Quelle est la réelle présence des entreprises du CAC40 sur les réseaux sociaux dans le cadre de leur communication corporate? Et quelles sont leurs pratiques sur Facebook, Linkedin, Twitter et YouTube? La société Augure a voulu en savoir plus et analysé leur présence selon 5 axes. Premièrement, le nombre de comptes créés, leur richesse et leur ouverture ou non au public. Deuxièmement, l’activité, c’est-à-dire essentiellement la fréquence de publication sur les divers comptes identifiés.
Troisièmement, la variété des pratiques, visant à déterminer si l’interaction se limite à la propagation d’actualités, à la publicité, aux ressources humaines, ou englobe des objectifs multiples. Ensuite, le succès, mesuré exclusivement selon la taille des communautés liées à chacun des comptes identifiés. Et enfin le succès en termes d’engagement communautaire, c’est-à-dire le taux de réaction du public aux messages de l’entreprise. Au total, un score tenant compte de ces 5 critères a été attribué*.
Résultat des courses: onze entreprises seulement tirent leur jeu, avec une note au-dessus de la moyenne (200): Renault (1135), Peugeot (869), L’Oréal (566), CapGemini (453), Alcatel Lucent (436), Société Générale (425), BNP Paribas (400), Carrefour (392) France Télécom (371), Total :(337) et Schneider Electric (310).
5 autres figurent à +/- 20% de la moyenne: Accor, Crédit Agricole, Michelin, Sanofi-Aventis et Alstom. Suit un peloton de 20 sociétés dont la moyenne globale est inférieure à 160.
Etude Communication corporate cac40-reseauxsociaux
Quelles conclusions l’étude tire-t-elle?
+ Tout d’abord, le score est sans rapport avec les chiffres d’affaire et le nombre d’employés. Les premières marches du classement sont d’ailleurs tenues par de relatifs petits poucets du CAC40. Les entreprises possédant des marques fortes ont consacré beaucoup plus de ressources à leur communication en ligne qu’à leur propre communication corporate. (PPR et LVMH ont une présence institutionnelle quasi nulle sur les réseaux sociaux, alors que la page Facebook de Louis Vuitton attire 3,1M de fans).
+ Tous les groupes n’ont pas la même stratégie. Augure identifie trois types de profils:
. ceux qui consacrent leurs efforts à un ou deux réseaux et avec une faible variété d’objectifs. Le plus souvent, le but unique est la gestion des relations humaines. Lorsque d’autres sont envisagés, il s’agit le plus souvent de diffusion d’informations ou d’articles parus dans la presse. Ce sont certes deux bonnes pratiques, mais Pascal Jappy, le Marketing Manager d’Augure souligne «qu’elles limitent nécessairement les résultats espérés par les services communication puisqu’il n’existe le plus souvent aucune discussion, mais uniquement un message à sens unique».
. ceux qui se donnent pour objectif d’échanger avec des communautés afin de développer notamment de nouveaux produits. (Coca-Cola, Nike, Starbuck…)
. et ceux qui ont une forte activité combinant vidéos, publications, appel à la communauté, sur de multiples réseaux. Le secteur automobile semble le plus avancé dans ce domaine mais certaines banques s’engagent aussi dans cette voie.
+ Il existe une forte corrélation entre l’activité observée (fréquence de publication) et le succès (taille des communautés). Pour au moins un tiers des entreprises du CAC40, un investissement minime (réponses à quelques questions sur Twitter et Facebook, questions aux communautés, diffusion d’informations sur le marché ou l’activité de l’entreprise, éducation et évangélisation, communication RSE …) conduit à un accroissement significatif de la taille de la communauté et renforce l’image de l’entreprise auprès d’elle.
+ Les RH dominent l’activité sur les réseaux sociaux, assez souvent des groupes Linkedin à destination d’employés ou d’expatriés, et la diffusion d’informations générales et d’articles de presse. Les activités de Suivi Client et de Feedback , les seules impliquant nécessairement une interaction avec le public, représentent seulement 8% des activités. Celles-ci sont pourtant la raison d’être des réseaux sociaux.
+ Les reseaux ne sont pas utilisés de la même façon: des secteurs comme l’énergie, les media, l’équipement automobile, les SIIC ou le BTP, ainsi que les conglomérats, centrent presque exclusivement leur stratégie sur un réseau unique: Linkedin. Facebook est globalement délaissé ou sous-utilisé sur le plan corporate au sein du CAC, ce qui est peu surprenant puisque les pages des marques lui font la part belle. 32 entreprises y ont une fréquence de publication nulle ou quasi-nulle. 20 possèdent une page symbolique (pas toujours officielle) contenant uniquement une copie de leur description sur Wikipedia.
