24 février 2022

Temps de lecture : 5 min

Florian Breton (MiiMOSA) : “Les agriculteurs sont les principaux soldats du climat.”

MiiMOSA a été créée il y a 7 ans pour participer au financement de la transition agricole, en rapprochant les producteurs et les consommateurs. 5 000 projets ont déjà été financés par 70 millions d’euros levés. A l'occasion de l’ouverture du Salon de l’Agriculture ce 26 février, nous revenons avec Florian Breton, le fondateur de MiiMOSA, sur les tendances et les enjeux de transformation du secteur agricole et de l’agro-alimentaire.
Miimosa
THE GOOD : Quelle est la raison d’être de MiiMOSA?

Florian Breton : J’ai monté MiiMOSA il y a 7 ans avec l’ambition de créer une marque qui soit le symbole de la profonde transformation sociale, économique et écologique du secteur agricole. J’identifiais aussi une vraie opportunité de marché à créer une alternative aux banques traditionnelles en termes de financements, reflétant la diversité des profils d’agriculteur.ice.s, de l’évolution de leurs besoins et des changements de mentalités. Il y avait une vraie volonté du secteur agricole de s’affranchir de manière générale des modèles existants historiques, dans les pratiques culturales, dans les collaborations avec les industriels, les coopératives, les négoces. Et donc les banques et les assureurs en faisaient partie.

Ce secteur s’est profondément digitalisé : 86% des agriculteurs sont connectés à Internet, c’est la catégorie socioprofessionnelle la plus connectée à Internet. Ils s’en sont emparés pour la data, l’intelligence artificielle, la robotique, les drones, les stations météo. Nous allons vers une agriculture connectée, intensive en connaissance et moins en produit chimique. Par ailleurs, alors que les agriculteurs travaillent énormément, 70 à 90 heures par semaine, c’était pour moi une ineptie qu’ils n’aient pas de solution simple, flexible et rapide pour leur accès au financement. Dans le même temps, en 2015 commence à émerger une vraie volonté des consommateurs de se rapprocher de leur alimentation. Et donc de se rapprocher des producteurs de l’alimentation, des agriculteurs.

C’est à partir de ce double besoin, du grand public, de devenir acteur et des agriculteurs d’avoir accès à un financement simple, rapide mais surtout humain et à l’écoute des enjeux du secteur, qu’est née MiiMOSA en tant que première plateforme de financement en Europe sur la thématique agricole.

TG : Du crowdfunding au fonds de dette que vous venez de lancer, vous proposez désormais une large palette de financement à vos clients. Quel est le chemin parcouru ces sept dernières années ?

FB : Nous sommes présents en France et en Belgique, et avons accompagné 5 000 projets depuis 2015. C’est 120 nouveaux projets par mois. 400 000 membres actifs se sont inscrits sur la plateforme pour donner, prêter, porter un projet. Nous avons franchi le cap des 70 millions d’euros de financement, dont 30 millions réalisés l’année dernière. Il y a une très forte accélération de l’activité.

Pour financer les projets de transition, nous avons 2 instruments. Le premier c’est le modèle historique du crowdfunding, du don avec contrepartie en nature. Nous avons plus de 70% de parts de marché et agrégeons la quasi-totalité des projets français et belges de notre thématique : des épiceries vracs, des magasins de producteurs, des chocolateries et biscuiteries, des brasseurs, des distillateurs. Ils passent par nous pour lever plusieurs milliers d’euros, et offrent en contrepartie des produits, des séjours ou des expériences à la ferme. C’est formidable parce que ça permet à un porteur de projets de lever autre chose que de la dette, de développer sa notoriété et de se constituer une clientèle. Et pour le grand public, cela lui permet de bénéficier de produits, de séjours, d’expériences, une forme d’Airbnb du financement agricole et agroalimentaire.

Notre deuxième instrument c’est le crédit. Au départ, nous permettions juste à des particuliers de placer de manière utile et transparente leur épargne, avec le premier produit d’épargne au monde 100% fléchés vers l’agriculture de manière désintermédiée. Car MiiMOSA n’est pas un établissement de crédit comme les banques, nous ne stockons pas l’argent pour le transformer en prêt. Nous mettons en relation directement vers l’économie agricole, en sélectionnant les porteurs de projets en transition selon des critères financiers et des critères extra financiers.

