11 juillet 2012

Temps de lecture : 6 min

Musique et marques: « Vive le Marketing Culturel ! »

Bientôt dans les " bacs" un ouvrage sur la musique et les marques qui invite le lecteur à rentrer dans les coulisses d’une maison de disque et d’une agence de pub. Mise en lumière avec son auteur, Alexandre Sap, le précurseur de la "réintroduction intelligente" de la musique dans la publicité, avant sa sortie « On Air » prévue pour la rentrée…

Du rock et des marques (musique, pub et passion). Tel est le nom du premier ouvrage bientôt disponible de celui qui  murmurait aux oreilles des marques que les artistes musicaux devaient être respectés et inversement.

A seulement 38 ans, Alexandre Sap est déjà passé au grade de Pygmalion dans le business musical. Après avoir eu sa maison de disque indépendante baptisée Recall puis fondé l’agence The:Hours, le revoilà début 2012 à la tête d’une nouvelle entité originale nommée Forwar:d. Localisé à Paris et New-York, son nouveau bébé est un réseau spécialisé dans le marketing culturel.

Un marketing culturel qui est la base de son livre, de ses idées et du respect qu’il recherche dans chacune de ses opérations envers l’artiste et le consommateur. Une idéologie qu’il image bien au travers de son concept Trinity (passion + relation + émotion = Love)  révélant les actifs immatériels et émotionnels des marques par la passion. Un potentiel qui, une fois rassemblé, rend la marque selon lui « incomparable ». Trinity qui représente aussi comme il le dit : « l’épine dorsale » de son 1er livre. Un opus écrit par un passionné de la pub et de la musique et qui a réussi à harmoniser deux univers diamétralement opposés. Au final le genre d’écrit qui doit bien s’écouter…

D’ailleurs on vous propose aussi d’écouter « passionnément » ses pensées ci-dessous :

+ Votre ouvrage  » Du rock et des marques » s’apparente à de la com’, une thérapie, le partage d’une passion ou la défense de la Renaissance italienne ?

Il s’apparente très clairement à une sorte de thérapie ou de remise en question sur la création de valeur dans nos métiers. C’est un essai qui tente de redonner du courage et de l’espoir à la communauté créative et aux passeurs, que ce soient les marques qui veulent se réinventer en appliquant un marketing moderne (celui de l’âme et de la passion face à celui de la raison), ou les Artistes et créatifs, ceux qui font les choses en prenant des risques. C’est un livre que j’ai écrit pour moi, pour mes clients, pour les artistes, pour leur dire que rien n’est perdu et, à l’image de la Renaissance Italienne, qu’après le chaos et les moments de trouble viennent l’harmonie et l’avènement d’une nouvelle ère pour la pensée moderne et une explosion artistique sans précédent..

Ce livre retrace l’histoire d’un petit producteur indépendant bercé par les « happy days » des années 80. J’avais 7 ans quand j’ai regardé « Thriller » de Michael Jackson sur ce nouveau format : le compact disc. Georges Lucas venait de révolutionner le cinéma avec son épopée « Star Wars ». Puis à 10 ans, j’ai découvert dans les salles obscures le premier film de « brand content » réalisé par Ridley Scott prônant les valeurs d’un certain Macintosh.

Révolutionnaire, on ne parlait plus de produit mais de ses valeurs. Je venais d’acheter mon ZX81, le minitel faisait son apparition, le cosmos de New York rassemblait sa dream team, Warhol régnait en maitre sur sa Factory, Alain Dominique Perrin lançait la Fondation Cartier pour l’art contemporain. C’était ce que j’appelle les années avant-garde où tout n’était que commandé par l’art, la culture et la passion.

J’ai dirigé une maison de disque à la période où il ne restait que les miettes du festin d’une industrie ravagée par ce que les grands patrons du disque appelaient le « chaos digital ». J’y ai vu une nouvelle Renaissance et partais à New York pour y apprendre ses usages. J’y ai rencontré David Jones qui nous a lancé dans la publicité avec The Hours. Trois ans après, mes associés et moi ressentions le besoin de quitter Havas pour nous réinventer, nous faire peur de nouveau, marcher sans filets et nous  lancer dans ce qu’on a baptisé le « marketing culturel ».

C’est l’un des nouveaux visages du marketing. Nous devions donner un sens à un métier qui s’invente et qui va prendre une place de plus en plus centrale dans la réflexion stratégique des marques. J’avais besoin d’écrire un livre pour ca. Un moyen de me recentrer, de faire le tri sur ce qui marche et ne marche pas dans nos industries et faire partager nos secrets de fabrication. Une des citations qui ont construit mon raisonnement vient de JG Ballard. Il dit « abandonne toi à une logique qui dépasse celle de la raison ». Dans mon ouvrage, je propose aux marques de prendre des risques dans leur mode de communication en les associant aux Artistes et lançant leurs produits comme on lance des produits culturels, en leur expliquant que contrôlés et activés par des experts, ces risques peuvent devenir une valeur refuge et surtout vont permettre aux marques de révéler leurs actifs immatériels grâce à leur passions ou aux valeurs qui les animent.

