9 novembre 2010

Temps de lecture : 3 min

PUBLICITAIRES: N’OUBLIEZ PAS LA “PART DES ANGES” PART II

La publicité d’image ne fait-elle que préparer le terrain pour des achats futurs? La publicité d’image néglige-t-elle les ventes de court terme? Deuxième volet de la tribune de Laurent Calixte...

La publicité d’image ne fait-elle que préparer le terrain pour des achats futurs? La publicité d’image néglige-t-elle les ventes de court terme? Deuxième volet de la tribune de Laurent Calixte…

La plus belle “part des anges” a été offerte, selon moi,  par la campagne pour l’afficheur Avenir en septembre 1981, où le mannequin Myriam, en bikini sur la plage, disait “le 2 septembre, j’enlève le haut” puis “le 4 septembre, j’enlève le bas” -ce qui fut fait aux dates prévues, à ce détail près que, le  4 septembre, Myriam nous tournait le dos.

En principe, seuls les agences et les annonceurs étaient visés par cette publicité: car les mots importants dans la campagne  n’étaient pas “j’enlève le haut” et “j’enlève le bas”, mais “le 2 septembre” et “le 4 septembre”. Explication : l’afficheur Avenir voulait démontrer qu’il pouvait désormais s’engager sur une date précise pour la réalisation d’une campagne d’affichage – ce qui fut longtemps impossible. En placardant ses affiches le 2 septembre puis le 4 septembre précisément, Avenir a donc fait la preuve qu’il pouvait tenir cette promesse. Mais la campagne fut si bien conçue, si astucieuse, et si spectaculaire qu’elle a charmé la France entière, pour le plus grand bénéfice d’Avenir, des afficheurs et… du secteur de la pub dans son ensemble. Et Avenir, l’annonceur, ne s’est pas plaint que la «part des anges» ait touché des dizaines de millions de personnes hors-cible !

La publicité classique est donc à la publicité ce que le Coupe du monde est au football: un opéra fabuleux qui se joue au grand air, pour le plus grand plaisir de tous. Le grand public peut alors se passionner  pour ces matches de Titans que se livrent, à la télévision, à la radio, sur les affiches et dans la presse, Coca-Cola et Pepsi, Adidas et Nike, Vuitton et Hermès, Kit Kat et Mars.

Pour autant, la publicité d’image ne fait-elle que préparer le terrain pour des achats futurs? La publicité d’image néglige-t-elle les ventes de court terme? Non. Une bonne campagne d’image renforce la marque à long terme et décuple les ventes à court terme. Les publicités primées lors des “Prix Effie”, qui récompensent les campagnes de communication les plus efficaces (et non les plus jolies, ou les plus “hype”), ne sont pas des campagnes de « marketing services », d’« e-mail marketing » ou de couponing, mais des publicités d’image à très fort impact créatif: citons simplement  la publicité de l’agence Fred et Farid pour Orangina, la publicité de Mc Cann Paris pour Nespresso, la campagne de Lowe Strateus pour la Sécurité routière, avec Karl Lagerfeld, la campagne très “dessin animé-BD” de Publicis Conseil pour Intermarché, ou encore celle de l’agence H pour Citroën, qui parodie brillamment l’émission “Qui veut gagner des millions ?”, entre autres.

On pourra relever, enfin, et ce n’est pas là le moindre des paradoxes, que la publicité sur Internet connaît elle aussi cette dichotomie entre publicité d’image (le display), et publicité comportementale (le “search”, grâce auquel l’internaute va cliquer sur des liens commerciaux après une recherche sur Google, par exemple). Selon une étude de l’Online Publisher Association (juin 2009), le panier moyen d’un internaute ayant été exposé à une publicité “display” est supérieur de 7% à celui d’un internaute qui n’a pas vu cette publicité en ligne. Autrement dit, même si on ne clique pas sur une publicité “display”, (de fait, selon Comscore, 84% des internautes ne cliquent jamais sur ce type de publicité), celle-ci influence positivement, à terme,  le volume des ventes. La “part des anges” existe donc aussi sur le Web, et ses effluves euphorisants poussent les internautes à augmenter leurs achats.

Un annonceur qui va lancer une campagne publicitaire, une agence qui va la concevoir pourraient donc se demander : “quelle sera la “part des anges” ? Répondre à cette question, c’est comprendre qu’en matière de publicité, il vaut mieux ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, d’autant plus qu’un mix intelligent entre publicité d’image et publicité comportementale  augmente l’efficacité de la campagne : selon une étude Comscore, 1,5% des internautes exposés à une publicité display, et 2,4% des internautes  exposés à un mot-clé finissent par faire un achat en ligne,  mais ce pourcentage monte à 5,1% quand les deux techniques sont utilisées.

Exiger de la publicité qu’elle ne se concentre que sur les ventes et le résultat, c’est comme exiger d’un journal qu’il ne se focalise que sur le nombre d’exemplaires vendus et son chiffre d’affaires publicitaire. Il manquerait ce levain spirituel qui fonde et renforce les civilisations, ce levain qui soulève les œuvres de Michel-Ange, commandités par cet annonceur pourtant rigide qu’était la papauté au XVIème siècle.

Faire la part belle à la part des anges, c’est donc accepter qu’une partie du budget publicitaire soit -en apparence- gaspillée, perdue, non mesurée. C’est comprendre que cette part des anges, cette part du budget semée à tout vent, au grand air, à l’air libre, est, pour paraphraser Saint Luc “semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et jeté dans son jardin: il croît et devient un arbre”. Semer les graines de l’imaginaire et du désir pour favoriser la croissance: et si c’était le but de la publicité?

Laurent Calixte, journaliste à Challenges

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