28 mai 2009

Temps de lecture : 7 min

L’entreprise demeure l’acteur clef de la mise en oeuvre du développement durable

Euro RSCG C&O poursuit son décryptage des communautés d'influence. Après « la société de défiance » et « la fracture générationnelle face à l'évolution des pouvoirs », l'agence de communication se penche sur la sphère d'influence du Développement Durable.

 Quels sont les acteurs qui font autorité ? Quelle est leur influence ? Comment l’exercent-ils ? Quels sont les freins auxquels ils sont confrontés ? La crise a-t-elle changé la place de l’entreprise dans ce jeu d’acteurs ? Un fil rouge sous-tend l’enquête: le rôle observé et attendu de l’entreprise face au défi du Développement Durable pour mieux l’aider à progresser et travailler de concert avec ses acteurs.
L’agence est allée à la rencontre des individus qui « pensent » et qui « font » le développement durable pour mettre à jour les avancées et les écueils de cette nouvelle communauté d’influence. 67 entretiens individuels ont été menés, d’octobre 2008 à mars 2009, avec des personnalités françaises et européennes appartenant à toutes les sphères de la société, sélectionnés pour leur disposition à intervenir dans les tribunes du Développement Durable, leur degré de présence médiatique et leur propension à être eux-mêmes cités par les autres leaders d’opinion.
A l’heure où la crise enjoint nos sociétés de réinventer ses modèles, le développement durable apparaît aux interviewés les plus optimistes comme une voie de transformation et de rénovation. Compris dans ses trois dimensions (environnementale, économique et sociale), le développement durable s’impose pour beaucoup comme un possible nouveau paradigme de société, un pilier de la future économie, un marché énorme en devenir. Les plus pessimistes arguent que la crise induira des mesures d’urgence incompatibles avec le temps long du développement durable, le coût des produits durables et les réflexes d’immédiateté de la part des consommateurs, le mirage de la croissance verte et l’impossible renoncement des pays riches obligés de partager. En temps de crise, c’est encore l’entreprise, qui concentre les plus fortes attentes pour rendre désormais opérationnel le développement durable. Toujours plus légitime que l’Etat en temps de crise…

Un jeu tripartite
Trois sphères d’influenceurs ont en effet contribué à l’essor du développement durable en France. 􀂃Les artisans de la prise de conscience : les verts, pionniers du combat aujourd’hui dépossédés, les ONG, figures de l’alerte crédible, les scientifiques, qui jouent aujourd’hui un rôle de premier plan mais aussi des « peoples » charismatiques, dont le rôle est reconnu par ces mêmes influenceurs et les médias, aujourd’hui en question, constituent un premier groupe. En donnant de l’audience au souci environnemental, ils ont posé la première pierre pour une montée en puissance du Développement Durable.
􀂃Les « agissants » : c’est le groupe bigarré que forment tout à la fois mais en premier lieu les entreprises lorsque la problématique du Développement Durable est portée par la figure d’un patron sensibilisé, les citoyens-consommateurs- qui, malgré la schizophrénie notoire dans leurs choix de consommation, sont un puissant levier de transformation et la puissance publique- qui en vient, devant la nécessité, à la mobilisation active. L’influence de cette deuxième sphère est majeure : l’action ou la revendication d’action pour faire advenir le Développement Durable ancre le concept dans sa réalité économique.

􀂃Les nouveaux entrants : d’autres acteurs se mobilisent aujourd’hui pour enrichir le Développement Durable dans sa troisième dimension, le pilier social. Ce sont les syndicats, les salariés- qui louvoient entre adhésion et attentisme, et les associations sociales et humanitaires en quête d’intégration. Mais ces acteurs semblent encore chercher leur place et les modalités de leur influence.

