19 janvier 2011

Temps de lecture : 3 min

Storytelling: est-on forcé de faire semblant?

Le "deep acting" nouvelle tendance du storytelling dans les organisations, et par extension dans la relation client, pour les marques et les produits? Point de vue de Stéphane Dangel, consultant et formateur en storytelling.

Le « deep acting » nouvelle tendance du storytelling dans les organisations, et par extension dans la relation client, pour les marques et les produits? Point de vue de Stéphane Dangel, consultant et formateur en storytelling.

Le storytelling (communiquer avec des récits, des histoires) est partout, c’est un fait. Dans la communication, produits, des marques, institutionnelle… Certains y voient le pire, d’autres une grande nouveauté voire une tendance pour 2011. D’autres (j’en fais partie) partent du principe que « les histoires sont la monnaie d’échange des rapports humains » (dixit Robert McKee) et l’ont toujours été.
Cela dit, je suis tombé tout récemment sur un post qui présentait le « deep acting » comme une tendance possible du storytelling dans les organisations, et par extension dans la relation client, pour les marques, les produits etc.

Deep acting? Pour éclaircir le terme, disons qu’il est emprunté à l’univers des acteurs de cinéma, de théâtre… et qu’il s’agit pour ces derniers de jouer sincèrement et profondément leur rôle, d’une manière très intense, poussée. Transposons cela dans le domaine de la relation client et nous voilà avec un employé dudit service client qui s’implique de manière feinte mais à fond dans son rôle .Faire semblant donc, mais en se fondant réellement dans le personnage, son rôle, dans un travail émotionnel en grande profondeur, intérieur: empathie extrême et limite schizophrénie pour les acteurs de cinéma.

Bref, de la vraie grande performance de… comédien. Les 3 petits points sont une hésitation de ma part, car tout de suite on entend : comédien, donc jeu d’acteurs et autres « faire semblant ». Ce storytelling de type hollywoodien, pour situer un peu, consacre les plus grandes performances de deep acting comme le signe de vrais grands films. Bon, à la comédie, au faire semblant, on ajoute encore une dimension de performance: autant de mots que nous avons l’habitude d’écarter dans nos conseils en storytelling des organisations. La comédie, la performance d’interprétation, le divertissement n’y ont pas cours.

Dis comme cela, ça a l’air bien radical et définitif, sauf que, lorsque nous parlons ainsi, en formation, lors de conférences, d’interventions, ce n’est pas de manière isolée mais en interaction avec d’autres paramètres, notions et modes de fonctionnement du storytelling dans les organisations.

Effectivement, nous développons aussi la notion d’histoire racontée et d’histoire que l’on se raconte. Et qu’est-ce qu’une histoire que l’on se raconte sinon un rôle, que nous endossons. Je cite souvent l’exemple d’Harley Davidson. Cette marque entretient avec ses aficionados un vrai storytelling authentique. Comment? En permettant à des comptables en costume-cravate d’aller « terroriser » des petits bleds paumés lorsqu’ils enfourchent leur Harley tout de cuir vêtus. C’est authentique, ça? Oui, car il leur est ainsi permis d’exprimer quelque chose qui est (authentiquement) en eux et qu’ils ne peuvent exprimer dans leur vie officielle. Deep acting ? Pas forcément besoin d’en faire un ajout à la discipline: comme dit, l’histoire que l’on se raconte est déjà un des traits naturel de notre caractère humain, et du storytelling. Ce n’est pas une télé-réalité artificielle dont nous nous équipons.

Fiction? Vérité? Le débat n’a pas de pertinence: nous ne sommes pas dans ces notions, mais dans celle d’authenticité, donc. Se raconter une histoire, est-ce déconnecté de toute authenticité? Absolument pas: ce le serait si, ce faisant, on était dupe de soi-même. Et cela, que l’on soit un individu, une marque, un produit (enfin ceux qui sont en charge de leur développement).

Et les interlocuteurs, le public, l’auditoire, les cibles: sont-ils dupes? Imaginons un collaborateur d’un service client, se racontant une histoire d’implication extrême dans son travail, d’esprit client fort. Son interlocuteur sera satisfait du service rendu et se racontera lui aussi une histoire (exemple: si cet employé du service client se montre aussi zélé, c’est parce qu’il en attend un avantage en terme de promotion…). Est-ce que cela changerait quelque chose, si l’interlocuteur en question savait exactement ce que fait l’employé et pourquoi il agit de cette façon? Non, sans doute pas: il n’aurait pas le sentiment de se faire manipuler d’aucune façon.
Alors, est-on forcé de faire semblant? Non, on ne se force pas: c’est naturel, et plus encore, authentique.

Stéphane Dangel / Consultant et formateur en storytelling

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