22 mars 2022

Temps de lecture : 3 min

Benetton et Dove sont les marques qui incarnent la diversité et l’inclusivité pour les Français…

Tel est le constat du premier baromètre Inclusion et Diversité dans la publicité de  Kantar et The Good Company publié demain. Sexisme, représentations trop faibles des minorités, purple-washing, tokenism, social-washing, la publicité a du pain sur la planche quand il s’agit de diversité. Luc Wise et Anne-Lise Toursel de Kantar évoquent les lacunes de la culture publicitaire et exhortent les uns et les autres à changer la donne en étant sincères et persistants. À vos yeux.
INfluencia : étonnamment et alors que l’on ne cesse d’évoquer ces sujets, aucun indicateur professionnel n’existait jusqu’à aujourd’hui…

Luc Wise : le sujet de la diversité et de l’inclusivité a toujours existé en publicité. L’ARPP publiait jusqu’en 2009 une étude qui était un outil pour les publicitaires, mais depuis, bizarrement, rien. Or tout le monde a un avis sur la question, et de fausses impressions… La presse professionnelle qui s’intéresse de fait à la question pense qu’il y a un engouement un peu trop systématique pour cessujets, en parallèle si vous interrogez les consommateurs, ils estiment que la diversité et l’inclusivité sont sous-représentés dans la communication. Nous avons décidé avec Kantar de créer ce premier baromètre pour apporter un éclairage objectif. Un baromètre pour lequel nous avons en effet travaillé sur une méthodologie qui combine une analyse de contenus publicitaires (data et pré-tests et post-tests publicitaires), et une enquête auprès de 1000 Français. Cette lecture croisée permet de confronter la perception et les attentes des Français à la réalité du contenu publicitaire.

IN. : Et que disent les Français ?

L.W. : le baromètre souligne un plébiscite pour la diversité dans la publicité. Les Français, sont pour 75% persuadés qu’il est important de montrer des minorités, dans une France divisée, avec des tensions communautaires accentuées pendant la campagne présidentielle. Ils sont 78% à trouver que les marques font plus d’efforts sur le sujet ces dernières années. Et que cette représentation s’améliore surtout, selon eux, pour les personnes de couleurs de peau ou d’origine différente. Mais en revanche lorsqu’il s’agit d’évoquer des marques inclusives, ce sont Benetton et Dove qui arrivent très largement en tête.

IN. : Benetton qui ne communique plus ainsi depuis 30 ans… Et Dove qui a démarré sa construction inclusive en 2004… Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Anne-Lise Toursel : Benetton a laissé une trace indélébile dans l’esprit des Français parce qu’à l’époque, le débat médiatique déclenché par la marque de prêt à porter était l’équivalent d’un buzz aujourd’hui… À une époque où s’engager pour une marque était absurde, ou en tout cas mal venu pour beaucoup, -comment une marque pouvait oser s’engager alors que son job c’est de vendre des pulls ?-, les affiches de Oliviero Toscani étaient de pures provocations… Pour sa part, Dove, prouve que sa démarche est sincère, et que les citoyens l’ont entérinée comme telle. Loin, très loin derrière apparaissent H&M, Decathlon et Carrefour.

IN. : comment expliquez-vous ce décrochage ?

L.W. et A-L.T. : pour les Français, les marques manquent de sincérité et d’authenticité…69% d’entre eux pensent que les marques s’engagent sur le sujet par opportunisme, pour surfer sur la tendance ou être politiquement correct. 38% estiment que la diversité n’est qu’un élément accessoire de la publicité. Une chose est claire si Benetton et Dove viennent immédiatement à l’esprit, c’est qu’il y a l’audace et la persistance qui seules comptent, en matière de pub.

IN. : la publicité serait en retrait aussi sur la représentation des masculinités  et en matière de handicap?

