9 novembre 2021

Temps de lecture : 4 min

La campagne #Anti2010, reflet d’une génération d’ados non éduqués aux réseaux sociaux

Le retour en classe des collégiens français en septembre 2021 n’est pas passé inaperçu. En effet, la campagne #Anti2010 visant à dénigrer, menacer et harceler les enfants nés en 2010 et qui rentraient massivement au collège en septembre 2021 s’est invitée dans le paysage des réseaux sociaux numériques.

Outre cette campagne #Anti2010, le cyber-harcèlement est malheureusement un délit qui laisse des traces chez les victimes dont certaines vont parfois jusqu’à commettre l’irrémédiable pour y mettre fin. Le harcèlement est une violence, peu visible répétée qui peut être verbale, psychologique ou physique destinées à blesser et à nuire à la cible des attaques. On parle de cyber-harcèlement lorsque le harcèlement s’exécute via internet (sur les réseaux sociaux principalement). S’il est extrêmement difficile de recenser les chiffres du cyber-harcèlement, les enquêtes montrent ces dernières années qu’en France, 700,000 élèves sont ainsi harcelés chaque année dont 10% des collégiens parmi lesquels 7% d’une forme grave. Avec le développement des réseaux sociaux, le harcèlement dépasse le cadre scolaire et affecte aussi les jeunes à travers le cyber-harcèlement (injures offensives, diffusion de fausses rumeurs, menaces physiques, etc.) Ainsi, plusieurs associations dont la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) ont demandé au gouvernement de saisir rapidement du sujet. Après un brève rappel des faits de ce qu’il s’est passé mi-septembre, nous proposons de discuter la question de l’utilisation des réseaux sociaux par les adolescents au regard des conditions d’utilisations des plateformes les plus plébiscitées par cette cible dans le but de fournir des préconisations quant à leur sensibilisation aux bonnes pratiques.

La campagne #Anti2010, invitée surprise de la rentrée de septembre 2021

Les hashtags #anti2010, #anti2010nul, #brigadeanti2010 et bien d’autres se sont envolés et multipliés au cours des premières semaines de la rentrée de septembre 2010, principalement sur TikTok, un réseau social lancé en 2016 en Chine sur lequel le maitre mot est le partage de vidéos courtes avec de la musique et des chorégraphies. Mais en septembre 2021, en France sur TikTok, ce ne sont pas les chorégraphies qui agitent le réseau mais des vidéos visant à se moquer, stigmatiser et harceler les enfants nés en 2010. Sur cette période, ces vidéos taguées « anti 2010 » et autres assimilés ont cumulé plus de 44 millions de vues. Mais alors pourquoi s’en prendre aux 2010 ? Cette campagne anti 2010 ne daterait pas de septembre 2021 selon la FCPE mais aurait pris de l’ampleur à ce moment-là, lors de la rentrée des 2010 au collège dans les classes de sixième. Il est difficile de revenir à la genèse du mouvement mais deux explications reviennent principalement. La première est liée au on ne peut plus célèbre jeu vidéo Fortnite sur lequel la génération 2010 est critiquée pour son non-respect des règles du jeu. La seconde concerne la vidéo Youtube d’une jeune chanteuse prénommée Pink Lily qui sans le vouloir aurait contribué à cette campagne anti 2010 en faisant l’éloge du Pop It, le jouet en caoutchouc plébiscité cet été 2020 par les plus jeunes.

Le ministère de l’éducation attache une grande importance au problème du harcèlement et le phénomène « Anti 2010 » n’a pas fait exception. Jean-Michel Blanquer, Ministre de de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, s’est exprimé en vidéo depuis son compte Twitter le 16 septembre et a lancé l’hashtag #BienvenueAux2010 « Dites à tous les élèves nés en 2010, à tous les élèves de 6e, bienvenue au collège. C’est évidemment cela qui va l’emporter et pas la bêtise. ». En parallèle, TikTok a bloqué toutes les utilisations des hashtags #anti 2010 et assimilés de son réseau.

Des adolescents très présents sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux représentent un moyen de socialisation qui parle aux jeunes, car ils répondent à leurs besoins d’autonomie, d’individualisation, d’émancipation et leur permettent de développer des relations, d’échanger sur leurs expériences, leurs sentiments et leurs questionnements avec des personnes autres leurs parents ou des adultes. Officiellement, les conditions d’utilisations des réseaux sociaux indiquent que ces plateformes (TikTok, Instagram, Snapchat et Facebook) ne sont pas autorisées aux moins de 13 ans et que si l’utilisateur à moins de 18 ans, le consentement préalable des parents ou du tuteur légal doit être obtenu. Dans les faits, ce n’est pas tour à fait la même histoire… L’étude #BornSocial réalisée chaque année depuis 6 ans par l’agence Haven « dresse le portrait d’une génération née avec les médias sociaux, qui n’est même pas censée avoir le droit de s’y inscrire ». La dernière édition de l’étude révèle que en 2021, 58,8% des jeunes de 11 ans et 71,2 % des 12 ans possèdent un compte sur un réseau social. YouTube est l’application la plus utilisée par ce public très jeune avec 51,5 % de réponses, au coude à coude avec Snapchat (51%), Instagram (36,5 %) et TikTok (33,8%). Quels en sont les risques ? Les plus jeunes peuvent diffuser des informations personnelles sans même en avoir conscience, les photos, vidéos, ou simples commentaires qu’ils publient sur les réseaux sociaux sont presque indélébiles.

Mais à qui il faut enseigner les codes et bons pratiques à adopter

 

Comme souvent, dans la campagne #Anti2010, on accuse les réseaux sociaux d’un manque de régulation quant à la publication des contenus. Si la modération constitue un premier pas, ce n’est pas la seule solution. Plutôt que de traiter les problèmes, il serait plus judicieux de les prévenir.

Afin de sensibiliser la communauté éducative au problème du harcèlement en milieu scolaire et depuis 2015, chaque premier jeudi du mois de novembre est célébrée la Journée contre le harcèlement. L’édition 2021 se tiendra le 18 novembre (en raison des vacances et du 1 novembre cette édition est décalée) et cette journée sera l’occasion de rappeler combien la prévention et la lutte contre le harcèlement sont fondamentales pour que les élèves puissent suivre une scolarité complète dans le cadre de l’école de la confiance. Il nous semble également essentielle de ne pas attendre cette période de l’année pour organiser une formation civique complète sur le bon usage des réseaux sociaux dans les écoles primaires, les collèges et les lycées au niveau national.

sensibiliser ce jeune public aux risques des réseaux sociaux

Nous suggérons également que des experts en marketing et en communication, qui connaissent très bien les réseaux sociaux. En s’inscrivant dans une démarche de Marketing Social, ces experts pourraient sensibiliser ce jeune public aux risques des réseaux sociaux et leur transmettre les bonnes pratiques dans le but d’accroître leur bien-être et celui de la société.

 

Laurie Balbo(Professeure Associée à Grenoble Ecole de Management) et Jacqueline Boysselle  (Professeure Associée à Montpellier Business School).

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