INfluencia : alors que la reprise économique en France est plus forte que prévu, que laissent présager pour l’ensemble de l’année 2021 les résultats du Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump) pour le premier semestre ?
Xavier Guillon : les enseignements sont extrêmement clairs et confirment ce que nous annoncions en mars : le marché de la communication, qui avait amplifié la baisse de l’économie, connaît un rattrapage extrêmement rapide. Comme les perspectives de PIB pour 2021 se situent dans notre scénario optimiste – en hausse de 6 % plutôt que 5 % – on va effacer en 2021 plus de la moitié de la perte de 2020, qui s’élevait à 7,3 milliards d’euros. La deuxième partie du chemin sera rattrapée en 2022 ou, au pire, début 2023. Le marché de la communication s’en tire donc globalement très bien ! Le périmètre à cinq médias (TV, presse, radio, communication extérieure et cinéma, ndlr) a déjà retrouvé les volumes et ses tendances d’avant crise. En 2021, le marché devrait augmenter de 14,8 % à 30,421 Md€. Il est intéressant de noter que la reprise est plus rapide que la croissance de l’économie. C’est d’ailleurs un scénario tout à fait inédit par rapport aux précédentes crises, où le redémarrage avait été beaucoup plus lent. Il avait fallu 4 ou 5 ans pour effacer la crise de 2001 et 10 ans pour revenir aux volumes d’avant 2008. Cette fois, l’effet de rattrapage ne prendra que 2 ans ou 2 ans et demi.
IN : le scénario que nous avons connu, avec une succession de vagues de pandémie et de périodes de confinement, était pourtant le plus redouté…
Xavier Guillon : on aurait pu craindre des comportements prudents de la part des acteurs économiques mais pas du tout ! Avec la stratégie du quoi qu’il en coûte, les capacités de dépense des ménages et d’investissement des entreprises ont dans l’ensemble été préservées. On n’est donc pas dans une crise structurelle mais dans une situation qui a été vécue comme un séisme suivi de répliques avec, à chaque fois, une sorte d’arrêt sur image. On n’est pas non plus dans un stop & go brutal car les annonceurs ont appris à mettre en place un réglage fin, avec des ajustements sectoriels et territoriaux qui permettent de saisir les opportunités dès qu’un secteur s’ouvre à nouveau. La gestion de la crise par les instances politiques et financières au niveau européen voire mondial, qui a permis que tout le monde agisse en même temps, a aussi été un élément clé.
IN : quels sont vos points de vigilance ?
Xavier Guillon : la crise sanitaire ne sera sans doute pas la situation la plus complexe à envisager car, selon son évolution, le pilotage sera de plus en plus fin. Il y a en revanche un point d’interrogation sur la valorisation des actifs par rapport aux capacités de production. Nous sommes pour l’instant protégés par la stratégie de sortie de crise, mais ce lien entre l’économie réelle et la sphère financière est un sujet de long terme qui pourrait nous faire repartir dans un scénario de crise structurelle.
Un marché de la communication en hausse de 33,3 % au premier semestre 2021
La reprise du marché publicitaire se confirme ! Et même nettement, ont indiqué l’Irep, France Pub et Kantar lors de la présentation des résultats du Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump), dévoilés mardi 14 septembre 2021. Les recettes publicitaires nettes de l’ensemble des médias s’élèvent en effet à 7,150 milliards d’euros sur le premier semestre 2021, en progression de 33,3 % par rapport au premier semestre 2020. « Ce marché extrêmement boosté par le digital a complètement rattrapé et même dépassé de 6,5 % le niveau du premier semestre 2019 », a souligné Christine Robert, directrice déléguée de l’Irep. Le marché « total digital » (search, social, display et autres leviers) progresse de 41,9 % sur un an à 3,834 Md€ et améliore fortement sa tendance du premier semestre 2019 (+36,9 %).
Bien que plus contrasté, le bilan est aussi encourageant en ce qui concerne le périmètre à 5 médias (TV, cinéma, radio, presse, publicité extérieure). Digital inclus, il est en hausse de 25,7 % par rapport au premier semestre 2020 à 2,961 Md€ mais reste encore en retrait de 12,5 % par rapport à la même période en 2019. En y ajoutant le courrier et les imprimés sans adresse (ISA), les recettes nettes atteignent 3,546 Md€ (+25,7 %), mais restent en retrait de 13,5% par rapport au premier semestre 2019.
Digital : la télévision, la radio et la presse accélèrent
Les recettes publicitaires digitales de la télévision, de la radio et de la presse demeurent très bien orientées : +47,7 % sur la période à 230 millions d’euros, une progression plus de deux fois supérieure à celle du premier semestre 2019 (+22,8 %). En incluant le DOOH, les recettes passent à 290 M€.
La télévision est restée très dynamique (+33,3 % à 1,672 Md€) et a même compté sur le semestre plus d’annonceurs qu’avant la crise (+5 % à 2094 annonceurs, en hausse de 2 % par rapport à 2019). La radio (+23,9 % à 256 M€) a enregistré une belle croissance sur la publicité nationale et le digital, malgré le confinement du mois d’avril qui l’a pénalisée. Si le média continue de perdre des annonceurs (-2 % à 1546), il faut noter que 12 % d’entre eux sont aussi actifs en audio digital (contre 10 % un an plus tôt). La presse peut quant à elle se féliciter d’une forte croissance de ses recettes nettes (+17,7 % à 633 M€). Si le nombre d’annonceurs recule (-1,5 % à 14 958), la tendance s’inverse si on ajoute le volet digital avec une hausse de 2 % par rapport à 2019 des annonceurs qui ont communiquent sur les supports print et digital. Sur le semestre, la PQN et les magazines ont augmenté chacun de 10 % leur portefeuille d’annonceurs.
La publicité extérieure (+17 % à 398 M€) est en hausse sur tous ses segments, sauf sur le transport. Les médias d’adressage sont également bien orientés : +15,7 % à 334 M€ pour le courrier, qui voit revenir des retailers qui avaient quitté le média, et +41,9 % à 251 M€ pour les imprimés sans adresse. Malgré la montée en puissance du digital, le papier n’a pas dit son dernier mot !
En résumé
Amazon entre dans le Top 10 annonceurs
Grand gagnant de la crise, le secteur de la distribution a renforcé ses investissements (+56 %) et sa part de voix (17,6 % contre 14 % un an plus tôt). Les quatre premières enseignes (Leclerc, Lidl, Intermarché et Carrefour) comptent pour 45 % du Top 10 annonceurs et 6 % du total annonceurs. « La distribution spécialisée représente deux tiers de la croissance et rattrape son niveau de 2019. Les investissements des enseignes généralistes progressent de 15 % par rapport à 2019 », a détaillé Florence Doré, directrice Marketing & Communication France de la division Media de Kantar. Si l’automobile reste le deuxième secteur annonceur (+11 % sur le semestre) et les télécoms continuent de renforcer leur présence (+26 %), « le tourisme-restauration et la culture-loisirs n’ont pas du tout retrouvé leur niveau d’activité », a-t-elle noté.
Autre point notable : Amazon, qui gagne 4 places par rapport au premier trimestre 2021, entre dans le Top 10. Le distributeur a augmenté sa pression publicitaire de 74 % par rapport à la même période en 2020 et de 50 % par rapport à 2019, avec des communications autour de son site et du service SVOD Amazon Prime Vidéo. Les 147 M€ investis profitent principalement à la télé (76,9 M€) et à la radio (50,8 M€). La marque a continué à renforcer sa communication en display (8,7 M€) et en publicité extérieure (5,6 M€).