« Coupable ». Un seul mot suffit à faire frémir et à déclencher une tempête. Normal, tout n’est qu’histoire de mots, surtout ces temps-ci. Un récent article publié le 4 septembre 2009 dans « Le Figaro » voit Michel Maffesoli relever que les mots surinvestis et bataillés en ce moment sont des mots hérités du Contrat Social et des Lumières (démocratie, citoyenneté, république, société civile). Ceux-ci seraient en décalage total et ne seraient plus adaptés à l’époque.
Pour le sociologue, la société actuelle a besoin « de mots justes disant ce qu’elle est réellement », de mots reflétant l’esprit de la postmodernité. Si la forme est réellement « formante » et si chaque époque a ses mots, quels sont les mots de notre époque ?
Le mot « crise » a par exemple réveillé les démons de 1929 avant que l’on se rende compte qu’elle n’avait aucun rapport avec la récession du début du siècle dernier. Peut-être aurait-on du plutôt lui donner un prénom ? On en donne bien aux typhons et aux ouragans, et il est d’ailleurs assez révélateur de se remémorer pourquoi. Auparavant le nom des ouragans était formé de l’année de la tempête suivie d’une lettre de l’alphabet, (« 1984a » par exemple). Ce n’est que vers les années 50 qu’on leur donna des noms de personnes, et ce pour deux raisons : éviter les confusions et faciliter la communication et la prévention. L’expérience a en effet montré que les noms causent moins d’erreurs que tout autre type de codage utilisé jusqu’à maintenant mais surtout facilitent la communication avec le public, permettant ainsi une plus grande prise de conscience d’un danger approchant. Alors si la crise portait un prénom qui lui ressemble, ne la rendrait-on pas plus simple à apprivoiser ?
Mais l’alphabet de l’époque et les mots du XXIème siècle se jouent ailleurs : sur Internet. Sur le net, un mot ouvre la porte vers des milliards d’univers, liés entre eux par des tags. Goggle consacre le règne des « mots-clés », Twitter les sélectionne amoureusement en limitant le nombre de caractères, et on parle même d’hypertexte. Alors pourquoi pas d’hyper-alphabet ?
A une époque où nous souffrons clairement de cécité, il est passionnant de se rendre compte que si nous surinvestissons les mots, nous recourons de plus en plus au digital pour les classer, les chercher, les cataloguer, effectuer la moindre recherche. Pour donner du sens, nous sommes obligés de voir le monde de plus près. N’oublions pas que digital et tactile ont la même racine : « digit », le doigt, mais aussi le chiffre. Encore un caractère… Décidément. Si le digital avait un alphabet, celui-ci serait en braille.
Thomas Jamet est directeur général adjoint de Reload, structure de planning stratégique, d’études et d’expertise de Vivaki (Publicis).
thomas.jamet@reload-vivaki.com
The Christians – Words