22 août 2013

Temps de lecture : 3 min

La lecture sans pages

Ceux qui commenceront à lire leurs premiers livres d'ici quelques années auront entre les mains des objets connectés, à Internet, aux autres lecteurs ou à d'autres contenus, ubiquitaires et indépendants d'un seul support...

Ceux qui commenceront à lire leurs premiers livres d’ici quelques années auront entre les mains des objets connectés, à Internet, aux autres lecteurs ou à d’autres contenus, ubiquitaires et indépendants d’un seul support…

Adieu les bons vieux livres papier. Demain nos grimoires seront interactifs. À la fois parce qu’ils permettront une gamme d’interactions plus vaste mais aussi parce qu’ils pourront interagir avec leur environnement, réagir au contexte, dialoguer avec d’autres dispositifs et applications et être lus de manière linéaire ou pas selon l’envie du lecteur.

LA MUTATION DU LIVRE…

Le livre tel qu’on le connaît change profondément et il modifie ou est modifié par nos pratiques de lecture qui, loin de disparaître (pensez à combien de mots vous avez lus cette semaine sur votre écran) changent qualitativement. Pour utiliser une métaphore de Rachel Hinman, senior designer et chercheuse chez Nokia, «la lecture aujourd’hui ressemble de plus en plus à du snorkeling, caractérisé par des courtes immersions répétées à la maison, dans les transports, au bureau, qu’à des plongées profondes et limitées à certains moments de la journée.»

Ce changement se manifeste aussi par la modification des supports et des modes d’interaction avec l’objet livre et son environnement.Nous avons aujourd’hui une situation proche de celle de la bataille des navigateurs web dans les années 90 : chaque fabriquant conçoit son dispositif avec des astuces ergonomiques propres qui demandent d’apprendre un schéma d’interaction dédié. Si pour le papier la différence se jouait surtout au niveau graphique (ce numéro d’INfluencia se distingue de ses concurrents par son choix de polices, des images et autres codes graphiques) aujourd’hui l’ergonomie devient une partie intégrante de l’expérience de marque: vous ne feuilletez pas un livre sur iPad d’une appli à l’autre, d’un éditeur à l’autre, comme vous le faites sur Kindle ou une autre liseuse.

LA PAGE VA-T-ELLE DISPARAÎTRE ?

Certains gestes continuent d’exister: un livre est toujours feuilleté, ses pages peuvent être annotées, son sommaire consulté pour avoir accès aux contenus de manière non-linéaire, mais ces gestes ne sont pas réalisés de la même manière. Le changement le plus important est sans doute la disparition de la page: le déplacement des contenus s’effectue sur une surface potentiellement infinie parfois dans le sens de la profondeur (feuilletage par zoom comme dans Glo Bible), en faisant défiler des cartes (Citia) ou en projetant sur une scène des contenus multimédias (Wonders of the Univers).

Le défi principal est d’arriver à transporter le lecteur dans un univers de contenus sans le perdre. Car même dans un monde sans pages, garder le fil de la lecture reste important car la compréhension et la mémorisation passent toujours par la capacité à relier des éléments ponctuels à un contexte plus large.

Dans les cas les plus réussis, les interfaces instaurent des habitudes cohérentes qui accompagnent la compréhension du lecteur: on feuillette de la gauche vers la droite pour changer de section, on fait défiler du haut vers le bas un article et on clique pour plonger dans une galerie photo (ex. New York Times ou la nouvelle version Journal Tactile du Monde).

LE LIVRE DE DEMAIN SERA SOCIAL…

Des nouvelles fonctionnalités optimisent des pratiques déjà existantes sur papier. Vous ne savez pas brouiller des oeufs ? Fini la téléassistance: les livres de cuisine intègrent des tutoriels vidéos. Vous n’avez jamais pu lire Tolstoï car vous oubliez systématiquement les noms des personnages ? Il suffit de cliquer sur un nom pour avoir un rappel (the Atavist). La littérature est un voyage ? Vous pouvez naviguer une carte pour accéder à des récits géolocalisés (Viaggio in Calabria). 

Le web change aussi et se rapproche du livre avec des contenus provenant des réseaux sociaux qui sont consultés comme des papiers (FlipBoard) ou des sites web mis en page comme des magazines papiers (The Great Discontent). On dirait que les deux mondes se sont enfin compris et inventent de nouveaux formats.

Parmi les évolutions qui pourraient changer les usages, la diffusion du livre social est sans doute une des plus intéressantes, avec des innovations moins anecdotiques que le partage des extrait sur Twitter ou Facebook comme la généralisation du partage des notes (Readmill) avec des formats de fichiers qui permettent de partager ses annotations entre différents lecteurs et dispositifs. L’expérience de découverte et d’achat restent aussi largement à designer avec des plates-formes dédiées à des niches de lecteurs: à quand une boutique de polars qui permettra de choisir un roman en fonction du lieu du crime ? Si les librairies ferment, l’étagère numérique intelligente reste à inventer.

Dans le futur de l’édition, on appellera auteur un compositeur de contenus dont le rôle sera de présenter des expériences de lecture pertinentes. Un livre sera un objet capable d’interagir avec son environnement et son lecteur et dont le papier sera la version plus ou moins appauvri d’un contenu riche par défaut

Claudio Vandi

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