26 janvier 2022

Temps de lecture : 3 min

Flavien Neuvy (Observatoire Cetelem) : « L’année 2022 est pleine d’incertitudes même si les fondamentaux sont solides »

Flavien Neuvy est le directeur et fondateur de l’Observatoire Cetelem. Depuis plus de 35 ans, la structure d’études et de veille économique de BNP Paribas Personal Finance publie un Baromètre qui analyse l’état d’esprit des Européens dans 17 pays. L’édition 2022 nous redonnerait presque le sourire. L’optimisme semble en effet de retour sur le vieux continent. L’avenir sera, quant à lui, plus circulaire que jamais…
INfluencia : La note moyenne pour juger de la situation du pays, qui s’établit à 5,4 cette année, atteint un niveau inégalé depuis 15 ans. A titre personnel, tout semble aller bien et mieux pour les personnes que vous avez interrogées. Comment expliquez-vous ce regain d’optimisme alors que la crise sanitaire continue de frapper l’ensemble de la planète ? 

Flavien Neuvy : Le moral des ménages est très lié à la conjoncture macro-économique. En 2021, la reprise économique a été très forte et la situation de l’emploi s’est nettement améliorée. En France, la croissance a atteint 6% ce qui n’était pas arrivé depuis 50 ans et le taux de chômage a chuté pour retrouver une moyenne comparable à celle de 2008. Ces chiffres ont redonné aux particuliers l’envie de consommer et ce en dépit du retour de l’inflation qui inquiète et encourage les ménages à épargner davantage.

IN : N’est-il pas paradoxal de vouloir épargner lorsque l’inflation repart à la hausse ?

F.N. : Aucunement car la hausse de l’inflation entraîne une augmentation des taux d’épargne comme on vient de le voir avec le Livret A. L’optimisme retrouvé des consommateurs a aussi une autre explication. En 2020, les experts nous promettaient un cataclysme économique avec d’importantes vagues de licenciements et des faillites par milliers. L’histoire a montré que ces discours étaient très exagérés car aucune de ces prévisions ne s’est concrétisée. Mieux même, c’est l’inverse qui s’est passé. Ce revirement inattendu a joué sur le moral des gens.

IN : La France se distingue-t-elle des autres pays européens que vous avez étudié ?

F.N. : Le rebond du moral est particulièrement solide en France puisqu’il a progressé de 1,1 point en un an pour atteindre 5 points. Le niveau d’épargne est également très élevé ce qui est un peu surprenant car nous sommes déjà un peuple qui a tendance à mettre beaucoup d’argent de côté. Le retour de l’inflation semble nous inciter à faire preuve de prudence dans la gestion de nos liquidités.

IN : Ces tendances sont-elles appelées à se confirmer cette année ?

F.N. : Tout dépendra de l’évolution du niveau des prix qui pourrait rogner le pouvoir d’achat des ménages même si ce n’est scénario n’est pas celui qui est privilégié par les banques centrales qui tablent sur un retour de l’inflation à 2% vers la fin de l’année. L’évolution de la croissance et les aléas sanitaires pourraient aussi avoir un impact sur le moral des consommateurs. L’année 2022 est donc pleine d’incertitudes même si les fondamentaux sont solides.

IN : Votre baromètre donne un coup de projecteur sur l’économie circulaire cette année. Pourquoi ?

F.N. : Depuis plus de 30 ans, nous mettons en exergue chaque année un sujet dans l’actualité et nous faisons des prospectives pour déterminer son évolution. L’économie circulaire semblait cocher toutes les cases car c’est un thème dont on parle beaucoup actuellement et tous les éléments semblent réunis pour que sujet devienne de plus en plus important dans les années à venir.

IN : Quels sont les principaux enseignements de l’étude que vous avez faite à ce sujet ?

F.N. : L’économie circulaire est un concept qui reste mal connu par l’ensemble de la population car à peine 25% des Européens affirment savoir ce qu’il signifie exactement. Cela n’empêche pourtant pas 85% des personnes que nous avons interrogés de dire qu’ils en ont une très bonne image. Lorsqu’on demande aux consommateurs les raisons pour lesquelles ils pratiquent l’économie circulaire, la protection de leur porte-monnaie l’emporte sur celle de l’environnement. Les particuliers achètent des produits d’occasion pour dépenser moins, ils réparent pour économiser et revendent des objets qu’ils n’utilisent plus pour faire entrer de l’argent dans leurs caisses. Ces pratiques leur permettent de gagner beaucoup d’argent. Les sondés nous ont déclaré que la revente de produits leur permettait d’empocher en moyenne 77 euros par mois. Les Britanniques sont les premiers de ce classement (115 euros), devant les Allemands (105 euros) et les Danois (90 euros). Les Hongrois (27 euros), les Tchèques (35 euros) et les Slovaques (37 euros) ferment la marche alors que les Français se situent dans la moyenne des 17 pays étudiés (67 euros).

IN : Les Français ont-ils des réactions particulières concernant l’économie circulaire ?

F.N. : Pas réellement. Il existe, par contre, un gros décalage entre les pays d’Europe de l’ouest comme la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne et ceux de l’Europe centrale qui pratiquent moins l’économie circulaire.

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