Provocant, dérangeant, troublant ? Ce qui choquait hier (la nudité, le porno-chic à la «Tom Ford»…) ne choque plus aujourd’hui.
Dorénavant on voit apparaître des communications qui investissent de nouveaux champs émotionnels. Nouveaux créateurs, nouveaux consommateurs, nouvelles égéries, nouveaux formats digitaux…Aujourd’hui, une disruption qui fait bouger les lignes d’une certaine idée du luxe : choc inter-générationnel, multi-culturel et pluri-communautaire…
Mode passagère ou effet de crise « inévitable » dans la communication de luxe, la « LuxDisruption » s’annonce-t-elle comme un levier efficace pour bousculer les codes peut-être « trop lisses » du secteur ? A quelle cible s’adresse cette disruption ? Quelles en sont ses limites ? Et au delà du buzz et de la conversation qu’elle génère, fait-elle vendre ?
Ci-dessus, une compilation d’exemples 2012 pour illustrer cette tendance. Des campagnes remarquées ou plus confidentielles, le luxe qui traditionnellement se définit comme égo-centré, émotionnel, élitiste, aspirationnel, devient transféré, pulsionnel, social et introspectif :
1. Vers un luxe «transféré» : qui inverse les codes de conduite ou valeurs traditionnelles, transférées sur le consommateur. Quand la consommatrice conventionnelle s’allonge sur le divan, la situation est ironisée pour créer de la connivence auprès d’une nouvelle génération « YouTube » attirée par la transgression de luxe. L’humour et l’auto-dérision sont de nouveaux leviers pour séduire les non-initiés génération Youtube. La pub se fait court-métrage insolent.
2. Un luxe «pulsionnel» et transgressif : qui réveille les désirs de luxe refoulés du consommateur. Du Shockvertising pour séduire une cible serial-shopper impatiente et sans retenue ? Ce qui se passe sous nos vêtements ou dans notre inconscient profond semble davantage choquer aujourd’hui que la nudité affichée des mannequins héritée du porno-chic. L’exemple de la camapagne du célèbre grand magasin Harvey Nichols « Try to contain your excitement » a fait scandale outre-Manche mais a positionné l’enseigne comme plus « culottée » que son concurrent Harrod’s. Pas de disruption sans prise de risque ?
3. Un luxe social et communautaire : qui n’est plus égo-centré avec une nouvelle volonté de trouver ses aspirations dans le baromètre sociétal. Contrairement au psychanalyste de chez Prada Therapy, Lanvin écoute les déboires de gens normaux lors de séances photos signées Steven Meisel, ayant pour toile de fond un environnement codifié Lanvin. Film décalé en stop motion pour les « digital natives » et visuels quasi-conventionnels pour la presse et l’affichage. On est dans l’ère du Lanvin Post H&M.
4. Un luxe «introspectif» : valorisation de «l’extimité» de marque qui révèle de nouvelles émotions (par opposition à intimité et/ou le non dit). Le désir de communiquer sur son monde intérieur et d’interroger le consommateur sur ses propres questions existentielles. Le classique N°5 utilise pour la première fois une égérie masculine, Brad Pitt, renversant le processus d’identification traditionnel pour la femme chanel n°5 : un film sentimental en noir et blanc « new modesty » qui ouvre un nouveau champ émotionnel transféré sur la consommatrice… décodage différent, revu et corrigé par la génération C « Camescope-Copié-Collé »
La table ronde…
Quatre intervenants ont livré leur vision du luxe lors de la table ronde organisée par FigaroMedias autour du Luxshocking et ont tenté de répondre aux questions évoquées. Mais pourquoi la disruption dans le luxe perce t-elle si fort depuis peu ? Est-ce lié à la période de crise que nous traversons ?
Pour Jean-Claude Kauffman, sociologue, «non, la notion de rupture dans le milieu du luxe remonte à bien plus loin. C’est une mutation profonde. Le luxe classique évolue vers l’art d’avant-garde. Se distinguer, c’est savoir trouver l’image nouvelle, que le regard cultivé saura comprendre. Finalement, ce qui était stable, reconnaissable, répétitif devient mouvant. Tout ce qui va être en rupture nous fait découvrir un univers nouveau, et nous fait donc vivre de nouvelles émotions». Et le parfumeur Francis Kurkdjian, (voir son interview dans la Revue INfluencia N°2 sur le luxe) , d’ajouter « et le luxe ce n’est que ça, de l’émotion ! ».
Mais il n’est pas nécessaire que le luxe soit provocateur à tout prix. « Il ne faut pas faire différent pour faire différent , souligne Francis Kurkdjian, il faut surtout veiller à raconter une histoire. On ne casse pas les codes pour le plaisir ! Cela doit rester cohérent, fluide avec l’histoire de la marque. Il est indispensable de rester en ligne avec sa philosophie ».
L’un des principaux enseignements de cette matinée dédiée au luxe est qu’il ne faut pas faire table rase de la marque, mais la nourrir par la création. La disruption ce n’est pas la provocation, mais une vision qui fait grandir une marque. La rupture permet d’ouvrir un nouvel univers, sans forcément passer par une transgression.
C’est aller plus loin, projeter sa marque, créer l’électro-choc tout en enrichissant son univers et en renforçant son ADN de marque.
Participaient également au débat Christian Radmilovitch, consultant en luxe digital et Isabelle Musnik, directrice de la rédaction d’INfluencia avec Guillaume Crouzet, rédacteur en chef Art de vivre / Tourisme du Figaro Magazine, animateur de la conférence.
Stéphane Galienni
@buzz2luxe.com
Découvrez ci-dessous la veille prospective réalisée par Balistik#Art pour l’occasion :