15 février 2022

Temps de lecture : 4 min

Women in Games et BETC revisitent les stéréotypes dans #GenderSwap

Pour dénoncer les stéréotypes sexistes qui gangrènent l’industrie du jeu vidéo, l’association Women in Games dévoile un film dans lequel plusieurs personnages masculins iconiques adoptent les comportements hypersexualisés de leurs homologues féminins. Si vous rêviez de voir Batman minauder comme Catwoman, c’est par ici.

Qu’il paraît loin le temps où l’industrie du jeu vidéo, dont l’hypersexualisation de ses personnages féminins et l’omniprésence d’homologues masculins puissants, s’adressaient seulement aux hommes. Si vous en doutiez encore, une étude publiée en mars 2021 par le SELL – le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir – et Gametrack, nous révélait que les Françaises représentaient dorénavant 51 % des personnes jouant au moins occasionnellement aux jeux vidéo, avec 400 000 nouvelles adeptes rien qu’en 2020. Une tendance imputée à l’époque au confinement, certes, mais qui traduit une féminisation progressive du medium vidéoludique, née bien avant le Covid-19, comme en témoignent par exemple les précédentes études du SELL sur cette thématique. Pourtant, si le profil type des joueur.se.s évolue dans le bon sens, il n’en est – presque – rien, de celui des personnages qui les accompagnent et des employés chargés de leur donner vie.

En 2022,  plus d’un milliard et demi de joueuses peuplent donc notre planète. Pourtant, elles ne représentent que 22% des employés au sein des studios de développement. Une véritable mainmise de la gente masculine sur la production vidéoludique qui n’est évidemment pas dépourvue de conséquences. Nous pourrions évoquer le nombre dramatique d’agressions sexuelles au sein des principaux éditeurs et studios de développement révélées ces dernières années par les hashtags #1ReasonWhy et #gamegate. Une cascade d’affaires judiciaires qui aura eu le mérite de dévoiler des process de travail tout bonnement inhumains concoctés par des conseils d’administration essentiellement masculins qui se croyaient tout permis. Mais nous nous attarderons ici sur une autre de ses répercussions, beaucoup plus insidieuse mais tout aussi dommageable : l’hypersexualisation des avatars féminins. Merci Tomb Rider.

 

 

La révolte du « beau sexe »

L’industrie du jeu vidéo, et même du divertissement dans son ensemble, continue à véhiculer des représentations stéréotypées et sexualisées des femmes, à l’inverse des hommes, qui ont une réelle – et néfaste – influence sur notre imaginaire collectif. D’après une étude réalisée en mai 2020 auprès de 122 joueuses dans le cadre d’un mémoire de fin d’année à L’Université Catholique de Louvain, près de la moitié des répondants estimaient que les personnages féminins leur renvoyaient généralement une image dégradante, 49% déclarant ainsi ne pas réussir à s’identifier aux représentations féminines dans les jeux vidéo actuels. S’il y a eu des efforts remarqués ces dernières années, force est de constater que le chemin est encore long pour enfin s’éloigner de ces clichés. L’association Women in Games, qui œuvre pour plus de mixité dans cette industrie, souhaite donc interpeler le public et les studios de développement sur la représentation des femmes dans les jeux.

Pour illustrer cet état des lieux grotesque et mettre en évidence ces stéréotypes aberrants, Women in Games et l’agence BETC présentent #GenderSwap : une expérience qui revisite les plus grosses licences de jeu en échangeant les animations des personnages des deux sexes. Grâce une multitude de mods – (des modifications d’un jeu existant par une personne tierce, se présentant sous la forme de greffons qu’on ajoute au titre original) – recensés en ligne ou développés pour l’occasion, l’association a pu modifier de l’intérieur les fichiers des jeux pour appliquer aux personnages masculins les attitudes initialement pensées pour leurs homologues féminins : déhanchés surjoués, danses sensuelles, poses suggestives, minauderies constantes et sexualisation exagérée.

 

 

« Certaines séquences étaient déjà bien connues des internautes, d’autres un peu moins. Mais présentées toutes ensemble elles permettent de prendre conscience de la généralisation du problème. Les choses bougent et il y aura des exceptions ; mais pour une Aloy d’Horizon ou une Ellie de The Last of Us, ce sont des dizaines et des dizaines de personnages féminins caricaturaux qu’on rencontre encore trop souvent. Au même titre que le cinéma, la télévision ou la publicité, les jeux vidéo ont un impact sur la représentation que nous avons du monde et les interactions avec les autres », révèle Morgane Falaize, présidente de Women in Games France.

Un dispositif rendu au mains des joeur.se.s

Afin d’éveiller les consciences et créer une réelle conversation sur le sujet, #GenderSwap prend également vie sur Twitch. Hier, mardi 15 février, et aujourd’hui, mercredi 16, les streameurs.euses partenaires de l’opération ont pu jouer à plusieurs jeux modifiés par l’association, et ainsi les commenter avec leurs audiences. Une expérience à découvrir sur les chaînes Twitch de Morrigh4n, Kaosvmd, Red Fanny, Adyboo, Hiuugs, Modiiie, Nimelya ou encore Titavion. Les exemples recensés sont également disponibles sur le site de l’association et son serveur Discord, pour découvrir l’ensemble des actions menées par Women in Games pour plus de mixité dans l’industrie.

Créée en 2017, Women in Games s’est donné pour objectif de doubler le nombre de femmes et personnes non-binaires dans l’industrie en 10 ans. L’association mène des actions à travers 4 axes principaux : améliorer la visibilité des femmes de l’industrie, sensibiliser les acteurs du secteur à l’intérêt de la mixité, soutenir le développement professionnel des femmes de l’industrie et communiquer auprès des jeunes filles sur les métiers du jeu vidéo. L’ensemble de leurs ressources est disponible sur leur site – guide Diversité et Inclusion à destination des entreprises du jeu vidéo, Charte égalité hommes-femmes pour les écoles du jeu vidéo, Guide cyberharcèlement, articles sur le recrutement des femmes dans l’industrie… –.

« Les choses commencent à évoluer, et les internautes font enfin entendre leurs voix. Des séquences sexistes ont été retirées de certains jeux à la suite de protestations du grand public. Mais le chemin reste encore long à parcourir, et c’est seulement avec plus de femmes dans les studios qu’on arrivera à une représentation plus pertinente, plus variée et moins stéréotypée des personnages féminins. Une équipe diversifiée bénéficie d’une plus grande richesse créative et crée des produits pour un plus large public ! », conclue Harmonie Freyburger, vice-présidente de Women in Games France.

 

 

En résumé

L’association Women in Games dévoile un film dans lequel plusieurs personnages masculins iconiques adoptent les comportements hypersexualisés de leurs homologues féminins

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