INfluencia : Vous avez décidé de reconduire en 2022 votre Observatoire de l’Influence Responsable. Quel est l’objectif de cet organisme ?
Mohamed Mansouri : Nous avons adopté en 2017 des dispositions liées à la communication des influenceurs pour le compte des marques car nous voulions définir des règles de transparence et rendre explicite et accessible à tous, la manière dont doit être portée à la connaissance du public l’existence d’une collaboration commerciale. Depuis, nous avons fait beaucoup de pédagogie auprès des influenceurs pour qu’ils comprennent bien notre projet. La création de l’Observatoire de l’Influence Responsable en 2021 vise à vérifier si les règles que nous avons mises en place sont respectées dans la réalité. Nos objectifs sont d’identifier les communications commerciales déguisées, de les distinguer des contenus révélant une intention commerciale de manière transparente et de définir un plan d’action pour inciter au respect des bonnes pratiques.
IN : La publication de l’édition 2021 montre qu’il vous reste encore beaucoup de travail à faire…
M.M. : En effet. Nous avons analysé 30.318 contenus publiés par 7013 influenceurs et nous avons constaté que plus d’un quart des publications (26,6%) ne dévoilaient pas leurs intentions commerciales. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé chez les petits influenceurs qui comptent moins de 10.000 abonnés (42%) que chez ceux qui en possèdent plus de 1 million (12%).
IN : Comment analysez-vous ces chiffres plutôt inquiétants ?
M.M. : Beaucoup d’influenceurs, principalement ceux avec de faibles audiences, ne connaissent pas les règles qu’ils sont supposés respecter. C’est pour cette raison que nous avons lancé le Certificat de l’Influence Responsable avec Media Institute. Cette initiative a trois objectifs. Elle permet aux influenceurs de maîtriser le cadre légal et déontologique, elle les aide à protéger leurs audiences et elle les différencie auprès des marques.
IN : Comment obtient-on ce certificat et combien d’influenceurs l’on déjà décroché ?
M.M. : Les candidats doivent se connecter à notre plateforme d’e-learning et suivre une formation d’environ deux heures qui comprend notamment des slides, des vidéos et des motion designs. A l’issue de cette préparation, un questionnaire qui comprend une vingtaine de questions leur est proposé et les personnes qui cumulent au moins 75% de bonnes réponses décrochent le certificat. Depuis son lancement mi-septembre, une vingtaine d’influenceurs ont obtenu ce diplôme et le taux de réussite à l’examen atteint 70%.
IN : Moins d’une trentaine de candidats dans un pays qui compte 150.000 influenceurs répertoriés par les marques, c’est peu, très peu…
M.M. : Un des freins soulevés par les influenceurs sont les frais d’inscription de ce certificat qui atteignent 49 euros. Certaines agences commencent toutefois à prendre en charge cette dépense car elles souhaitent rassembler un pool d’influenceurs qui ne représentent aucun risque pour les marques. Les entreprises sont demandeuses. Le Club Med impose, depuis le mois de décembre, à tous les influenceurs avec lesquels il travaille d’avoir notre certificat. D’autres grands groupes devraient bientôt suivre cet exemple notamment dans le secteur des cosmétiques. L’idée est de tordre le cou à aux idées préconçues concernant le marketing d’influence. Les influenceurs ne sont pas tous d’anciennes vedettes de la téléréalité qui vendent de mauvais produits à partir de leur résidence à Dubaï. Les marques sont à la recherche d’influenceurs mais elles ont beaucoup de mal à les cibler. Pour trouver les bons, il est nécessaire de les contacter en direct mais il est aussi possible de passer par leurs agents. Notre véritable challenge est d’embarquer les influenceurs dans notre projet. Nous espérons que si nous parvenons à convaincre 3 ou 4 grands noms, d’autres devraient suivre.
IN : Vous allez publier dans quelques mois la seconde édition de votre Observatoire. Pensez-vous que les résultats de cette enquête seront très différents de la précédente ?
M.M. : Cette année, l’analyse, qui touchera toujours environ 30.000 contenus, sera étendue aux stories Instagram ainsi que, manuellement, à Twitch et Snapchat. Les premiers indices que nous commençons à remarquer au fil de notre enquête est que notre message qui préconise davantage de transparence commence à être un peu entendu. On perçoit certaines améliorations. Les prochaines semaines montreront si cette tendance se confirme ou non.