Le récent détournement de la page facebook de Nicolas Sarkozy et l’annonce des chiffres de l’Hadopi laissent à penser que nous sommes délibérément entrés dans l’ère des pirates.
La page facebook présidentielle a été piratée et la moitié des internautes français seraient des voleurs! Un constat édifiant. Si l’on en croit le dernier rapport Hadopi, 49% avouent en effet avoir déjà téléchargé du contenu de manière illégale. Un chiffre édifiant mais qui n’étonne vraiment personne. Le web a été dès le départ une zone aux contours juridiques flous et la tentation a été forte pendant des années. Un élément très fort est aussi le sentiment de liberté associé au web. C’est de là qu’est née la culture du hacking.
Une célèbre association de hackers, le Chaos Computer Club, fait fureur depuis les années 80. Il a récemment tenu son congrès à Berlin et édicte un manifeste qui est un vrai programme de libération du Net. Plus concret et borderline, la «Pirate Bay» propose moult moyens de télécharger illégalement.
Il y a aussi le «Parti Pirate» français qui «prône un accès libre et égal pour tous à la culture, la connaissance et l’information et appelle à une réforme profonde du droit d’auteur». Ces organisations reposent sur des règles claires: libérer le web des contraintes. Au-delà de flirter carrément avec l’illégalité, elles revendiquent surtout fièrement le statut de pirate et toute leur imagerie extrêmement puissante. Et c’est assez intéressant car cela résonne avec un ensemble d’éléments. Au cinéma, dans l’actualité, dans les jeux vidéo, la figure du pirate est partout.
La forme la plus angoissante de ce retour est sans nul doute les nouvelles formes de piraterie dans l’Océan Indien, où des pirates nouvelles générations rançonnent, pillent, tuent et prennent en otage. Le phénomène est très vivace en Somalie, où il constitue un risque réel et un flirt avec le crime organisé. De manière plus légère, la figure de Johnny Depp dans «Pirates des Caraïbes» utilise tous les clichés du genre, en rendant un hommage appuyé à Robert Louis Stevenson. C’est cet écho avec une sympathie populaire pour la figure du pirate qui fait sens aujourd’hui.
Car au-delà de la rébellion, le pirate incarne un modèle de société libre. Figure anarchiste, il se joue des contraintes, vogue sur les Océans, rançonne les riches. Dans un monde où tout est contrôlé, il apporte une réelle fraîcheur. Avec ou sans tricorne ou bandeau sur l’œil, il joue sur la sympathie qu’a toujours eue le public pour la figure du rebelle. Il n’est pas étonnant que cette figure resurgisse maintenant, au moment où les contraintes sont fortes et les craintes sur les libertés individuelles réelles.
Le pirate est un nouvel idéaliste et un modèle, un anarchiste libre. Un nihiliste. La meilleure figure du pirate moderne est Julian Assange. Wikileaks est l’anti-establishment ultime. Les pirates informatiques jouent sur le même registre en proposant de guerroyer avec des armes digitales et techniques contre les puissants du web. En offrant un modèle totalement libre, ils sont aussi libéraux que nihilistes.
En cela ils incarnent l’autre voie. Celle de la désobéissance. Une voie qui a été empruntée en tout premier lieu par le Diable, figure ultime de la rébellion, qui en se dressant contre Dieu, a posé les bases de la rébellion romanesque.
Dans cette éternelle lutte pour la liberté, les pirates incarnent un nouvel idéal, ce souffle de liberté dont nous avons éperdument besoin. On devrait voir beaucoup de têtes de mort ces prochains mois.
Thomas Jamet – NEWCAST – Directeur Général / Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
thomas.jamet@vivaki.com / www.twitter.com/tomnever