Une communauté en construction In fine, si la mobilisation de ces différents acteurs a bel et bien permis l’émergence du Développement Durable dans le débat public, il est moins certain qu’ils forment véritablement une communauté d’influence. Malgré des expériences communes en premier lieu desquelles le Grenelle de l’Environnement, l’existence d’un sentiment d’appartenance, des événements fédérateurs et un fonctionnement en réseau, les influenceurs aux profils très différents, n’ont pas d’intérêt commun ni de vision commune. Des freins structurels compliquent l’élaboration et la réalisation d’une vision commune du Développement Durable : le conservatisme des instances étatiques (le ministère de l’Economie et des Finances est taxé de fortes pesanteurs), une représentation nationale disqualifiée (l’absence de réflexion au sein des grands partis politiques français pénalisant les parlementaires) ou encore le court-termisme de nos sociétés. L’entreprise, entité considérée comme la plus à même de réaliser la transition vers le Développement Durable. La crise a-t-elle changé les perceptions ? L’entreprise, au carrefour des problématiques sociales, environnementales, économiques et de par ses caractéristiques – flexibilité, pérennité, dimension internationale, capacité d’innovation, pouvoir de prescription auprès des fournisseurs et sous-traitants, force de diffusion auprès du grand public, rayonnement via la communication et la publicité- semble garder la main pour traduire le développement durable en réalité et contribuer au mieux vivre ensemble. L’entreprise suscite beaucoup d’attentes, toujours considérée comme plus légitime que l’Etat en temps de crise. Une vision unanimement partagée par les interviewés.
Au-delà de l’incantation, qu’est-ce que suppose cette proposition ? Aborder le Développement Durable par le prisme de la gestion du risque ne saurait en effet suffire. Les leaders d’opinion mentionnent des étapes à suivre pour l’entreprise. Pour faire du Développement Durable et le rendre réellement opérationnel, l’entreprise doit l’intégrer au coeur même de sa stratégie pour aller jusqu’à changer son business model. Selon les interviewés, ce sont les secteurs les plus exposés ou les entreprises militantes, qui ont fait du Développement durable le coeur même de leur activité, qui sont les plus en avance dans ce processus. Volontarisme de l’entreprise ou contrainte de la loi ?
Mais comment concrètement faciliter la transition vers le développement durable ? Deux conceptions s’opposent ici : le pur volontarisme de l’entreprise versus la contrainte de la loi. Cependant, à l’aune de ces entretiens, la nécessité d’un dépassement possible de cette alternative s’impose plaidant pour une interprétation dynamique de la loi. Le Grenelle de l’environnement, processus vertueux, illustre cette proposition : une concertation initiale entre toutes les parties-prenantes, qui s’appuie et intègre les « best-practices » des entreprises, aboutit sur la définition d’une vision. La traduction de cette vision en une loi d’orientation fournit alors le cadre dans lequel il s’agit de laisser faire l’initiative privée. Dans ce schéma, l’esprit de la loi guide une entreprise encouragée à déployer librement sa capacité d’innover et d’internationaliser ses initiatives et pratiques sur la base des plus hauts standards. La nécessité d’un nouveau contrat social selon Euro RSCG C&O
Moteur de la réalisation du Développement Durable, l’entreprise, pilier dans l’espace public, est en mesure de réconcilier le citoyen, le salarié et le consommateur et de définir un nouveau contrat social, impérativement mené sur le mode de la co-construction avec ses parties prenantes. Mais avant, elle doit se rendre légitime à porter cette ambition et instaurer un climat de confiance avec l’ensemble des contractants.
􀂃Auprès de ses parties prenantes externes : l’entreprise doit les prendre en compte dans leur ensemble, les nouvelles comme les anciennes, les silencieuses comme les actives, dans une nouvelle logique de partenariat, de dialogue multilatéral, permanent et constructif et proposer une nouvelle gouvernance sur le mode des comités de parties prenantes qui se multiplient.
􀂃Auprès de ses parties prenantes internes : l’entreprise se doit d’être exemplaire, de développer une responsabilité sociale élargie (employabilité, discrimination, santé…) en proposant notamment un nouveau partage de la valeur. Prolongement de la société dans la sphère professionnelle, elle doit également innover pour faire émerger la citoyenneté au travail. A terme, elle devra diffuser le développement durable à tous les échelons de son organisation qui deviendra non plus la responsabilité du directeur du développement durable mais des instances exécutives (directeur de la stratégie, secrétaire général..). et sera mis en oeuvre par toutes les directions opérationnelles et les fonctions transversales.
􀂃Auprès du grand public : l’entreprise doit réconcilier le consommateur et le citoyen autour de produits et services qui répondent aux nouveaux besoins de sens et préoccupations (maîtriser sa consommation, passer de l’ère du jetable à l’ère du durable, revenir aux valeurs d’usage et de partage). Elle devra passer d’une fonction de producteur à celle de prestataires de services, intégrer les logiques d’économie circulaire en prenant en compte le cycle de vie des produits… A l’heure de la crise, le refus des plans de relance par la consommation confirmerait cette tendance. L’axe du développement durable doit ouvrir de nouvelles perspectives pour les marques, tiraillées entre le lowcost/hard discount/soldes et le luxe. La valeur ajoutée environnementale ou sociale d’un produit ou service pourra justifier le prix et la marque, de devenir le médiateur de l’alliance entre le consommateur et le citoyen. La communication doit opérer une véritable mutation Greenwashing, Ethicalwashing, socialwashing… ont été pointés du doigt par une opinion publique plus attentive sous la pression des ONG. Il n’en demeure pas moins que cette communication, désormais sous haute surveillance, conserve un rôle majeur dans cette transition vers le développement durable tant les besoins d’informations sont grands.
Mais face à la complexité des enjeux, aux nécessaires démarches d’expérimentation, comment communiquer sur les interrogations et l’absence de certitudes dans un domaine où rien n’est figé ni définitif, où les débats sont ouverts et les questions parfois sans réponse immédiate ? Euro RSCG C&O est convaincue que la communication devra intégrer une nouvelle règle. Confrontée à cette complexité et la nécessité de mettre en place des stratégies d’adaptation, l’entreprise n’aura pas d’autre choix que de se décomplexer à communiquer sur ses démarches de progrès plutôt que les solutions toutes faites ; communiquer sur les actions concrètes et leur rythme de mise en oeuvre, sur les dilemmes et les expérimentations. Elle devra faire, avant de dire et s’inscrire dans le registre de la preuve. L’ère sera à la sobriété des messages, au bannissement des discours culpabilisants. Elle s’appuiera davantage sur le dialogue communautaire, devra donner naissance à des outils plus en phase avec le temps des démarches de progrès que celui de l’annualisation. Elle devra donner davantage de repères aux consommateurs par l’utilisation de labels indépendants quitte à nouer de nouvelles formes de partenariats. Et continuer à faire oeuvre de pédagogie pendant de longues années encore.
Et pour connaître les personnalités les plus influentes (figures médiatiques, associations, organismes, sources d’information) et connaître les noms des meilleurs de la classe cliquez ici. euro-rscg-annexe1.pdf
 

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