Aujourd’hui, dans le monde de conversation proposée par le web, les nouveaux media sont une formidable caisse de résonnance de l’opinion, des émotions… C’est un monde dans lequel l’émotionnel prend souvent le dessus sur le rationnel.
Comment créer de la préférence? L réponse des marques est d’utiliser des approches émotionnelles. François Hollande et Nicolas Sarkozy n’ont pas dérogé à cette règle et ont publié une «identité musicale» composée d’une musique officielle de campagne ainsi que d’une playlist. L’une a pour rôle de proposer une personnalité de mouvement politique, l’autre rend compte de la personnalité musicale du candidat par ses goûts et ses choix. Si on a la possibilité de se balader dans l’ Ipod de quelqu’un, on se fait vite une idée de ses goûts et de sa personnalité. Alors, que nous racontent ces deux identités musicales de politiques? Ce qui frappe en premier lieu, c’est la différence de style entre les deux candidats.
La musique guerrière de Sarkozy
Nicolas Sarkozy porte une musique de campagne statutaire. Guerrière. Une musique de combat. Un mouvement qui avance, qui impose. Il y a un côté Walkyrie dans l’intention. C’est grandiloquent. Presque Napoléonien. Mais pas vraiment de thème et c’est du coup, à mon sens, difficilement mémorisable. Un classique/orchestral mixé à un rythme électro break pour créer de la modernité? Pas vraiment réussi. Pas très assumé. C’est une musique qui donne l’idée d’un parti conservateur, puissant. Qui a de l’autorité. Très anxiogène. Qui traduit certainement les valeurs propres à la droite. Cette bande a été enregistrée à Sofia… Pourquoi ne pas être allé jusqu’au bout de ce discours en faisant du «made in France» car il y a de très bons musicien classiques ici. On délocalise aussi la musique?
Pour l’écouter, c’est ici.
La playlist
On est ancré dans le terroir… Elle est assez en phase avec la tranche d’âge du Président et elle fait plutôt authentique. Une playlist populaire qui joue la rétrospective musicale entre passé et présent avec des grands classiques.
Les valeurs
Il est d’ailleurs amusant de traduire le titre ou le morceau autour d’une représentation ou d’une valeur qui pourrait être portée par le candidat :
L’Auvergnat: la rigueur, la, solidarité
Quelque chose en nous de Tennessee : l’atlantisme, la solitude, le talent
C’est dit: l’honnêteté, la vérité, la franchise, l’amitié
Elvis et Carla: la tendresse, la gentillesse et l’amour
Les gens du Nord par Enrico: la diversité
Ils sont tombés par Charles: la tolérance
Oncle Georges: la famille, la fidélité, la mémoire
Si on chantait: la joie, l’enthousiasme
Pour écouter, c’est ici
La musique fédératrice de Hollande
François Hollande propose une musique de campagne fédératrice. Il y a un côté «Les enfoirés» qui se réunissent pour la bonne cause. Tout le monde il est beau. Tout le monde il est gentil. Peut-être pas très approprié devant le sérieux que demande cette fonction. «Le changement, c’est maintenant» y est répété plus de 20 fois. Attention, trop de répétition amène de la saturation…
L’avantage est que, à la différence de la musique de campagne de Nicolas Sarkozy, il y a là un thème qui est identifié et mémorisable appuyé par un slogan scandé à foison. Cependant de quel changement parle-t-on? Ni la structure du morceau, peu évolutive, ni le texte ne portent cette idée. Il n’y a pas de progression. La charge émotionnelle reste la même du début à la fin du morceau avec un effet certain d’usure. C’est comme si tout avait été construit autour d’un gimmick – rappelez-vous du geste lié au slogan proposé par le parti socialiste – C’est un peu la même chose avec la musique. Mais tout cela reste à mon sens un peu statique même si l’on voit bien que le marqueur «changement» est un élément fort de la mémorisation. Mais de quel changement s’agit-il ? On nous refait le coup de la rupture, à l’envers?
Pour écouter, c’est là
La playlist
Je suis un peu surpris par son manque d’authenticité. Cela manque de personnalité et fait un peu fabriqué. C’est comme si François Hollande voulait se fabriquer une image jeune, moderne, inscrite dans son temps. Autant on attend d’un hymne ou d’une musique de campagne qu’elle porte les valeurs de la campagne, autant, on attend d’une playlist des goûts plus personnels et assumés.
Les valeurs:
Je veux par ZAZ : la volonté
La Superbe de Biolay: l’aventure humaine
Angela de Noa: la diversité, la tolérance, la solidarité
Rolling in the deep: la trahison de l’amour
Ohwo: authenticité
Elle Panique: la peur, l’humililité
Jolie Môme par Léo Ferré: la gentillesse, la féminité
Temps à nouveau: le renouveau
Pourquoi battait mon cœur? : la quête d’amour et de sens
Le chant des Partisans des motivés: la résistance, la lutte des classes, motivé
Pour écouter, c’est là
Sarkozy et Hollande mènent un combat qui se situe très révélateur sur le plan des évocations. La musique est un cri qui vient de l’intérieur. C’est une guerre de l’image qui est aussi «sonore» à l’aide de marqueurs émotionnels.
Attention de ne pas saturer l’opinion publique. Car, en politique, le jeu du marketing, n’est pas toujours associé à celui des convictions, des idées et des projets.
Pour convaincre, il n’est pas suffisant de séduire même si il s’agit de se faire «aimer».
A suivre …
Olivier Covo / Associé fondateur de Brandy Sound
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