INfluencia : pourquoi un magazine consacré aux collections?
Sam Baron: depuis sa création, Colors a toujours porté une attention particulière au design dans un sens large et généreux, permettant ainsi à une multitude d’objets quotidiens, inattendus et exceptionnels d’inventivité, de devenir les porte-parole des personnalités singulières qui ont été les acteurs des 79 numéros publiés jusqu’ici. Or, en anglais le mot ″collector″ signifie une personne qui collectionne des objets correspondant à un même thème. Ils peuvent être des produits de l’industrie, de la nature ou encore des œuvres d’art. Mais le design, la mode et le marketing lui ont également conféré un double sens, celui d’un produit exceptionnel, à considérer avec une attention particulière et/ou à collectionner.
Pour célébrer les vingt ans de ce magazine ″qui parle du reste du monde″, et qui a toujours été un symbole de diversité, de culture(s) et de créativité(s), il était donc évident de s’intéresser au thème de la collection. C’est un sujet qui concerne tout le monde, les jeunes et les moins jeunes. C’est le reflet de notre société, et il en dit long sur les relations entre les individus et sur nos rapports aux objets. Pour certains une collection, c’est de l’intimité pure, pour d’autres c’est de l’exhibitionnisme.
Me voir confier la responsabilité de ce numéro exemplaire était un honneur pour moi. Nous avons réalisé un tour de force en 4 semaines pour trouver et photographier des objets en tout genre comme des grille-pain, des parcmètres, des étiquettes de banane, des sachets de thé usagés, des aspirateurs ou encore des menottes. Nous avons rencontré des collectionneurs connus ou anonymes, discrets ou hors du commun tel ce Japonais qui collectionne la même chanson mais interprétée par différents artistes, ou encore cette femme qui collectionne … les odeurs.
INfluencia: vous êtes directeur artistique de Fabrica depuis 2005. Quel est son rôle et quel est le vôtre?
Sam Baron: Fabrica est une véritable cocotte-minute qui réunit quelque 50 jeunes créateurs internationaux. Ils confrontent leurs cultures et leurs différentes disciplines. Mais c’est aussi un monastère zen, exigeant, qui demande de l’endurance.
Fabrica est à la fois une académie d’art réservée aux moins de 25 ans et une sorte de centre de recherche créé par Benetton en Italie. Ces jeunes designers et créatifs issus du monde entier (italiens, écossais, coréens, japonais chiliens anglais, français…) sont sélectionnés chaque année sur environ 400 candidats http://www.fabrica.it/apply, et reçoivent une bourse. Ils travaillent pendant un an à Trévise sur différents thèmes de recherche (design, interactif, vidéo, media, musique, communication visuelle, et photo).
Mon rôle est de manager les équipes et de développer des projets qui nous semblent intéressants. Il peut s’agir de recherche pure ou de commandes des marques ou des galeries d’art avec lesquelles nous avons choisi de travailler.
Je suis aussi le DA de la marque Fabrica Features, qui conçoit et édite des produits fabriqués en Italie, et vendus dans plusieurs magasins dans le monde, comme par exemple la collection d’accessoires Benetton Home Collection.
INfluencia : Fabrica est-elle vraiment indépendante de Benetton ?
Sam Baron: Oui, complètement. Nous ne sommes pas au service de la marque, c’est la marque qui est à notre service. Fabrica est une vitrine pour Benetton, qui finance tout, sans contrepartie de commande. Nous vivons des royalties des objets vendus, ou des contrats passés avec les entreprises.
INfluencia: qu’est ce que le design pour vous ?
Sam Baron: Pour moi le design, c’est dessiner une culture. C’est une façon d’échanger, de partager, de faire rêver et de transmettre. C’est l’humain qui est intéressant, même quand on dessine un packaging. Pour moi, l’avenir du design est bien dans cette direction. Nous ne sommes plus là pour faire du show, mais pour raconter une histoire afin de mettre ensemble les éléments et d’apporter un vrai service.
INfluencia: vos actualités?
Sam Baron: Entre autres, un service de table, des cabanes d’intérieur pour la maison et pour les adultes, un packaging de parfum. Et également une expo au «grand Hornu», en Belgique, fin mai, qui montrera les objets préférés des gens qui travaillent dans ce musée.
INfluencia : votre rêve?
Sam Baron: J’ai très envie de réveiller une vieille maison, un hôtel ou un restaurant. Etre la voix créative d’une marque et de sa modernité est un vrai défi. Le designer opère une réécriture de l’histoire de l’entreprise. Et puis, un restaurant ou un hôtel, sont un bel exercice car il s’agit de rassembler des gens, de leur faire partager des moments de convivialité, des rituels de nourriture. C’est aussi l’occasion de mélanger des cultures.
Propos recueillis par Isabelle Musnik
Rubrique réalisée en partenariat avec l’agence Meura
* Sam Baron est diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de St Etienne, et de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Sa collection d’assiettes en céramique « tranches de design » est exposée au Cooper Hewitt Museum de New York et est vendue par la marque Bosa. Agé de 35 ans, il travaille pour de nombreux clients comme Louis Vuitton, L’Oreal Group, Sephora, Musee des Arts Decoratifs de Paris, Renault, De Beers London, Vista Alegre/Atlantis Portugal, Baccarat, Vitra, Maxalto et Christofle. En 2007 il recevait le Grand Prix de la Création de La Ville de Paris and a été nommé Créateur de l’Année 2011. Il vit et travaille entre Paris, Lisbonne et l’Italie