La Commission Européenne renoue avec le vieux fantasme des OGM
Le 24 septembre dernier, les instances européennes publiaient une étude au sujet d’une possible déréglementation des plantes et aliments génétiquement modifiés, laissant à même leurs administrés l’opportunité de se prononcer. Face à une politique environnementale tout droit sortie des années 90, et surtout — possiblement — dangereuse, de nombreuses associations se sont fait entendre.
Depuis le mois d’avril dernier, la Commission Européenne souffre d’une grande cote de désamour de la part des activistes écologiques européens. Et pour cause : l’exécutif européen appelle ses administrés à se prononcer, jusqu’au 22 octobre prochain, au sujet d’une possible déréglementation des plantes et aliments génétiquement modifiés. De quoi secouer davantage que la seule moustache de José Bové. « Un cadre juridique applicable aux plantes obtenues par mutagénèse ciblée et par cisgénèse, ainsi qu’aux produits destinés à l’alimentation humaine et animale qui contiennent de telles plantes ». Pour Bruxelles, ce nouveau cadre juridique permettrait de contribuer aux objectifs du Green Deal et de sa stratégie « de la ferme à la bouche ». « L’initiative maintient les objectifs de la législation actuelle en ce qui concerne un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale, et de l’environnement », assure la Commission. Un avis loin d’être partagé par tout le monde.
« Mais pourquoi maintenant ? » direz-vous. Pas les OGM, « pas après tout ce que vous avez fait ». Pour la Commission, il s’agit d’assouplir la législation pour permettre l’utilisation de certains organismes issus des NTG — Nouvelles Techniques Génomiques —, à savoir les plantes obtenues par mutagenèse ciblée et par cisgénèse. Le texte, qui sera accompagné d’une analyse d’impact, couvrira également les denrées alimentaires et les aliments pour animaux dérivés de ces plantes. Les animaux et les micro-organismes, de même que les autres NTG, n’entrent pas dans le champ d’application de cette initiative, tout comme l’utilisation des NTG dans les médicaments, qui sera quant à elle abordée dans le cadre de la stratégie pharmaceutique de l’UE.
Une politique hors du temps ?
Il n’en fallait pas tant pour provoquer la colère de plusieurs dizaines d’ONG début septembre, prêtes à en découdre à coups de casseroles. L’association Générations Futures a même déclaré que « la déréglementation empêcherait les citoyens de savoir ce qu’ils mangent et les agriculteurs de savoir ce qu’ils sèment. Les propositions de la Commission franchissent des lignes rouges en matière de biosécurité, de transparence de l’information et de protection des consommateurs. Elles doivent être rejetées ». Un argument sur le manque de transparence évident du dit cadre, qui, dans une époque de méfiance généralisée à l’égard des pouvoirs publics, devrait éveiller la vigilance de bon nombre de citoyens européens. Pour Francesco Sottile, professeur à l’Université de Palerme et membre du bureau exécutif de Slow Food Italie : « les nouveaux — et les anciens — OGM sont totalement incompatibles avec l’agroécologie. Ils ne sont profitables qu’aux agriculteurs pratiquant la monoculture et refusant d’adopter des techniques qui permettraient d’améliorer la résilience des terres et des zones rurales ».
Plus récemment, le 4 octobre dernier, c’était au tour Slow Food, le mouvement pour l’alimentation et la biodiversité, de se présenter comme le porte parole de la majorité des européens qui « ne veulent pas de nouveaux OGM dans leurs champs ni dans leurs assiettes ». Pour l’association, ce texte ne répond absolument pas aux enjeux de son époque comme le promet la Commission, bien au contraire, et ne ferait que « tomber dans le piège de la technologie ». Pire, il se baserait essentiellement sur des études biaisées, incomplètes et totalement subjectives, notamment une étude datée d’avril 2020 qui stipulait « que les NGT pourraient profiter à la société européenne », car elles permettraient d’améliorer la durabilité des systèmes alimentaires. Slow Food avait alors répondu le 6 juin dernier en publiant une note de synthèse demandant que la régulation actuelle reste en vigueur. En compagnie de 60 autres organisations de la société civile, le groupe avait également répondu conjointement à la Commission « afin d’exposer en détails leurs multiples préoccupations concernant son rapport ». Sans nous faire l’avocat de qui que ce soit, espérons que ces nombreuses craintes, justifiées, inciteront les membres de la Commission Européenne à un peu plus de transparence. Continuer d’avancer dans cette direction en gardant leur cuisine en interne ne ferait qu’endommager une planète qui n’en a définitivement pas besoin… et la confiance de millions d’européens déjà bien entamée.
En résumé
La Commission Européenne consulte les citoyens sur une possible déréglementation des plantes et aliments génétiquement modifiés.
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