Créée par Rose Repetto, qui commence par confectionner en 1947 une paire de ballerines pour son fils danseur, Roland Petit, la marque est dès le début liée à la danse. Au bord du dépôt de bilan en 2004, elle a su évoluer en termes d’offre et de communication, emmenée par le big boss Jean-Marc Gaucher, un «autodidacte du business», comme l’a surnommé le journal Libération.
Le logo de Repetto est écrit avec une police courrier, qui semble tout droit issue d’une machine à écrire un peu vieillie, dont le ruban aurait fait des bavures. On est dans une écriture de création rappelant le staccato de la machine : elle renvoie au rythme du métronome, tout en faisant penser à des notes de musique sur une portée (avec des rondes et des croches). En évoquant la partition (graphisme) et la répétition (mot “repetto“), la marque met en avant l’antichambre de la représentation. Comme si la vie de tous les jours était le véritable espace de la répétition du spectacle.
Tous ses modèles s’inspirent de l’univers de la danse et en dérivent naturellement : ballerines, tenues, chaussures et maroquinerie (avec souvent un rappel de rubans sur les sacs).
La gamme Repetto a su étendre son territoire
La marque a commencé par fabriquer des chaussons de danse et des produits pour danseurs, avant d’étendre son territoire à des objets de la vie courante, des accessoires de prêt à porter haut de gamme. Qu’est-ce qui légitime ce déploiement ou permet de mieux l’expliquer ? Dans cette extension, Repetto suit le destin des acteurs et des stars en ce qui concerne, justement, l’extension de leur domaine de célébrité.
Traversée du miroir
L’acteur, si son incarnation est en parfait accord, hérite en ligne directe de la gloire ou de la célébrité de son personnage. Les héroïnes de ballet, Manon Lescaut ou Gisèle, font ainsi partie de l’imaginaire collectif, bien plus que les jeunes danseuses qui les représentent. Mais si l’incarnation est triomphale, la ballerine hérite de cette gloire. C’est elle que l’on voit alors.
C’est sans doute encore plus vrai pour le cinéma. Quand Gabin joue Maigret, on a affaire à Gabin. C’est lui que l’on crédite de régler l’affaire. Il y a transfert de célébrité sur l’acteur. Il devient le personnage principal, du représenté au représentant. On a parfois reproché à certains acteurs de ne plus jouer que leur propre personnage (Gabin, John Wayne). Et il arrive qu’on raconte un film en disant « Alors Gabin dit à Bardot … ». Il y a transfert du domaine du spectacle à la vie. L’acteur, qui devrait s’effacer derrière les personnages sort des feux de la rampe, dans la rue, auréolé par ces feux ; osmose des mondes, traversée du miroir.
De la scène à la rue
Repetto “répète“ le même destin. Elle fabrique d’abord des produits destinés à la danse classique dans le seul registre du spectacle, de l’illusoire, de l’imaginaire, puis traverse le miroir pour entrer dans le monde réel, enveloppée dans un stuc luxueux et haut de gamme. Avec ses clients, la marque fait se promener dans la rue Manon ou Gisèle. Cette osmose se traduit dans le nom des produits : sac petit rat, ballerines Norma, ballerine Gisèle.
Idem pour la chaussure Zizi, inspirée de la danseuse de ballet Zizi Jeanmaire, ou pour la Michael, fille de Michael Jackson. Outre des danseurs, la marque est aussi liée à des incarnations de la mode française. Serge Gainsbourg est l’une des icônes de la mode masculine. Son style de pantalons en lin, de chemises ouvertes et de pieds nus dans des chaussures Repetto, modèle Zizi Richelieu, est devenu une référence.
De même, avant de devenir le modèle phare de Repetto, la ballerine BB a été à l’origine spécialement conçue pour Brigitte Bardot, pour le tournage du film Et Dieu créa la femme. Des icônes ont su incarner les valeurs de la danse. Aujourd’hui, les consommateurs “performent“ doublement la marque. Le porteur d’une pièce Repetto hérite de l’élégance du de la danse ET de l’aura des célébrités portant la marque.
Même en quittant la scène pour aller dans la rue, la marque Repetto reste associée au monde du spectacle.
Une communication luxe ancrée dans la danse
La communication publicitaire et le lieu de vente amplifient ce phénomène en misant sur la dimension luxe. Les affiches publicitaires Repetto adoptent les codes des marques de luxe ; cependant les égéries sont des danseuses classiques, telles Dorothée Gilbert, qui a pris la suite de Marie Agnès Gillot.
Les éclairages des boutiques imitent les feux de la rampe. Leurs espaces miment les loges derrière un rideau de théâtre et consacrent, avec une barre d’entrainement, un autel dédié à la danse. Cette barre va dans le sens de la phonétique du nom “répétition“, rébus de la marque.
Grâce à la technologie Kinect, la vitrine Repetto de sa boutique de la rue de la Paix, à Paris, a permis aux passants en 2011, d’un simple geste de la main, de faire défiler danseuses et décors de quatre scènes de ballets différents.
Cette histoire s’est écrite en France, le pays où le ballet classique est né, incarné si majestueusement par Louis XIV, excellent danseur. Au XVIIème siècle déjà, la danse était un passeport à la cour du Roi Soleil. Aujourd’hui, consommer Repetto, c’est s’offrir un peu de cette Histoire et, plus modestement, adopter ce chic français que le monde entier nous envie…
Daniel Bô, PDG de QualiQuanti et auteur des sites brandcontent.fr
et Odilon Cabat, sémiologue.
Pour recevoir les livres blancs de QualiQuanti sur la brand culture, inscrivez-vous via ce lien.