27 septembre 2021

Temps de lecture : 2 min

La micro-entreprise entre passion et contrainte

Avec 850000 créations d’entreprises en 2020, en pleine crise sanitaire, soit 35000 de plus qu’en 2019, le contexte incertain n’a en rien entamé le désir d’entreprendre des Français. La période s’est révélée propice à la concrétisation de projets entrepreneuriaux probablement repoussés à plus tard ou à la transformation d’une passion en business. On salue avec enthousiasme ce micro-entrepreneuriat florissant, quand il est de passion, car il ne masque pas précarité ni bouts de ficelle.
micro-entreprise

Début 2021, le baromètre annuel de l’envie d’entreprendre des Français, réalisé par Opinion Way pour le salon Go Entrepreneur (anciennement Salon des entrepreneurs) relevait que 21% des Français, soit 11 millions de personnes, avaient l’envie de créer une entreprise, d’en reprendre une ou de se lancer à leur propre compte. Un Français sur cinq ! Mais tous ne passeront pas à l’acte : bien des envies d’entreprendre ne se concrétisent jamais. Pourtant, le confinement, période de baisse d’activité pour certains, de remise en question et d’introspection, a favorisé les virages entrepreneuriaux. Ouvrir son restaurant, devenir prof de yoga, transformer sa boutique en ligne en travail à plein temps, vivre de sa passion… pour 25% des Français interrogés par Opinion Way, la crise fut une opportunité pour faire preuve d’audace.

 

Success stories

On pourrait ainsi s’épanouir en travaillant (de) sa passion ? Les Américains ont même un concept pour décrire ces néo-entrepreneurs : ce sont des acteurs de la « passion economy », un terme popularisé par le journaliste du New Yorker, Adam Davidson. Son message : « Un grand nombre de personnes ordinaires peuvent prospérer en faisant ce qui leur plaît. » Dans le livre The Passion Economy: The New Rules for Thriving in the Twenty-First Century et le podcast qu’il en a tiré1, Adam Davidson raconte les histoires de Nicholas, qui s’est mis à produire et vendre des glaces, de Lauren, qui a lancé sa boutique de thé matcha en ligne, ou plus originale celle de Caroline, qui a ouvert un magasin de stylos à Manhattan. Autant d’exemples d’individus qui ont changé de vie pour créer leur emploi plutôt que d’en chercher un.

 

À ceux qui rêvent de leur emboîter le pas pour vivre de leur passion, Adam Davidson donne une série de conseils (lire encadré). Parmi lesquels : « créez uniquement des produits qui ne peuvent pas être facilement copiés », « quelques clients passionnés valent mieux que beaucoup de clients indifférents », « racontez une histoire », ou encore « la technologie doit aider votre entreprise, pas la diriger ».

Des chiffres en trompe-l’œil

En France, les chiffres de l’entrepreneuriat semblent aller dans le sens d’un boom de cette économie, faite de petites entreprises portées par une personne : sur les 850000 nouvelles entreprises créées en 2020, 630000 sont des entreprises individuelles, selon les chiffres de l’Insee2. « Cette hausse est de nouveau portée par les immatriculations d’entreprises individuelles sous le régime du micro-entrepreneur (+9%), tandis que les créations d’entreprise individuelle classique diminuent (-13%) », note l’institut. En dehors des micro-entrepreneurs, seules 7% des entreprises ont des salariés au moment de leur création. Mais ces chiffres ne doivent pas être surinterprétés : « Les secteurs contribuant le plus à la hausse sont les activités de transport et d’entreposage (+22%), et le commerce (+9%) », note l’Insee. Avec la crise, les jobs de livreur indépendant pour des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo se sont en effet fortement développés, aux côtés des postes dans la logistique et la livraison des commandes e-commerce. Un univers bien éloigné d’une économie de passionnés… Là encore, les Américains ont un concept pour décrire ces travailleurs indépendants payés à la tâche et soumis à une forte précarité : la « gig economy », l’économie des petits boulots.

  1. https://www.threeuncannyfour.com/show/the-passion-economy/
  2. Insee Première, n° 1837, février 2021. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5016913

 

 

 

 

 

 

En résumé

8 règles selon Adam Davidson

1       Poursuivez l’intimité à grande échelle.       Les technologies d’aujourd’hui permettent de combiner le meilleur de l’économie de masse du xxe siècle (machines et grande échelle) avec le meilleur du xixe siècle (l’artisanat). « Il vous faudra peut-être faire preuve de créativité et d’expérimentation et être prêt à vous adresser à un grand nombre de personnes qui, au début, pourraient sembler indifférentes à ce que vous avez à offrir. »

2       Ne créez que des produits qui ne peuvent pas être facilement copiés. Il est préférable de se concentrer sur une petite niche qui n’intéresse pas les grandes entreprises et sur les choses qui sont difficiles à faire : « Dès qu’un de vos produits ou services a du succès et commence à être largement copié, vous devriez l’abandonner et faire autre chose. »

3       Le prix que vous demandez doit correspondre à la valeur que vous offrez. « On nous a enseigné que les coûts déterminent les prix, mais ici c’est l’inverse. » Il est également préférable d’oublier les prix du marché, car ces prix concernent les produits de l’économie de masse et non ceux de la passion. Changez constamment votre prix parce que la passion et les besoins ont tendance à évoluer.

4       Quelques clients passionnés valent mieux que beaucoup de clients indifférents  « Votre stratégie de prix basée sur la valeur exige de vendre aux bonnes personnes. » Une fois que vous aurez identifié votre niche et votre clientèle cible, vous vous ferez naturellement une réputation auprès de cette base, et les meilleurs clients viendront souvent à vous d’eux-mêmes, sans que vous ayez besoin de mettre en œuvre une stratégie de vente agressive.

5       La passion, ça commence par une histoire. « Quoi que vous vendiez, vous vendez d’abord une histoire, et il vaut mieux qu’elle soit vraie. » La valeur, c’est rarement quelque chose qui peut être mesuré objectivement. Elle dépend de l’histoire que vous racontez. Mais si cette histoire est un mensonge, c’est dangereux pour votre entreprise : « Maintenir un mensonge, cela nécessite un effort supplémentaire qui n’augmente pas la valeur de votre offre. »

6       La technologie doit soutenir votre entreprise, pas la diriger.       À mesure que la technologie et l’automatisation deviennent omniprésentes, les relations humaines personnelles deviennent de plus en plus importantes. « La technologie offre l’espace nécessaire aux entreprises fondées sur la valeur et la passion. » Il devient possible (et nécessaire) de servir une niche trop petite pour intéresser les géants de l’économie de masse afin de se protéger de leur concurrence.

7       Sachez où est vraiment votre valeur. Peut-être pas là où vous pensez.       « L’essentiel, c’est la valeur réelle que vous pouvez apporter à un client qui a envie de votre offre. » Il est de plus en plus important de comprendre où se situe la valeur et de tester toutes les manières de capter cette valeur.

8       Ne vendez pas des marchandises interchangeables, même si d’autres pourraient voir votre produit ainsi.         « Une marchandise, c’est un produit indifférencié qui est facilement copié et reproduit par d’autres. » Par définition, un commerce de passion concerne un produit unique, pas une marchandise.

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