+ Vous décrivez les artistes comme des codes-barres sous constante surveillance des majors. Ce rapport, uniquement basé sur la rentabilité, peut-il évoluer ?

Le rapport est déjà en train d’évoluer. Les talents s’affranchissent de plus en plus des majors qui mutent en fonds d’investissement et accompagnent le développement d’artistes et leurs micro-labels. Elles s’apparentent alors à des agences de publicité nouvelle génération qui lancent des contenus culturels. Elles ont toujours leur place, mais je pense que la création ne passera plus vraiment par les majors.

Les artistes, en forme de résistance se sont équipés, ils produisent eux-même, gèrent leurs site de réseaux sociaux et produisent leurs concerts eux même. Les maisons de disque arrivent dans un second temps pour amplifier le mouvement. Elles n’initient plus la création comme pouvaient le faire les pères fondateurs de l’industrie qui installaient leurs bureaux autour de leurs studios d’enregistrement.

+ On parle beaucoup d’une création en berne et d’un manque flagrant de moyens financiers dans la création musicale. Les marques peuvent-elles changer la donne ?

La création est en berne, souvent mise en cause par un système trop concentré. Il n’y a plus de petites maisons de disques, la fusion des majors puis leur rapport avec les médias a lissé la création vers le bas. On demande aux artistes d’être rentables sur un premier album, sinon leur avenir dans la maison reste plus qu’incertain. Les maisons de disques sont elles-même prisonnières d’un format et dépendantes de médias qui jouent eux-même le petit jeu dangereux de la concentration. Les Entrées en Playlist de radios commerciales sont de plus en plus réduites alors que l’augmentation des rotations des titres grimpe en flèche, ce qui engage forcement la réduction de la diversité. La création n’a plus accès aux médias.

Dans ce sens la donne a changé, car le format, les modes de consommation ont évolué et malheureusement le niveau créatif a radicalement chuté. Savons-nous encore créer des genres musicaux comme le jazz des années 50, le rock des années 60, la disco des années 70 et la pop et le rap des années 80 ? Nous ne voyons hélas plus de carrières à long terme se dessiner. Le dernier, Jay Z, s’est vu refuser tout contrat en maison de disque. Il a du s’autoproduire ce qui a fait de lui un homme riche et complètement indépendant du système. Il a réinventé son environnement et les principes économiques de l’industrie en s’associant aux géants des concerts Live Nation.

C’est là que les marques peuvent devenir un acteur culturel prépondérant. Il y a un lien lucratif (et pas assez souvent créatif) entre les artistes et les marques, mais c’est un rapprochement inévitable qui a totalement redistribué les cartes de la musique pour le meilleur, et pour le pire quand les artistes sont mal conseillés ou que les marques font les mauvais choix. J’explique dans mon livre que les marques doivent réorganiser leur département marketing et y intégrer des experts à tous les étages. Des gens qui comprennent le langage de la création artistique et qui deviennent acteur à part entière de la communauté créative.

Pour revenir à Alain-Dominique Perrin, quand il a lancé la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, il disait que le futur de la communication passerait par l’alliance entre le monde des artistes et celui des marques, à l’image de la Renaissance italienne où les grand marchands, les princes et les papes glorifiaient leur pouvoir politique par la création, faisant émerger Leonard De Vinci, Michel-Ange, Erasme ou Copernic. Les marques sont les nouvelles familles, princes et commerçants. Elles peuvent s’exprimer sur des territoires qu’elles n’avaient jamais explorés, rencontrer leur public, partager leurs rêves et leurs espérances.

Communiquer sur sa passion c’est exprimer sa différence, faire des ses actifs révélés un relais de croissance et créer de l’amour en activant la mémoire émotionnelle de ses clients. Nous travaillons tous les jours à inventer de belles histoires. Les artistes sont de formidables conteurs, le pouvoir des sens est la meilleure arme pour exprimer leur art. Une marque qui s’attache les services d’un artiste en phase avec ses valeurs gagne toujours sur le terrain de la séduction auprès de ses clients. Elle se construit des actifs immatériels solides et renforce l’image de la marque.

Je suis convaincu que le partage de la passion, soutenu par une connaissance aiguisée des réseaux sociaux et des relations publiques, sera un élément clé du succès des marques. Le mécénat traditionnel a passé son temps, vive le marketing Culturel.

Propos recueillis par Gaël Clouzard

* « Du Rock et des Marques » à paraitre le 27 septembre 2012 aux Éditions Maxima Laurent du Mesnil16. Il est préfacé par Jacques Séguéla et la Postface est signée de Philippe Lentschener.

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