19 mai 2013

Temps de lecture : 3 min

Beckham n’est pas une marque

Que David Beckham monnaie admirablement son talent de joueur exceptionnel, son image de beau gosse et ses contrats publicitaires est la preuve de son sens des affaires. Mérite-t-il pour autant le statut de marque ? Stop à la surenchère verbale !

Les chiffres sur le business généré par David Beckham pleuvent par millions depuis l’annonce de sa retraite des stades. Et la confusion bat son plein. C’est à qui trouvera l’hyperbole la plus excessive :  » marque Beckham « ,  » marketing Beckham « ,  » buzz intersidéral » etc. Ce bruit ne prouve rien : pour créer une marque, il faut d’abord être créateur. Ce que David Beckham n’a pas encore démontré.

Pour s’en persuader, on peut comparer la soi-disant marque Beckham avec la façon dont Lacoste est devenue une marque mondiale depuis 80 ans. Au-delà de son palmarès de champion de tennis des années 1920, René Lacoste est à l’origine de la machine à lancer des balles, la raquette métallique, la pastille anti-vibration et la célèbre chemise L 12 12. Le piqué de coton de la chemise constitua une innovation textile qui promettait résistance, confort et élégance. Cet article avait été conçu pour les joueurs de tennis et arborait, pour la première fois dans la catégorie des articles de sport, un logo. Très vite les golfeurs adoptèrent le produit. Puis la marque entra dans l’ère de la license, alternant périodes de flottement et succès internationaux. De ses origines la marque Lacoste a conservé une vision de ce que doit être le chic et une dynamique qui constitue sa différence : la mode Lacoste se bat contre la mode people, stéréotypée, mondialisée, portée par des mannequins. Lacoste, en tant que marque, c’est d’abord une idée et une innovation.

De son côté, David Beckham a-t-il participé à la conception d’un nouveau concept de chaussure de foot, de short, de maillot, de ballon ? A celle d’un nouveau matériau ? Il a fait écrire les prénoms de ses enfants sur ses chaussures, fait décorer ses Adidas avec des couleurs fun, et un modèle vendu dans le commerce porte son nom. Traditionnel cobranding d’image qui génère d’importants revenus pour la star et pour sa marque sponsor. Mais la Predator Beckham n’a pas le potentiel d’un produit iconique. Il lui manque une rupture et une  » story « , à la différence de la Air Jordan. Rupture, car Nike introduisit pour la première fois de la couleur (noir et rouge) dans les chaussures de basket, alors que le règlement imposait des chaussures blanches. Cette nouveauté valut à Jordan une série d’amendes : l’idée de la chaussure rebelle, associée à Magic Jordan, à la Dream Team et à l’identité afro-américaine, était née. Nike pouvait alors construire un storytelling et fabriquer un univers où produit et narration se mélangent. Depuis, Air Jordan fait partie du portefeuille de marques de Nike, avec son logo propre, Jumpman, en souvenir de l’homme qui volait dans les airs.

David Beckham est-il le créateur d’une entreprise innovante qui profiterait de la notoriété et de l’image de son auteur ? Pas encore ! Pour réussir sur ce terrain, il faudra que Beckham-joueur devienne Beckham-entrepreneur. Il devra trouver une idée, fondement de toute entreprise et de toute marque. Car aujourd’hui, si on pose la question  » c’est quoi l’idée Beckham ? « , il n’y a pas de réponse. Faire du business, faire la promotion du Championnat chinois, gérer les droits de son image, tout cela est lucratif. Mais pour devenir une vraie marque il faut avoir une idée. Une idée qui change la vie et la façon de voir les choses.

Pour entreprendre, David devra avoir faim, non pas de notoriété ni de fortune puisqu’il les a déjà, mais de reconnaissance en tant que chef d’entreprise. Peu de sportifs réussissent ce type de conversion, car les compétences et les attitudes entre les deux univers sont très différentes, même s’ils ont quelques points communs (effort, compétition, performance…). Pour René Lacoste, jouer signifiait se donner à fond pour gagner (le  » crocodile « ) et avoir de l’élégance. Cette hybridation anime depuis toujours la marque Lacoste. De quel mélange détonnant Beckham est-il porteur ? Pour l’instant, on ne sait pas.

En tant qu’ex-star du ballon rond David Beckham est une superbe image qui fait vendre. La marque Beckham existera le jour où son nom s’incarnera dans un business qui survivra au joueur exceptionnel que fut David.

Pierre-Louis Desprez
Associé Kaos Consulting
Co-auteur de La Marque (Vuibert 2013)

David Beckham et H&M

Et Samsung

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