Seules 12 entreprises sur 40 ont ouvert leur mur au public. Ce constat est aussi vrai chez les entreprises en tête du classement que chez les autres. Renault a par exemple rendu son mur public, mais pas Peugeot. Certaines pages sont extrêmement riches mais ne montrent aucune activité. C’est par exemple le cas de celle de Michelin, dotée de belles applications, de jeux et d’autres excellentes initiatives mais dont le niveau de dialogue explicite reste extrêmement bas.
+ Un faible engagement communautaire
L’engagement communautaire, mesuré ici par le taux de réaction de la communauté aux publications de l’entreprise relativement à sa taille, est la vraie mesure de la relation entre l’entreprise et les publics qui la suivent sur ses différents comptes sociaux. Une vaste communauté acquise au moyen de promotions et incentives divers mais qui n’échange pas avec l’entreprise n’a que peu de valeur. Alors qu’une communauté active est une source d’informations et de protection de l’image. L’exemple de Quick le montre bien. Empêtrée dans de tragiques accidents sanitaires, la chaîne de restauration avait très vite communiqué avec sa clientèle sur Facebook. De très nombreux fans, clients et employés, avaient ainsi défendu la marque, qui avait su créer une relation riche avec sa communauté.
Pour la gestion de la réputation en ligne, avoir tissé des liens avec une grande variété de parties prenantes sur les réseaux est un gage d’efficacité et de sécurité considérable. Non seulement le bénéfice du doute et le soutien de nombreux ambassadeurs spontanés est plus facilement accordé à l’entreprise en crise, mais la veille aussi est rendue plus simple et plus efficace. Car une crise relayée sur les media sociaux le sera sur le terrain de l’entreprise plutôt que sur l’un des multiples forums ou groupes vivant sur la Toile et bien plus difficiles à identifier et écouter.
Toutes les entreprises ne l’ont pas compris et l’étude met en évidence leur faible engagement avec le public. Un manque d’interaction qui montre clairement qu’elles utilisent encore les réseaux sociaux comme un nouveau canal de diffusion plutôt qu’un espace et un outil de discussion direct et de solidification des relations.
Pour Augure, il n’est que trop temps de réagir. Les internautes s‘intéressent aux valeurs de l’entreprise, comme le montrent plusieurs sondages récents. Or la réputation influe très fortement sur la bonne marche d’une société. Pascal Jappy recommande de «ne pas avoir peur de lasser avec des messages de nature corporate. Il ne s’agit pas de tweeter 200 pages de rapport annuel, mais de faire en sorte que les valeurs transmises sur d’autres canaux, le seront également sur celui qui assure le contact le plus direct avec le public».
Ensuite, il faut éviter de raisonner par départements cloisonnés. Personne ne sait mieux répondre à une crise ou définir des messages long terme que la direction de la Communication. Les entreprises qui ont le plus profité des réseaux sociaux sont celles qui ont réussi à se restructurer autour d’une équipe multi-casquettes dédiée.
Enfin les réseaux sociaux sont des lieux d’interaction. Il est aussi important d’écouter que de parler. Posez des questions, encouragez la participation, ouvrez vos murs et répondez aux commentaires. Agréables ou non…
Sylvain Bénémacher
* méthodologie: une note a été attribuée à chaque entreprise et à chacun des réseaux sur lesquels elle est présente. Le calcul de cette note se fonde sur certains des critères d’évaluation listés ci-dessus.. Une note globale est attribuée par simple addition des 4. Le calcul est normé de manière à ce que la moyenne du CAC40 soit de 200 (4*50). Toute entreprise au dessus de 50 surperforme donc le CAC sur le réseau correspondant, et vice versa. A ceci près que ces notes ne visent pas à établir un classement de valeur mais simplement à étudier les choix et préférences des entreprises individuelles et des secteurs.
L’étude s’est intéressée à la communication institutionnelle des entreprises et à la gestion de la réputation. Elle présente donc des partis pris : seuls les comptes des entreprises ont été pris en considération, pas ceux des marques. Il ne faut pas interpréter les scores de ces entreprises comme un classement de performance marketing parmi les membres du CAC. L’intention étant uniquement d’étudier l’utilisation que font les sièges de ces entreprises, des réseaux sociaux pour communiquer sur leur politique, leurs valeurs, leur engagement sociétal, leur relations communautaires, leur actualité … Dans le même esprit, tous les comptes créés par le public au sujet d’une entreprise ont été exclus de l’étude, seuls ceux portant l’estampille officielle étant retenus.