INfluencia : Quelle est la stratégie de marketing inclusif de votre société et pourquoi l’avez-vous lancée ?
Florian Kiener : Le marketing inclusif s’oppose au marketing genré, qui décrit les principes et les stratégies visant à répondre aux besoins des clients féminins et masculins de manière différenciée. Au-delà des couleurs, cette distinction se porte sur les produits eux-mêmes et la cible visée dans la campagne de marketing. Chez happybrush, nous avons choisi de poursuivre une stratégie de marketing inclusif qui consiste à considérer la diversité de la population et notamment de ne pas différencier entre filles et garçons. Notre objectif est de proposer un produit unisexe pour les enfants, c’est-à-dire qui soit accessible à tous sans critère de genre. Ainsi, notre gamme junior est composé de produits neutres en termes de genre. Cela se caractérise par notre choix de héros comme les Minions et de couleurs comme le jaune.. Nous voulons ainsi nous adresser à tous les enfants, quels que soient leur origine, leur genre et leurs intérêts.
INfluencia : Quelle est votre définition des produits genrés ?
F.K. : Un produit genré vise exclusivement un type de consommateur et pas l’autre. Concernant les brosses à dents, cela repose notamment sur un code couleur spécifique : du bleu pour les garçons, du rose pour les filles ; ou encore sur des éléments décoratifs : des pirates d’un côté, des princesses de l’autre.
Ce type de marketing repose sur l’hypothèse que les femmes et les hommes achètent et consomment différemment parce que leurs univers et leurs expériences de vie sont différents. Au-delà des couleurs, cette différenciation se porte sur les produits eux-mêmes et la cible visée dans la campagne de marketing. On pense facilement à la différence visible dans les campagnes de marketing concernant les articles de beauté, les jouets, les produits de ménage ou de bricolage. Les exemples sont nombreux mais tous ont commepoint commun de s’accrocher à des stéréotypes de moins en moins en phase avec la société actuelle.
INfluencia : Le « gender marketing » est-il adapté aux consommateurs d’aujourd’hui ?
F.K. : Le marketing genré a tendance à renforcer les stéréotypes et à catégoriser les consommateurs, selon leur genre. Pourtant, lesacheteurs sont de moins en moins réceptifs à ces stéréotypes, toutparticulièrement chez les jeunes. Il s’agit d’une représentation des genres, de leur rôle respectif dans la société, correspondant de moins en moins à la réalité. La communauté LGBTQIA+ est de plus en plus présente dans le débat public. Ce sont des personnes qui s’identifient plus aux produits inclusifs également. Sur la base de ces faits, nous pensons que le marketing de genre est désuet et que les consommateurs répondent de moins en moins favorablement à ce genre de ciblage. Le marketing genré dessert les entreprises puisqu’une proportion croissante des consommateurs font attention aux engagements d’une marque ainsi qu’à son impact sur les personnes et la société. Les parents notamment prennent de plus en plus en considération ces valeurs pour les produits du quotidien à destination de leurs enfants. Une initiative non genrée devient un argument d’achat pour ces acheteurs. Ainsi, plus de 78% des personnes interrogées dans une étude publiée sur HAL1 ont répondu être attentifs aux valeurs véhiculées par les entreprises.
INfluencia : Peut-on parler de taxe rose et si oui quel niveau atteint-elle ?
F.K. : Il peut en effet arriver parfois que cette distinction de genre s’opère également sur les prix, avec des produits ne coûtant pas autant en fonction de leur couleur bleue ou rose. Ce « gender pricing» est une discrimination car la distinction n’a d’autre explication que le marketing genré. Bien que cette problématique ait évolué depuis quelques années, il est frappant de constater que certains jouets ciblant les filles sont plus chers que ceux pour garçons. Dans ce cas, on peut bien évidemment parler de taxe rose.
Une étude montre toutefois que seulement 2,3% des femmes et 1,4% des hommes paient des prix plus élevés pour les variantes féminine et masculine du même produit, ce qui signifie que la différenciation des prix selon le sexe est très faible. Mais d’après Pépite sexiste, une association de sensibilisation au sexisme diffusé par le marketing, la taxe rose existe même s’il est compliqué de prouver son existence.
INfluencia : Faut-il lutter contre le « gender marketing » et si oui pourquoi et comment ?
F.K. : Nous pensons en effet qu’il est important pour les entreprises de considérer le gender marketing comme désuet, et qu’il peut même desservir les objectifs de vente. Tout d’abord parce qu’il ne cible plus les clients tels qu’ils sont et tels qu’ils consomment. Nous ne pensons pas par exemple qu’une femme est plus à même d’acheter une brosse à dents rose, si ce n’est par goût personnel. Le ciblage est donc erroné. De plus, parce qu’il véhicule des stéréotypes souvent dépassés voire néfastes, ce type de marketing porte par sa présence un message sur les valeurs de l’entreprise, sur sa prise de position dans la société. Aujourd’hui, les consommateurs prennent en considération les valeurs portées par la marque dans leur décision d’achat, ils s’attendent à une certaine prise de position de sa part. Pour autant, il s’agit moins d’une lutte que d’une adaptation nécessaire aux évolutions de la société. C’est pourquoi les entreprises ne devraient pas imposer certains stéréotypes aux consommateurs par le biais de leur stratégie marketing. Un produit neutre du point de vue du genre pourrait être une bonne approche. Nous pensons tout particulièrement que la jeune génération changera les codes. Selon nous, le marketing inclusif est le marketing du futur.