C’est un fait, les jeunes Françaises s’investissent de plus en plus tôt dans leur apparence en ayant notamment recours aux cosmétiques pour «se faire belles».
Et de fait, qui n’a pas assisté – amusé ou inquiet – à une session express de «maquillage – coiffure – parfumage» dans les transports en commun le matin?
Dans le même temps, la question de la beauté et de la supposée féminisation précoce (entendre érotisation précoce) des jeunes filles suscite régulièrement la polémique.
On pense à l’édition Vogue de décembre 2010, au lancement par Wal-Mart de GeoGirl en 2011, à l’arrivée de concepts américains en France, dont les Kid Spa et autres Concours de MiniMiss.
Tant et si bien que la sénatrice Chantal Jouanno a été chargée, fin 2011, d’une mission sur l’hypersexualisation. Le rapport vient de paraître il y a une semaine.
Les collégiennes qui prennent soin de leur apparence ne sont pas des Lolitas en puissance
Sans doute cette polémique et ces précautions sont-elles justifiées. Sans doute se jouent-elles aussi au prix d’un amalgame qui pénalise les principales intéressées: les jeunes filles elles-mêmes, supposées céder à un désir précoce de féminité adulte, syndrome Lolita oblige.
En constatant que peu de personnes s’étaient vraiment intéressées au « pourquoi » et au « comment » de ces pratiques du point de vue des jeunes filles en question, Brainergy a souhaité en savoir plus. D’où cette étude exploratoire, sans préjugé ni tabou, menée auprès de jeunes collégiennes à Paris et en Province pour comprendre les ressorts de la beauté au stade de l’adonaissance.
A l’arrivée, plusieurs préjugés sont battus en brèche, parmi lesquels celui d’un désir précoce de féminité: toutes les collégiennes qui prennent soin de leur apparence et de leur beauté ne sont pas des Lolitas en puissance. Presqu’aucune ne souhaite grandir plus vite voire trop vite, et certainement pas ressembler à sa mère avant l’heure, ni même aux mannequins des magazines, souvent jugées «trop vieilles» par les intéressées.
S’il y a précocité cela signe davantage un désir d’appartenance « au monde des jeunes » pour les collégiennes. Monde qui leur permet de marquer la distance à l’enfance où elles ne se reconnaissent plus, mais qui n’est en rien pour elles, un besoin d’aller trop vite. Certainement pas d’être femme avant l’heure.
Certes, elles se parfument et se maquillent tôt, mais cet accès plus précoce à la beauté et aux cosmétiques apparaît inéluctable dans une société dominée par l’apparence et le rôle social de la beauté. Beauté qui fonctionne comme sésame de la réussite personnelle, fait avéré que les collégiennes, comme leurs mères, ont très bien compris, cherchant à s’en accommoder tant bien que mal.
Se soucier de sa beauté et de son apparence dès 10 ans, lorsqu’on est « née connectée », donc sensibilisée à son image, n’est un drame que pour les adultes qui refusent de reconnaître que même pour eux, la première impression fondée sur l’apparence, est souvent décisive.
Proposer une offre spécifiquement dédiée et adaptée
Nous aurions tort de les accuser et surtout tort de ne pas les accompagner dans cette dynamique. Les marques et les industriels des cosmétiques ont un rôle social, éthique et pédagogique à jouer. Notamment en proposant une offre spécifiquement dédiée et adaptée aux besoins et attentes de ces filles, cela, contrairement à ce que peuvent croire les acteurs des cosmétiques eux-mêmes. En témoigne, cette vidéo de sensibilisation diffusée dès 2006 par Dove en Angleterre et qui renvoie la balle de la responsabilité aux parents. Cherchez l’erreur.
A l’aune des enseignements de l’étude, on prend la mesure de la complexité de ces jeunes filles qui oscillent entre pratiques effectivement précoces (nos informatrices ont entre 10 et 15 ans), volonté de se conformer à une certaine idée de la beauté, envie de se faire plaisir en prenant soin de soi et en se faisant belles. Mais ce n’est pas en les jugeant que nous les aiderons, ni en forçant les industriels des cosmétiques à s’en détourner. La trousse de maman reste à portée de mains quoi qu’il arrive.
Ne vaut-il pas mieux les accompagner et encadrer leur mise en beauté et le travail de leur apparence à travers des offres conçues pour elles, que les laisser devenir – en apparence – trop grandes trop vite, faute d’une offre adaptée?
Analyse, réflexions, propositions concrètes sont au menu de cette étude. Elle sera intégralement disponible dans l’ouvrage à paraître « Collégiennes en quête de beauté : entre devoir social, expression identitaire et hédonisme ». En attendant, Brainergy propose une infographie qui présente quelques données sur le rapport à la beauté des collégiennes, leurs pratiques et usages, ainsi que sur leurs critères de choix et d’appréciation des produits (infographie ci dessous).
Rachida Bouaiss
Directrice fondatrice de Brainergy
*Méthodologie de l’étude : phase qualitative – 12 entretiens ethnographiques réalisés auprès de collégiennes de 10 à 14 ans et de leurs mères à Paris et en Région Parisienne / phase quantitative – enquête online menée auprès de 123 collégiennes scolarisées à Dijon.
** à paraître bientôt aux Editions L’Harmattan
(sources: Vogue : Vogue.fr, geogirl : brandchannel.com, minimiss : purepeople.com © Abaca)