Le mythe de l’homme d’airain.
L’homme d’airain est précisément celui qui sait résister à tout. Comme le métal du même nom. Ce fut un des premiers mythes traité par le jeune sculpteur Rodin. « L’âge d’Airain » est, en effet, sa première statue importante. Le sculpteur lui donna aussi le nom de « L’homme qui s’éveille » ou « Le vaincu » car le mythe est ambigüe.
Il ne suffit pas de construire en airain, cet alliage extrêmement solide fait de bronze, d’argent et d’or pour paraître fort et pour l’être. La statue de Rodin, représentant un jeune homme, est loin, malgré son nom, d’imposer la dureté et la force.
Maître de soi est une chose. Elle est l’apanage du sage qui sait se contrôler. Maître chez soi en est une autre.
Charbonnier, maître chez soi.
On connait cette légende du roi François 1er perdu en forêt qui trouve asile pour la nuit chez un pauvre charbonnier. Celui-ci ne connaissant pas le statut de son hôte, remet à sa place le souverain au sens propre et figuré, sous prétexte « d’être maître chez soi ». Le roi ne lui en voulut pas et selon l’anecdote le récompensa même pour cette belle leçon de « gouvernance » de sa maison.
Le président est visiblement maître de soi mais, dans le contexte d’un pouvoir démocratique et bavard, pas tout à fait maître chez soi. Dès les premiers jours de sa nomination, le malheureux twitt de jalousie de Valérie donnait le ton, puis semaines après semaines les nouveaux « couacs » entre ministres.
Les Français ont une bonne mémoire des fables de La Fontaine (qui leur tint souvent de cours de morale tant recherchée par nos divers ministres de l’éducation nationale). Et en particulier de celle là :
« Le lion devenu vieux »
Le Lion, terreur des forêts, Chargé d’ans et pleurant son antique prouesse, Fut enfin attaqué par ses propres sujets, Devenus forts par sa faiblesse.
Les gens, c’est-à-dire vous et moi, comprenons que la situation n’est pas facile ; qu’il faudra du temps. Mais ils ne peuvent pas comprendre -car ils ont souvent appris par cœur La Fontaine- qu’on ne soit pas maître chez soi, qu’on se laisse berner « comme un bleu » quand on est au sommet.
« Je suis maître de moi comme de l’univers » (Cinna de Corneille)
Car dans les « classiques » que les petits Français ont appris à l’école, avec La Fontaine, il y a également Corneille dont ils connaissent quelques vers par cœur.
Dans ce beau vers de sa pièce Cinna, le poète nous montre un empereur vainqueur de ses passions car il domine déjà le monde. Surpuissant, l’empereur peut se révéler magnanime.
Le précédent président de la république avait développé un archétype inverse : maître chez lui et imposant le silence, il ne semblait pas du tout maître de soi, se répandant de colères en colères.
Affirmer sa force morale ne peut se vivre qu’en imposant un certain respect. Et inversement. Sinon, on risque de tomber dans le grotesque du pouvoir décrit par Charlie Chaplin entre « Le dictateur » et le personnage originel de Charlot, « Charlot est content de lui » (titre de son premier film). C’est pourquoi, le prénom « Charlot » restera comme l’archétype du « type qu’on ne prend pas au sérieux ».
Les archétypes ont la vie dure comme les fables de La Fontaine ou les vers de Corneille. Contrairement à une idée reçue, les Français ont beaucoup de culture…
Georges Lewi / @LewiGeorges
Mythologue, spécialiste des marques.
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