite : « éclairer et accélérer la transformation des métiers, en mobilisant les meilleurs talents et décideurs, pour contribuer ensemble à la dynamique durable, inclusive et engagée des organisations ».

TG : Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?

CR : Ce que l’on a appris durant notre accompagnement, c’est que la raison d’être doit être une boussole au-dessus de la stratégie. Ce ne sont pas tant des obstacles, que des partis-pris et des renoncements.

Le parti-pris a été de nous positionner dans une posture d’éclaireur pour avoir un temps d’avance pour nos clients et nos candidats sur les besoins métiers de demain.  Néanmoins, nous avons renoncé à certaines de nos practices pour lesquelles les métiers sont normés et de nombreux acteurs du recrutement se sont positionnés pour répondre à cette demande en volume. C’est le cas de nos practices « énergies renouvelables » et « efficacité énergétique ». Cela ne correspondait plus à notre raison d’être, même si elles représentaient quand même 30% de notre chiffre d’affaires 2020. Je tiens à préciser néanmoins, avec beaucoup d’humilité, que l’on a pu se le permettre car nous sommes dans une période où la RSE, le développement durable, fonctionnent très bien.

Tous les secteurs et tailles d’entreprises sont en marche vers une structuration et une accélération de leur démarche RSE
TG : Le passage à la qualité de société à mission a finalement accéléré la transformation de Birdeo ?

CR : Je vois déjà une différence depuis le mois de septembre dernier. Ce qui est assez intéressant, c’est que comme tous nos salariés ont participé au processus, tout le monde s’est approprié cet esprit de pionnier. C’était une intuition que je portais, et qui a transparu tout de suite dans nos réflexions collectives. Cela a par exemple permis d’accélérer des projets que l’on avait en tête, comme la création d’une offre executive search. Jusqu’à aujourd’hui nous faisions beaucoup de « middle management » car le développement durable n’était pas du ressort des comités exécutifs ou de direction. Or cela devient stratégique pour les entreprises, c’est pourquoi nous avons choisi de créer une practice spécifique.

Dans cette idée « d’éclairer », nous avons également publié un livre blanc sur les nouveaux métiers dans les directions de l’engagement et de la RSE afin de participer à la professionnalisation de ces métiers, et faire en sorte que ce soient des gens avec les bonnes compétences, la bonne attitude qui transforment les organisations. Nous jouons un rôle très fort dans l’accompagnement des candidats, nous les conseillons sur leur carrière, sur leur positionnement. Nous les rencontrons régulièrement, et organisons une fois par mois un talk for change, où nos consultants rencontrent des talents en reconversion ou en poste sur ces sujets et qui se posent des questions.

Nous sommes aussi très sollicités par les écoles, de commerce, d’ingénieurs, sur le sujet du contenu des formations qui participe à la professionnalisation de ces métiers.

Il n’y a pas suffisamment de profils mêlant expérience et connaissance : faire un bilan carbone ou des achats responsables, ça ne s’improvise pas.
TG : Quels ont été les adjuvants ?

CR : Le fait d’être B Corp depuis 2015 nous a permis de nous poser les bonnes questions d’ordre social ou écologique. Se doter d’une mission sans réfléchir au mode opératoire – comment on traite ses salariés, comment on améliore son bilan carbone, etc – ça ne sert à rien. Je trouve que la double approche B Corp (ou un autre label) et la qualité de société à mission est intéressante pour cela, ne pas juste se contenter de dire « j’ai des missions, j’ai des engagements ». C’est bien de faire un « 360 » avant de devenir société à mission : on range, on fait le ménage, avant de se fixer le grand cap.

TG :  Quelle a été votre organisation pour dédier du temps et de l’énergie au passage en société à mission ?

CR : C’est non seulement du temps, mais c’est un budget. Je voulais autant que possible que le processus soit exemplaire car je le vois comme un investissement, utile à notre innovation et à notre rentabilité économique. C’est de la R & D, et de la motivation pour les collaborateurs. Cela nous a permis de clarifier notre stratégie, notre positionnement, nos nouvelles offres, et de faire en sorte que petit à petit, Birdeo c’est aussi toute l’équipe derrière Caroline Renoux.

Le fait d’être en croissance, d’être plus solide, m’a permis de créer un comité de pilotage, un poste de direction opérationnelle qui est tenu par Catherine Brennan, j’ai pu alors me dégager du temps pour ces choses-là, et le faire avec authenticité.

TG : Quelles sont les tendances sur le marché de l’emploi à impact aujourd’hui ? Vous évoquiez il y a quelques mois dans The Good une pénurie de talents. Où en sommes-nous ?

CR : C’est toujours le cas et c’est aussi une bonne nouvelle ! Tous les secteurs et tailles d’entreprises sont en marche vers une structuration et une accélération de leur démarche RSE. Tous les cabinets de conseil veulent doubler leur équipe RSE cette année, qu’ils soient 5 ou 60, les ETI s’y mettent et le secteur financier continue de se développer. Il n’y a pas suffisamment de profils mêlant expérience et connaissance : faire un bilan carbone ou des achats responsables, ça ne s’improvise pas. Et de façon générale il y a une pénurie concernant les postes de cadres.

TG : Quels sont les métiers concernés ?

CR : Il y a une demande forte en conduite du changement, ce qui requiert des profils avec un fort leadership. Il y a aussi des sujets très techniques, beaucoup de réglementaire. La question des datas aussi est importante : trouver la bonne donnée, savoir où la capter, bien l’analyser. Il faut des pionniers, des gens très smart, qui soient capables de réinventer des métiers. Prenons l’exemple de la comptabilité : on est en train d’inventer le langage qui va désormais nous permettre de prendre en compte tout le vivant, tout le social.

TG : Quelles sont les solutions pour remédier à ces pénuries ? Est-ce une question de formation uniquement ?

CR : Il y a certes un sujet de formation, mais je pense qu’il y a aussi un sujet au niveau des profils recherchés. On attend souvent des candidats qu’ils maîtrisent tous les aspects de la RSE. On pourrait aussi créer un modèle de répartition des rôles : un senior siégeant au board, qui ait la culture générale, la culture de l’entreprise, et un autre profil qui serait opérationnel, et qui pourrait être épaulé par des experts freelances, des cabinets de conseil sur des points techniques, ou par un cabinet d’avocat sur le réglementaire.

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