INfluencia : la communication est-elle indispensable dans votre business ?
Le Père Noël : vous plaisantez, j’espère ! Sans communication on ne peut gagner de parts de marché. Vous oubliez sans doute que c’est moi qui ai inventé les marketing services. Quand j’ai monté ma petite entreprise, je ne pouvais embaucher que 2 lutins au SMIC. Je n’étais même pas une PME ! Et à l’époque, le statut d’auto entrepreneur n’existait pas, donc ce n’était pas facile. Pour le logo et l’identité visuelle, j’avais choisi le rouge, pour qu’on me voie bien dans la neige. Au début, on n’avait pas le budget pour une campagne de communication internationale, Internet et Facebook n’existaient pas encore en ce temps-là, donc pas facile de faire du viral. Donc, j’ai eu l’idée d’envoyer les lutins distribuer des flyers dans les chaumières. J’ai d’ailleurs baptisé cette première technique « le marketing direct ». Ensuite j’ai fait de la plv dans tous les magasins. Et j’ai lancé beaucoup d’opérations de fidélisation. Petit à petit, la marque a grandi grâce au bouche à oreille. Mais là, rendez-vous compte, une boisson médicamenteuse un peu bizarre que les hommes appellent Coca Cola, a carrément dit que notre boîte leur appartenait ! Du coup, on est allé les voir un peu remontés. Au début, les tractations étaient électriques*, mais de fil en aiguille, on est devenu partenaires, et j’ai décidé de leur expliquer ma stratégie de com’. De leur côté, ils étaient aussi assez créatifs, alors nous avons décidé de nous associer. Ils ont bien adhéré à mon histoire de marketing direct et de Word of Mouth – oui je reconnais que j’aime bien parler anglais, malgré votre loi Toubon – et ont décidé d’investir. Du coup, j’ai pu embaucher 15 nouveaux lutins. Deux mois plus tard, forts de notre success story, on a même commencé l’export et on a du investir dans 8 rennes pour le transport. Et tout est allé très vite. A tel point qu’on a du fabriquer des sosies humains en produits dérivés et que j’ai même créé des licences. Et là, plus besoin de faire de la promotion, c’est le consommateur qui est devenu acteur.
IN : Justement, quelles sont donc vos relations avec ce consommateur ?
PN : C’est là que ça se complique, parce qu’on est trois. Pourquoi ? Moi, j’avais choisi les enfants comme target**. Mais pour les atteindre, je voulais entretenir le mystère sur mon identité. Du coup, je me suis dit qu’il valait mieux cibler plus directement les parents et laisser le buzz fonctionner auprès des enfants. Mon agence m’a donc conseillé de passer progressivement d’une stratégie de marketing centré produits, à un marketing relationnel. De plus, on est aujourd’hui dans un contexte de consommateurs toujours plus informés et zappeurs, qui vont de plus en plus sur la Toile. Résultat : la relation client est vraiment au cœur du fonctionnement de l’entreprise. J’ai même inventé un outil de mesure référent que j’ai proposé à la délégation marketing services de votre association d’agences en France, l’AACC, que j’ai baptisé « le RSC, ou RelationShip Score ». Ça permet d’évaluer l’efficacité d’une enseigne ou d’une marque, et de la comparer avec d’autres. Et nos résultats sont vraiment excellents. Partout on performe mieux que nos concurrents, le Lapin de Pâques et la Citrouille d’Halloween.
IN: Vous n’avez jamais connu de problèmes de bad buzz, de mauvaises rumeurs ?
Si récemment. Ne donnez pas mon adresse, mais j’habite North Pole en Alaska et non pas en Laponie comme le pense le commun des mortels. Lorsque les services postaux américains reçoivent des lettres adressées au « Père Noël – Pôle Nord », c’est là qu’ils les envoient et, depuis 55 ans, des bénévoles m’aident à y répondre. Or à Noël dernier, un employé de la poste avait reconnu un délinquant sexuel parmi ces gens et du coup cette année la Poste voulait tout arrêter. D’ailleurs on en a parlé aux infos à la télé (Ndlr : il s’agit d’un fait réel). Vous vous rendez compte de la mauvaise publicité pour nous, de l’atteinte à notre réputation et du mécontentement de nos clients. Heureusement j’ai engagé des équipes pour faire du lobbying et la décision a été annulée. Mais on a eu très peur.
IN: Quel montant de votre chiffre d’affaires consacrez-vous à la communication ?
PN: Je ne peux répondre à cette question car je ne veux pas donner des indications à nos concurrents. Mais je peux vous confirmer que malgré la crise, nos investissements on line et off line sont conséquents et qu’ils vont continuer d’augmenter. Mon empire se porte bien et ce n’est pas le réchauffement climatique qui va y changer quelque chose…
Propos recueillis par Dyssia Hayat et Isabelle Musnik
Rubrique réalisée en partenariat avec l’agence Meura
* Origine des décorations lumineuses de Noël
** Le père Noël parle souvent le jargon franco-anglais de la communication