Le marché chinois évolue et devient de plus en plus sophistiqué. Il entre dans une nouvelle phase de développement. Les particularismes locaux s’affirment, à mesure qu’une population plus nombreuse, plus diverse et plus connectée entre dans le jeu de la consommation de masse et que gagnent en importance les considérations émotionnelles dans les comportements de consommation. Les marques doivent donc s’adapter à une nouvelle réalité plus complexe et se départir du cadre de pensée simpliste qui a trop souvent caractérisé leur vision de la Chine par le passé. Telles sont les principales conclusions de la conférence China Connect, dont INfluencia était partenaire.
«Localiser» les approches
A l’instar de Philips, avec son nouveau centre de design Shanghaïen, et Waterman Parker, les marques doivent localiser le produit et le parcours client. Une démarche ambitieuse qui se situe au croisement du design, de l’étude culturelle et de la sociologie mais une condition sine qua non du succès sur le marché chinois.
Cette stratégie acquiert une plus grande importance encore dans le domaine du marketing digital. Comme le souligne Sam Flemming de CIC, « en Chine il n’y a pas d’ ‘’utilisateurs’’ d’Internet, mais uniquement des ‘’citoyens» d’Internet’’ (une référence à la traduction de «internaute», 网民 Wang Min). Internet et les médias sociaux forment un terreau où se crée une nouvelle pop culture. Sur les forums et réseaux sociaux, les générations post 80 (80后) et post 90 (90后) construisent leurs icônes culturelles, développent des comportements qui leurs sont propres et créent un langage nouveau.
Ainsi, sur le net Chinois, les «Qiang Sha Fa »* restent à la maison (Zhai ou 宅) tandis que les « PPMM » (jolies filles) s’occupent sur les réseaux sociaux en s’adonnant au « Shai » (晒) et en regardant des images « Meng » (萌) *. Autant de concepts qui viennent alimenter cette nouvelle culture populaire.
Sina Weibo, Youku, T-Mall…
S’agit-il là d’autant de versions chinoises des outils occidentaux ? Les parallélismes sont trompeurs et cachent des différences profondes qui affectent directement l’approche des marketers. La Chine possède le taux de pénétration de la vidéo online le plus élevé au monde. Elle le doit en grande partie à la vision originale de Youku, le géant de la vidéo online ayant récemment annoncé le rachat de son principal concurrent Tudou. Selon Lee Li, son manager général pour la Chine de l’Est, Youku se voit «plus comme de la télé que comme une boite tech».
Elle apparaît comme une réelle alternative à la télévision dont le contenu ultra régulé n’est plus à même de séduire les jeunes Chinois d’aujourd’hui. Sur Youku, le contenu professionnel et les productions en propre comptent pour 80% du contenu présent. Les marques doivent y produire du contenu vidéo de qualité, pensé comme du divertissement et non comme de la publicité.
De son côté, T-Mall est certainement pour beaucoup dans l’envol de l’E-commerce en Chine. La plateforme B2C du géant du e-commerce Alibaba mène une véritable révolution dans l’approche du e-commerce. T-Mall parvient en effet à combiner praticité et attractivité des prix avec une expérience de shopping de haute qualité. Cette combinaison gagnante attire une clientèle sophistiquée à la recherche d’un mode de shopping flexible, abordable mais offrant néanmoins une vraie expérience de marque.
L’exemple de T-Mall mais également de Glamour Sales ou ELLEshop (l’extension e-commerce du célèbre magasine féminin) démontrent que e-commerce et expérience authentiquement premium sont en Chine des concepts compatibles. Les marques doivent donc repenser place et forme du e-commerce dans leur stratégie Chine.
Souvent qualifié de «Twitter Chinois», Sina Weibo est la plateforme Microblog sur laquelle plus de 130 000 marques ont déjà établi une présence. Le contenu y est pourtant plus riche, plus interactif et mieux compilé. Une vision confirmée par Mindy Sun, account director, pour qui « Sina aspire à devenir une sorte de iTunes Chinois ». Les marques sont donc confrontées à une plateforme flexible située au croisement d’un forum, d’un réseau social, d’un site microblog et d’un portail d’information. Une bonne stratégie de marque sur Sina Weibo se doit donc d’être localisée, riche en contenu interactif encourageant le rewteet et d’utiliser l’ensemble des fonctionnalités offertes par l’outil.
A la lumière de ces exemples, il apparaît bien que les spécificités du marché et des consommateurs chinois se reflètent dans la scène internet et les comportements online. Si ces singularités sont des challenges pour les marques, elles constituent aussi des opportunités car elles créent un environnement propice à des campagnes sophistiquées, qualitatives et à fort impact.
Kevin Gentle, consultant en stratégie de Marque, Dagobert.
* les « Qiang Sha Fa » sont des individus casaniers qui restent chez eux dans leur cocon.
« Zhai » : rester à la maison et poursuivre son plaisir personnel. Les « PPMM » : les « jolies filles ». Shai : étaler son image et ses possessions sur les réseaux sociaux. Des images Meng : mignon, équivalent chinois du Kawai japonais.