13 février 2022

Temps de lecture : 3 min

Les sympathisants d’extrême-droite, toujours plus accros aux fake news

Une enquête de Kantar Public et Ogilvy Paris montre à quel point les extrémistes croient aux fausses informations qui circulent notamment sur le net. Un phénomène inquiétant mais logique.

Accusateurs mais crédules. Les sympathisants de la droite radicale pour ne pas dire extrêmes ne cessent d’accuser de tous les maux les « fake news » propagés par les médias « mainstream » qui seraient, selon eux, contrôlés par les lobbys du mal. Lors de ces meetings électoraux, Donald Trump répétait que la presse « fake news » était le « véritable ennemi du peuple ». En France, l’extrême-droite ne cesse également de critiquer les médias traditionnels. Lors de son meeting électoral à Lille, le 5 février, Eric Zemmour s’en était pris à « la propagande immigrationniste, woke et décoloniale de France Inter, qui n’hésite pas à insulter les Français qui ne pensent pas comme eux ».

Un phénomène en hausse

La circulation de fausses informations est, sans aucun doute, un phénomène massif qui rythme la vie politique contemporaine. Une vaste majorité de Français (68%) pense ainsi avoir déjà été exposée à de la désinformation en ligne, selon les dernières données publiées par l’Eurobaromètre sur la démocratie de l’Union Européenne. L’impact de ces fake news sur le comportement des électeurs dans les urnes est toutefois mal connu. Kantar Public et Ogilvy Paris se sont associés pour publier plusieurs études à ce sujet. Leurs premiers travaux se sont concentrés sur la propagation et l’influence des fausses informations chez lessympathisants d’extrême-droite.

Accrocs aux fake news

Plusieurs études en Europe et aux Etats-Unis ont prouvé que la consommation de fake news était plus élevée parmi l’électorat de droite. Ce phénomène n’est pas étonnant en soi. « Ces fausses infos renforcent les préférences existantes des gens, explique Laurence Vardaxoglou, un chercheur doctorant à l’Ecole d’économie de Paris qui a co-écrit un rapport à ce sujet. Des revues spécialisées en psychologie ont aussi montré que les sympathisants du FN étaient plus sensibles aux fausses informations car ces dernières leurs donnaient le sentiment d’être spéciaux. Ces personnes sont aussi dans un état émotionnel qui les empêche d’être ouverts aux idées qu’ils ne partagent pas et ils ont tendance à regarder uniquement les gros titres des articles au lieu de lire l’ensemble des textes. »

Toujours plus radicaux

L’arrivée d’Eric Zemmour dans le paysage politique français a encore changé la donne. Une étude publiée par la Fondation Jean Jaurès a en effet montré que l’électorat potentiel de l’ancien polémiste était plus radical que celui de Marine Le Pen sur les questions relatives à l’immigration et à l’islam.

Pour étudier la sensibilité aux fake news des sympathisants d’extrême droite, Kantar Public et Ogilvy Paris ont réalisé une enquête en ligne du 9 au 10 janvier 2022, auprès d’un échantillon de 1011 personnes représentatif des Français en âge de voter. Les sondeurs ont présenté aux participants deux affirmations trompeuses diffusées récemment dans les médias et sur les réseaux sociaux et établies comme fausses par les « vérificateurs de faits » indépendants. Ils leur ont ensuite posé quelques questions sur leur exposition à chacune de ces informations et au crédit qu’ils y accordaient. Ces fake news concernaient deux sujets qui font régulièrement l’objet d’opérations organisées de désinformation : l’immigration et la vaccination. Éric Zemmour avait ainsi affirmé, le 9 décembre, sur France 2 que dans la banlieue parisienne, 80 à 90% des mineurs étaient d’origine maghrébine ou africaine. Dans l’émission l’Info en QuestionS diffusée sur la plateforme Odysee,  le 23 décembre 2021, la chercheuse Astrid Stuckelberger avait, quant à elle, expliqué que les enfants de personnes vaccinées n’étaient « pas normaux, hyper agressifs » et qu’ils devaient être « éloigner des bébés humains » car ils étaient « transhumains ».

Des différences notables

Concernant la fake news liée à l’immigration, 33% des partisans d’Eric Zemmour l’avaient déjà vu circuler sur les réseaux sociaux et 44% en avait parlé à leurs proches. 73% la jugeaient même crédible. Ces pourcentages sont nettement moins élevés chez les électeurs de Marine le Pen, (27%, 31% et 67%) et ils sont encore plus bas chez l’ensemble des Français (19%, 18% et 37%).

L’affirmation sur la vaccination contre le Covid-19 a, elle, beaucoup moins d’impact et de crédibilité. Moins d’un Français sur dix (9%) dit y avoir été exposé et un sur vingt (6%) la juge crédible. Lessympathisants de Marine Le Pen sont plus nombreux à adhérer à cette désinformation (9%) et ce taux est plus élevé chez les partisans d’Eric Zemmour (13%). Ces différences restent toutefois plus limitées que sur les questions liées à l’immigration. « C’est assez rassurant dans un sens car d’autres études dans le passé nous laissaient penser que les électeurs d’extrême-droite pouvaient croire à tout et à n’importe quoi mais notre enquête montre que cela n’est pas forcément le cas », assure Laurence Vardaxoglou.

L’extrême-gauche serait-elle aussi concernée ?

Les extrémistes ne seraient-ils pas tout simplement plus enclins à croire des fake news qui semblent confirmer leurs convictions ? Un partisan de la France insoumise ou de Lutte Ouvrière ne répéterait-il pas à ses proches des informations erronées concernant les excès des ultra-riches ou l’exploitation des travailleurs dans les usines des pays en voie de développement ? Un écolo radical ne diffuserait-il pas des articles alarmistes et exagérés sur la dégradation de notre environnement ? « Vous n’êtes pas le premier à me poser cette question, avoue le chercheur doctorant à l’Ecole d’économie de Paris. Nous allons étudier l’impact des fausses informations sur d’autres catégories de population pour nous en assurer. » La lecture de cette enquête promet d’être intéressante…

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