Lady Gaga entrouvre une nouvelle réalité de la figure féminine. Première vraie star du village global, son imaginaire habite les valeurs digitales en ce qu’il réconcilie virtuel et réel en y injectant un imaginaire instantané.
Cela fait longtemps que je voulais écrire sur Stefani Joanne Angelina Germanotta (alias Lady Gaga). Il est vrai que le sujet est fascinant. Non que sa musique soit particulièrement innovante ou révolutionnaire : c’est parce que Lady Gaga n’a rien inventé musicalement qu’elle est intéressante. C’est justement là tout son charme. Ce qui la différencie, c’est ce personnage hors du commun qu’elle nous propose et le fait qu’elle entrouvre une nouvelle réalité de la figure féminine. Lady Gaga est sous nos yeux en train de signer une œuvre assez hallucinatoire, basée sur le recyclage totalement assumé. Elle trie, utilise, jette, sans vergogne. Elle recycle, habite, transforme, est à la fois sexy, déesse, top model, femme d’à côté, junkie et femme d’affaire. Elle est à la fois un pur produit et génitrice d’une œuvre artistique dense pour qui voudrait l’analyser.
Son nom de scène est une première clé de lecture. Le patronyme de la star est un hommage au titre Radio Gaga de Queen. Cette chanson en elle-même paraît inoffensive mais elle est en fait un condensé pop de différents éléments, un hymne pop kitsch au clip totalement baroque entre nostalgie, provocation gay et imagerie crypto fasciste sur fond d’image du Metropolis de Fritz Lang. Lady Gaga reproduit la même recette dans ses clips, recyclant les influences (rock, pop, electro, R N’B, dance, punk), la provoc et les clins d’œil appuyés à ses idoles. En cela elle s’approche d’une Madonna, avec qui elle est souvent comparée. Mais là où Louise Ciccone surfait avec génie sur une tendance par album (le SIDA sur Erotica, le new age et l’an 2000 sur Ray Of Light, le bling bling avec Music, l’Irak avec American Life…), Lady Gaga recycle elle 40 tendances à la minute.
Lady Gaga « Telephone »
Le clip / film de Telephone réalisé par Jonas Akerlund est en l’illustration absolue avec son hommage appuyé à Tarantino, au Japon kawaii et au porno lesbien. Par son utilisation maniaque de l’identité visuelle et sa maîtrise de la vidéo, Lady Gaga est en cela plus proche d’une Michael Jackson (ou d’un Marilyn Manson) que d’une Madonna. C’est entre autres la raison pour laquelle elle est devenue une source d’inspiration pour les marques, qui se battent pour s’associer à son image (le placement de produit est devenu avec elle une nouvelle guerre).
Car elle est la première énorme star de l’ère digitale, avec 1 milliard de vidéos sur YouTube, et le vidéoclip le plus vu de l’histoire (Bad Romance : plus de 207 millions de vues à ce jour). Lady Gaga a compris que le business ne se faisait plus sur la vente de disques mais sur les pages vues, l’e-reputation, les réseaux sociaux et le bouche à oreille.
Son art est un art post-digital. Car il n’est pas 2.0, il est naturel. Lady Gaga cristallise les valeurs du digital autour de son œuvre artistique. Dans Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson , Yann Moix écrivait à propos de Bambi : « Quand Michael Jackson était noir, il était blanc. Quand Michael Jackson était vieux, il était jeune. Maintenant qu’il est mort, le voici vivant ». Si Michael Jackson était l’homme à l’envers, Lady Gaga est quant à elle la femme digitale, la femme instantanée.
Thomas Jamet – NEWCAST – Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
thomas.jamet@vivaki.com / www.twitter.com/tomnever
Lady Gaga « Telephone »