« La pub Darjeeling? Inattendue à mon âge et plus sexy que de parler fuites urinaires », Caroline Ida Ours.

Un peu de conjugaison, pour commencer. Je déteste : « jamais vu un truc aussi gore, mon Dieu que c’est trash ». Tu adores : «au moins, c’est la réalité. La pub ne nous la fait pas à l’envers ». Il dit «elle est tellement vulgaire cette photo. Je serais elle,  j’en serais malade de me voir partout ». Elle pense : « pas du tout, elle a un très beau visage, pour le reste, c’est la vie… ». Nous ne comprenons pas : « Darjeeling c’est du thé, non ? Je ne vois pas le rapport… ». Vous êtes sans voix : « on dirait ma mère, je ne veux jamais lui ressembler ». Elles en causent entre elles, les filles en tout cas. « quand je pense que je n’ose plus me regarder dans la glace… y’en a qui sont détendues »… Eux,  ils préfèrent ne rien dire, les gars. En ce moment, une tarte est très vite arrivée…

animer nos conversations à peine remises de deux ans de covid…

Caroline Ida Ours, 62 ans, influenceuse depuis quatre ans sur Instagram, aurait pu passer inaperçue, ne jamais intéresser, questionner, énerver le quidam, non plus. Ni animer nos conversations à peine remises de deux ans de covid… Elle aurait pu aussi, discrètement, continuer à exister pour ses 65 000 followers, recevoir des produits de toutes ces marques qui ont besoin de ses services, pour rien, « à peine 150 euros par ci, par là». Elle aurait pu, aussi, continuer à participer aux catwalks du Salon de la Lingerie, Porte de Versailles…Peinarde … Comme elle le fait depuis deux ans.

Seulement voilà, chez Darjeeling, Anna Lemoine, directrice artistique de la marque depuis trois ans, s’est entichée de la jolie dame aux cheveux argent et aux formes généreuses. Elle qui tâtonnait depuis trois ans autour de l’inclusivité. –trois spots médiocres à trois francs six sous, des filles âgées, jeunes, poilues, maigres, rondelettes, ou pas, métisses, ou pas… Ou tout en même temps, c’est mieux… -, a fini par dégotter son passeport pour l’éternité.

avril 2021

#commejesuis

C’est comme ça, messieurs, dames, la pub aujourd’hui, comme le reste, ne sait plus ou donner de la tête. Et sans vouloir faire plaisir aux agences de pub, l’élégance, le goût, la classe, ça ne s’invente pas. Sauf à être un génie. Alors, Caroline Ida Ours à laquelle INfluencia demande « pourquoi avoir accepté d’être ainsi photographiée, en pleine campagne vert épinard, comme sur un vulgaire selfie non filtré, sous un éclairage brut, froid, sans âme? »,  répond, sobre : « qu’elle est ainsi, naturelle, sans photoshop, qu’elle se bat pour l’inclusivité, contre l’âgisme, pour la sororité, contre l’invisibilisation des femmes »… Mais, insiste la journaliste, curieuse, « sur les selfies que vous postez pour Instagram, vous êtes bien plus belle, l’éclairage, la lumière vous rendent rayonnante, vous saviez que cette affiche serait aussi dure ? »…

« En fait, ce qui m’a surprise c’est de me voir en grand, partout sous les abribus… Je ne pensais pas que cela me ferait un tel effet », raconte-t-elle. D’habitude, les opérations auxquelles je participe sont plus confidentielles ». La journaliste compatit, « le principal pour vous, c’est d’être enfin bien payée, parce qu’avec ce plan média de malade… »… « Ah non j’ai touché 1500 euros pour la journée de shooting, et 250 euros pour les droits à l’image »… Ah ! « Vous ne pensez pas que c’est un peu short pour perdre son anonymat,  et faire la pluie et le beau temps sur le business de Darjeeling ? »… « Je ne sais pas, moi, je ne suis pas du milieu, je suis chômeuse et avec ce que je gagne actuellement grâce à Instagram , -entre 2000 et 2500 euros par mois -, je peux me faire plaisir, sans avoir peur du lendemain. Peut-être, qui sait, avoir accès à des contrats plus intéressants. Mais il est clair qu’il y aura un avant et un après Darjeeling ».

Oui, c’est certain. D’autant que la marque qui se cherchait il y a peu, une raison d’être, ne va sans doute pas lâcher cette grande et belle femme de sitôt. Une troisième collab est en route. En attendant, elle court les shootings, pour Gala… Les interviews pour Le Parisien.

Suite à une rupture d’anévrisme, Caroline Ida Ours veut changer de vie

Et dire, que c’est seulement à 57 ans que Caroline Ida Ours, suite à une rupture d’anévrisme, décide de se mettre en scène sur le réseau social, propriété de Méta.  Après un coma de 15 jours, et un licenciement économique (elle travaille à l’époque depuis six ans chez Un jour, Un sac), elle ne se revoit plus courir après un travail à nouveau. Contre l’avis de ses enfants, de ses amies, la bientôt sexagénaire commence à publier des photos et des propos sur Instagram. Elle se fixe pour objectif d’atteindre les 10 000 followers en un an. Banco. « Si au début, mon compte, comme beaucoup d’autres, avait tout, du site de rencontres et était consulté par 75% d’hommes, un an plus tard, c’était fini. J’ai réalisé alors qu’en fait Instagram me servait à mener un combat, à remplir une mission dont je n’avais pas conscience avant… Rendre justice aux femmes, parler de mon expérience de vie, de mes ressentis, dénoncer le harcèlement, la discrimination de la femme par l’âge, être à la fois, un modèle, une compagne, une personne rassurante au fond, pour toutes celles qui s’interrogent sur leur place dans la société, auprès des hommes, ou de leurs enfants ».

Darjeeling, c’était inattendu et plus original que de parler de fuites urinaires…

La ménopause, la difficulté de trouver du travail à partir de 50 ans, l’invisibilisation dont les femmes sont victimes deviennent ses sujets de prédilection, ceux qui au fond la taraudent depuis toujours, mais ne lui paraissent pas légitimes parce que jeune, le patriarcat est pour elle… sans issue… « Peu à peu, je comprends que je suis un repère pour des jeunes femmes de 30 ans et pour celles qui ont mon âge ». Alors, bien entendu, elle dit oui à Darjeeling il y a un an. «C’était inattendu et plus original que de parler de fuites urinaires… J’ai aujourd’hui 62 ans, je serai retraitée au mois d’avril prochain, je poursuivrai cette vie que je me suis créée grâce au réseau social,  sans peur désormais, de connaître le chômage».