L’attrait d’une enseigne ne viendra plus seulement de la qualité de son approche prix et produits, mais aussi de ses efforts envers ses clients, et non pas en termes de discours, de promotions ou de promesses mais de façon très pratique.
Société de consommation oblige, le consommateur s’est éduqué voire émancipé (y compris vis-à-vis du e-commerce). Il est beaucoup plus lucide et critique que ne le croient ceux qui parlent en son nom et veulent l’instrumentaliser. Très sollicité – et la crise aidant – il sait décrypter et prendre des distances sur certains achats mais parfois il se laisse entraîner à d’autres plus inconsidérés. Pour le plaisir ? par curiosité ? influencé? Ou encore par quête de qualité accrue, de nouveauté, d’altérité ? Les critères déclencheurs sont infinis et bien souvent subjectifs. Face à ce comportement de plus en plus complexe et ces logiques d’achat multipliées, la traditionnelle équation, offre produit/prix, n’est plus suffisante pour juger de l’attractivité globale d’une enseigne. Elle comporte en effet, selon la nouvelle édition de Café du Commerce réalisée par Nouveau Monde DDB, une donnée supplémentaire et incontournable : l’orientation client. Le mot le plus important est enfin lâché: le client!
Ce postulat s’appuie sur une étude exclusive menée par Côté Clients, auprès de 4200 clients de 21 enseignes leaders et outsiders de 7 secteurs de la distribution. Mais aussi sur une analyse de Dominique Wolton, directeur de l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS, qui explique : «Il est nécessaire de valoriser ce qui révèle l’intelligence et le sens critique du citoyen-consommateur mais aussi son individualité, ses différents rôles et ses attentes concrètes. Ainsi pour l’avenir, une enseigne doit s’interroger sur sa capacité et ses efforts à se préoccuper vraiment de ce « client mille feuilles » de façon très pratique et avec toute la considération requise ».
Mais ces nouvelles exigences du public signifient-elles la fin des rôles traditionnels ? « Non », répond D. Wolton «simplement l’évolution du commerce passe désormais par une relation plus respectueuse. Ce qui représente une formidable opportunité de développement ». L’enjeu est donc de taille, mais selon l’étude élaborée à partir d’un indicateur synthétisant 18 critères (« j’ai confiance en cette enseigne », « les vendeurs de ce magasin font toujours le maximum pour m’aider », « la mise en scène des produits me donne souvent envie d’acheter »…), le pari n’est pas encore gagné par tous.
Le niveau général est faible avec 9 à 17% de clients «tout à fait satisfaits » contre 30 et 40% de mécontents qui s’estiment ni importants ni reconnus. L’alimentaire, l’ameublement et le textile sont les plus critiqués tandis que le bricolage et l’hygiène /beauté sont les mieux notés.
Sans surprise, ce sont les enseignes leaders qui arrivent en tête du classement telles que Leroy Merlin, Décathlon, Sephora ou Fnac. Mais certaines majeures, comme Ikea, Camaïeu, Carrefour, Lidl ou Zara, sont moyennement ou mal notées. Cependant, l’étude introduit des nuances sur nombre d’enseignes, comme le démontre le cas Ikéa , N° 1 des enseignes préférées des français. Si celle-ci est déficitaire sur les notions de « forcing à l’achat » et sur la « bienveillance des vendeurs qui ne font pas le maximum pour aider les clients », elle garde une attractivité exceptionnelle grâce à son mix offre/prix, fondamental dans la préférence.
En outre, l’étude ne se contente pas de montrer du doigt les failles, elle apporte, exemples à l’appui, des éléments de réponses décryptés en trois étapes : « les fondations » sur le thème de la confiance, le « gros œuvre » sur celui des efforts (organisation, équipe) et « les finitions » sur celui de l’amélioration de la vie des consommateurs (séduction, don, personnalisation). Des indices qui devraient pousser certains comme Monoprix, Décathlon, Lidl, Système U, Boulanger, Zara ou H&M à appuyer sur le bon levier pour grimper dans l’escalier vertueux de l’orientation client, c’est-à-dire à devenir de véritables « maisons clients » et renvoyer à leur consommateur la reconnaissance dont ils sont friands et qu’ils sont en droit d’attendre.
Reste le cas préoccupant des GSA qui, au prétexte que les achats alimentaires sont réguliers et sans risques, ne font pas d’efforts de mise en scène ou d’humanisation de la relation, oeuvrant ainsi pour un regain d’intérêt pour les magasins de proximité. D’autres grandes questions sont soulevées comme : « le secteur d’activité est-il déterminant pour une orientation client ? » ou « quelle part donner aux démonstrations en magasins ou sur le site ? ».
« Seul un marketing de l’offre peut être source de progrès et aucun secteur n’est fatalement condamné à une mauvaise orientation client », confirme D. Wolton, « car avec une relation marchande plus authentique, plus équilibrée et respectueuse envers l’acheteur, le vendeur a les atouts en mains pour prouver la sincérité de cette reconnaissance ». Tout est donc affaire de posture.
Retrouvez l’intégralité de l’étude: cafe-commerce-20009.pdf
Florence Berthier