En 2019, nous avons obtenu un agrément pour permettre aussi à des entreprises, des fondations, des fonds, des Family offices, de financer les projets. Et cette année, pour aller encore plus loin, plus vite et plus fort, nous avons créé un véhicule d’investissement, un fonds de dette, dans lequel nous logeons plusieurs investisseurs institutionnels et corporate. Ce fonds prêtera à toutes les collectes en dettes supérieures à 100 000€, dans un délai très rapide, entre 5 et 10 jours maximum selon le montant.

L’agriculture est un secteur singulier qui peut adresser 11 des 17 objectifs du développement durable. C’est le seul secteur qui réponde autant aux grands objectifs du 21e siècle.
TG : Quels sont vos objectifs à moyen terme ?

FB : On vise d’ici fin 2024 de dépasser le demi-milliard de financements cumulés en France et en Belgique. C’est ambitieux mais le marché est immense ! Le secteur agricole est très capitalistique, il représente 15 milliards d’euros de crédits par an. Notre objectif c’est de devenir le leader de l’offre nationale pour l’agriculture et l’agroalimentaire. L’agriculture est un secteur singulier qui peut adresser 11 des 17 objectifs du développement durable. C’est le seul secteur qui réponde autant aux grands objectifs du 21e siècle.

Désormais, nous mettrons en avant les 3 finalités principales (enjeu climatique, environnemental à travers la biodiversité, les énergies renouvelables, la santé humaine, le développement territorial, etc…) auxquelles répondent chacun des projets.

TG : Vous qui accompagnez 120 dossiers par semaine, quelles sont les tendances qui se dégagent des projets ?

FB : La première tendance c’est qu’il y a une féminisation de l’agriculture. Dans les années 70, 8% des exploitants agricoles étaient des femmes. En 2022, c’est entre 25 et 30%. Elles représentent 45-50% de nos clients.

Cette transition sociale passe aussi par l’émergence de nouveaux profils, des personnes non-issues du monde agricole qui s’installent, parfois en reconversion. Aujourd’hui, un agriculteur.ice sur 2 qui s’installe en France est hors cadre familial. Cette transition sociale va bouleverser l’agriculture puisqu’un agriculteur sur 2 va partir à la retraite dans les 5 prochaines années. Nous en sommes un témoin privilégié : les projets d’installation représentent 25% de notre activité.

La deuxième tendance est la diversification des business model. L’agriculteur n’est plus qu’un simple producteur, il est un vrai chef d’entreprise. Il gère une multitude de business model, qui le rendent de plus en plus résilient. Nous voyons déjà émerger une diversité d’activités comme la transformation et la vente directe à la ferme, l’hébergement, les magasins de producteurs. Ma conviction c’est que le métier d’agriculteur va devenir un métier attractif, grand public, mais aussi rémunérateur, parce que l’agriculteur produira aussi des énergies renouvelables, de la biodiversité, sera stockeur de carbone. La valeur financière du crédit carbone va être fléchée vers l’agriculteur, car l’agriculture mondiale est le plus gros puits de carbone potentiel avec les océans.

Nous mesurons également l’engouement pour la transition écologique, avec l’évolution des pratiques culturales vers l’agroécologie et l’agriculture biologique. C’est 100% des dossiers que l’on accompagne. C’est difficile d’avoir des chiffres précis de la transition, mais ce qui ressort c’est que 75% des projets à l’installation ou à la reprise d’activité portent sur un changement de modèle agronomique, par rapport à l’activité précédente. Et selon les enquêtes, entre 60% et 70% des agriculteurs se considèrent être en transition.

51% la justifient par la volonté d’avoir un impact direct et concret sur l’environnement. Parmi les principales préoccupations revendiquées : la préservation de la biodiversité du territoire, des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique.
TG : Après deux ans de fermeture, le salon de l’agriculture titre sur « les retrouvailles ». Comment imposer l’impact écologique et social du monde agricole à l’agenda du SIA ?

FB : Ce sera notre grande thématique côté MiiMOSA. Nous voulons révéler l’impact que nous avons, à travers une enquête réalisée auprès de nos porteurs de projets. Nous les avons sondés sur leurs motivations à la transition. Ce qui ressort, c’est l’enjeu écologique. 51% la justifient par la volonté d’avoir un impact direct et concret sur l’environnement. Parmi les principales préoccupations revendiquées : la préservation de la biodiversité du territoire, des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique. 51% la justifient par la volonté d’avoir un impact direct et concret sur l’environnement. Parmi les principales préoccupations revendiquées : la préservation de la biodiversité du territoire, des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique.   Cet article a d’abord été publié dans The Good.

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