Un peu plus qu’une bière, more than a snack, bien plus qu’un marchand de meubles, more than just bread, bien plus qu’un chewing gum, more than a watch, bien plus qu’un thé, et (ça vient de sortir) : bien plus qu’un fromage… Depuis quelques mois fleurissent dans des catégories variées des signatures de marques à la syntaxe similaire.
Bien qu’elles ne dérogent pas à la loi du genre – faire court -, elles en disent long. Et pour tout dire, elles sont symptomatiques de notre époque.D’abord, elles montrent le chemin qui reste à parcourir pour sortir de la monoculture du slogan, qui veut forcer chez le consommateur l’association d’un caractère à la marque. Trop peu l’ont compris (essayez de vous souvenir de la signature de Google, ou de l’IPod…). De fait, « un peu plus qu’une bière », c’est quoi au juste ? Peut-être simplement le témoin d’une tension inédite entre les marques et les gens auxquels elles s’adressent.
D’un côté les gens. Plus exigeants. En voulant plus pour leur argent. Désormais habiles à décoder les mistigris du marketing, ils se contentent de moins en moins de ce vague « bien plus » qu’un fromage, souvent pour lui préférer « simplement » un fromage de marque distributeur.De l’autre, les marques. Elles cherchent à répondre à cette exigence en soulignant, avec une générosité touchante que dans leur produit, il y a « bien plus » qu’un produit… et tombent vite dans un abîme de perplexité quand il s’agit de décrire ce « plus ».
Ce n’est pas toujours le cas : que fait Geo quand il édite des livres, des guides touristiques avec Gallimard, ou promeut le « webreportage », sinon montrer concrètement qu’il est bien plus qu’un magazine ? Que fait Hyundai aux Etats-Unis quand il propose aux gens d’acheter une voiture maintenant en leur promettant qu’en cas de chômage ils pourront la rendre sans pénalité, si ce n’est prouver qu’il est bien plus qu’une voiture ?
Au-delà de la formule publicitaire, être « bien plus » qu’un produit est une aspiration légitime pour les marques. Et si le salut n’est plus dans le slogan, il est peut-être dans la relation : pour être bien plus qu’un produit, il faut rentrer dans la vie des gens, tisser avec eux des liens plus forts et plus fréquents. Cela augure peut-être de la victoire de la valeur d’usage sur la valeur d’image. A condition, comme Google, Geo ou Hyundai, de privilégier l’action au discours et les actes aux slogans. A condition d’être capable de répondre à la seule question qui vaille aujourd’hui : « qu’est-ce que vous faites pour les gens ? ».
Terrible et formidable question. La seule chose qui soit sûre, c’est que pour y répondre les marques auront plus que jamais besoin de bien plus qu’une signature.
Michel PerretDirecteur général en charge des stratégies, Leo Burnett France