Pour Stéphane Billiet, Président de Hill & Knowlton, Président de Syntec Conseil en Relations Publiques, les relations publiques doivent réconcilier la sphère marchande et la société.
Influencia : Le sous-titre de votre livre appelle à « refonder la confiance entre l’entreprise, les marques et leurs publics ». Ça va si mal que ça ?
Stéphane Billiet : Il y a en effet aujourd’hui un véritable télescopage entre la réalité de l’entreprise et la réalité sociale et environnementale. Cette relation tendue ne relève pas essentiellement de problèmes de communication, bien évidemment. Mais penser la communication comme un cache misère est une erreur que commettent beaucoup de sociétés. La com ne doit pas produire des écrans de fumée mais organiser la rencontre coopérative de l’entreprise avec ses parties prenantes. Elle doit non seulement accompagner mais jouer un rôle engagé dans la réconciliation de la société avec l’entreprise et donc dans le rétablissement de la confiance. Entreprises et société ne sont pas ennemies, même si le contexte de crise qui marque les premières années de ce nouveau siècle pourrait le laisser penser. « Entreprendre ensemble » est sans doute la proposition la plus engageante que peut faire l’entreprise aux Français pour relever le défi de la réconciliation
Quel rôle joueront les relations publiques au XXIè siècle ?
Nous sommes dans une époque révolutionnaire : nous vivons bien plus qu’une crise, il s’agit là d’un changement de société. On voit bien que le monde s’écroule mais on ne sait pas ce qui va arriver. Dans ce contexte, il faut moins de communication et plus de relations. Les relations publiques, qui légitiment et crédibilisent les messages, accompagneront le changement car elles sont la voie du dialogue et de la confiance. Elles peuvent contribuer à la réconciliation de l’entreprise et de la société. Cependant les attentes de la société envers l’entreprise et le fait économique sont grandes, l’ambition des professionnels des relations publiques doit donc être à la hauteur car leur rôle est plus déterminant que jamais. C’est à nous qu’appartient la tâche de gérer le « ensemble » dont je parlais précédemment, là est notre vocation professionnelle et sans doute notre motivation personnelle. Notre mission est également sociétale. La responsabilité est devenue l’une des vertus cardinales de l’époque et la réussite des démarches RSE implique le dialogue et la coopération. C’est aux professionnels des relations publiques qu’il revient de mettre en place et d’orchestrer ce dispositif dans la durée. Nous avons une chance historique de redire ce que nous sommes et à quoi nous servons.
Mais le terme « relations publiques » est-il encore d’actualité ?
L’expression anglaise « public relations » a été mal traduite en « relations publiques ». Mais au-delà de cette trahison linguistique, le terme « public » présente lui-même des limites qui peuvent nuire à la valorisation de la discipline. Il s’agit d’un mot générique, qui renvoie à une masse d’individus indifférenciés, à ce qui est public, c’est-à-dire connu de tous. Or contrairement au XXè siècle, qui envisageait la société comme une masse, le XXIè siècle consacre l’individu. Alors que la relation des uns aux autres s’individualise, l’enjeu des relations publiques n’est-il pas d’aller un cran plus loin dans la personnalisation et dans le portage des relations ? Les RP s’adressent à un individu qui se considère dorénavant non plus comme un « public » mais comme une « partie prenante » de l’entreprise. Nommer « management des relations avec les parties prenantes » la discipline des relations publiques permettrait d’en redéfinir l’enjeu et de révéler sa dimension stratégique. S’ils parviennent à se faire entendre, comprendre et respecter pour leur travail, ces managers des relations avec les parties prenantes ou « Stakeholders Relationship Managers » sont appelés à jouer un rôle clé au XXIè siècle.
Propos recueillis par Isabelle Musnik
« Les relations publiques. Refonder la confiance entre l’entreprise, les marques et leurs publics ». Éditions Dunod, octobre 2009, 240 pages