L.W. oui, on parle souvent de la représentation de la femme dans la publicité ces dernières années, notamment avec des publicités comme Darjeeling qui a su sortir de son pré carré convenu, mais l’étude montre que les hommes se sentent mal représentés, victimes d’archétypes et de stéréotypes rétrogrades. Le sportif musclé qu’on retrouve par exemple chez Nivea Men, le businessman chez Uber ou encore le séducteur qui plaît à toutes les femmes chez Dior… D’un autre côté certaines semblent ouvrir la voie et essaient de véhiculer des représentations nouvelles des masculinités, comme par exemple Gillette…  Mais il faut également parler de handicap qui est le grand oublié de la publicité… Alors que 12 millions de Français sont en situation de handicap en France, seulement 9% des Français disent avoir vu une publicité montrant une personne en situation de handicap… L’analyse de Kantar montre qu’en réalité, seulement 3% de la publicité française montre une personne en situation de handicap en 2020…

IN. : quelle est votre conclusion sur ce rapport ?

L.W. et A-L.T. : Il faut cesser à tout prix les démarches opportunistes, il faut être sincère, maintenir le cap, prendre le temps de bâtir une stratégie et s’y tenir. Et puis, ce qui compte aussi, c’est la preuve par le produit. Adidas et ses brassières, Garnier et son Green beauty for all, Nike qui célèbre la diversité de manière ultra-créative et politique. Nous avons du travail.

 

En résumé

Dès lors qu’on respecte les 3 règles d’or par Luc Wise
– Un casting qui est naturel, à l’image de la réalité (et pas du tokenism bidon)
– Une diversité au service de l’histoire et/ou qui s’intègre naturellement dedans
– Une diversité au service de la marque, de son positionnement et qui n’est pas un one-shot opportuniste.
On en a parlé, mais le casting est extrêmement authentique (des vrais sociétaires), leur diversité est au service de l’histoire qu’on souhaite raconter (une assurance qui appartient à toutes et tous ses sociétaires, quelque soit leurs origines géographique, leur classe sociale, leur âge, leur accent, leurs opinions …), et qui est cohérent avec l’ADN de la marque (la première mutuelle à s’est ouverte à tous les français, vs. réservé à un corps de métier, un secteur d’activité …)
 
Un bon exemple aussi. Un casting d’acteurs mais fait avec réalisme et sincérité. Et surtout une marque qui a toujours parlé de parcours de vie (son positionnement et sa saga publicitaire depuis toujours) mais qui prend acte du fait que les parcours de vie d’aujourd’hui sont divers et variés (vs. stéréotypés et normés). Et oui, comme dans la vraie vie, les seniors peuvent avoir une vie affective et sexuelle, les parents être des couples homoparentaux et ce n’est pas parce qu’on est en situation de handicap qu’on ne peut avoir une vie de jeune fille qui s’amuse). La diversité au service du propos : vos vies ne rentrent plus dans le cases (la mienne certainement pas ?)
 
GILLETTE
Un changement de stratégie globale au niveau mondial pour passer de « The Best a Man Can Get » à « The Best a Man Can Be ». Intéressant parce que (i) ils ont été critiqués dans un premier temps, notamment aux US, mais ils ont tenu bon, ils ont maintenu le cap (vs. faire marche arrière ou apparaître opportuniste). (ii) parce que les exécutions créatives sont différentes en fonction des pays et des cultures.
HEINEKEN
Des pubs très créatives (on est d’accord que c’est important : sincère ET créatif).
Des pubs qui sont en ligne avec la signature de marque « Open your world » et les notions de convivialité, d’ouverture d’esprit et d’échanges autour d’une bonne bière au cœur de la stratégie mondiale (en France la Loi Evin rend les choses un peu plus compliquées).
2 exemples qui promeuvent la diversité des points de vue et combattent les clichés.
Une marque qui a toujours assumé son côté clivant (cf. « You either love it or your hate it ») avec ses fans (The Lovers) et ses détracteurs (The Haters).
Cette publicité est très drôle avec un casting très naturel digne des meilleures séries anglaises de la BBC ou Channel 4, où la diversité n’est pas un sujet en soi, elle est intégrée de façon très naturelle dans une histoire drôle et très créative (Règle d’OR #1).
Après, on peut aussi y voir des clins d’oeil à des sujets sociétaux d’inclusivité et d’acceptation sociale (cf. les clins d’œil aux tests génétiques et aux comings-out).

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