Pour ceux qui doivent faire tenir le cap au navire, fabriquer de l’optimisme responsable et entretenir les acteurs dans l’espérance de lendemains meilleurs demeure au cœur de tout processus de mobilisation collective.
Oui, l’optimisme du leader représente pour toute organisation humaine un vrai capital d’enthousiasme, de motivation et d’énergie ; un capital à protéger certes, mais aussi à faire fructifier. Ce que l’on recherche en période de changement, ce sont non seulement des hommes et des femmes optimistes par tempérament, mais surtout des hommes et des femmes capables d’instaurer avec les autres un mode de relation orienté sur une dynamique optimiste et positive. Le savoir-être rejoint ici le savoir-faire, à travers la mise en application de principes de comportements générateurs d’inspiration, d’énergie et d’enthousiasme.
La situation politique, économique et sociale actuelle génère beaucoup d’anxiété dans la vie d’un grand nombre de personnes. Accélération du monde et changements divers, perte des repères anciens et de la visibilité sur le futur, crainte de l’obsolescence des compétences et de la disqualification professionnelle, peur de l’imprévisible sous toutes ses formes, tels sont les ingrédients du doute et de la perte de confiance en soi et en la société, terrain d’élection du pessimisme collectif.
Face à cela, insérés dans un monde qui exige d’eux toujours plus de performance, qu’attendons-nous de ceux qui nous dirigent ? Sans doute trois choses assez simples en fait, mais dont le point commun sera toujours de nourrir la dynamique optimiste, que ce soit celle des individus ou des équipes.
Trois attentes vis-à-vis de nos dirigeants
1 – En période d’incertitude, la première attente des acteurs sociaux concerne probablement la fourniture régulière par leurs dirigeants de preuves de sens, à savoir une émulsion subtile mêlant le rappel de la direction du changement (objectif, but, ligne de mire), l’utilité de ce qui leur est demandé (contribution) et la place occupée par eux, en tant que personnes, dans ce processus (reconnaissance).
2 – La deuxième attente est aussi celle de marques de réassurance, que cette dernière porte sur la compétence du dirigeant lui-même ou sur la confiance qu’il ou elle met dans sa propre action et celle de ses troupes ainsi que dans leur capacité à affronter les ruptures et remises en question du moment.
3 – La troisième attente enfin, est celle d’un climat réellement adapté aux périodes de mutation et de réforme, climat que l’on pourrait qualifier d’optimisme convivial et tonique. Face aux tensions nées des enjeux du changement et d’une conjoncture souvent marquée par la raréfaction des moyens et des ressources (financières, matérielles, humaines…), l’atmosphère entretenue par le dirigeant doit en effet permettre à son équipe d’affronter les difficultés sans risquer le doute ou le désespoir.
À quoi reconnaît-on un dirigeant optimiste ?
Tout d’abord au fait que c’est… un dirigeant comme les autres, c’est-à-dire un responsable qui tente d’atteindre des objectifs – politiques, économiques, sportifs, entrepreneuriaux – à travers la mobilisation d’autres personnes. Le dirigeant optimiste, comme tout dirigeant, doit donc faire réussir une collectivité humaine, c’est-à-dire aider ses membres à atteindre les objectifs fixés, les rendre plus autonomes et leur permettre, à terme, d’évoluer dans un monde renouvelé et enrichi par leur action.
Ce n’est donc pas sur la finalité de son action que le dirigeant optimiste va faire la différence mais sur ses principes et méthodes d’action. On peut globalement reconnaître un dirigeant optimiste à travers quatre attitudes fondamentales.
Quatre comportements fondamentaux
1 – Le dirigeant optimiste concentre l’essentiel de son action sur les forces, c’est-à-dire sur les qualités des structures et des personnes ainsi que sur leur potentiel d’évolution et de changement. Pour un dirigeant positif, les hommes et les femmes qui l’entourent disposent de deux types de ressources d’action face au changement : des points forts à cultiver et renforcer et éventuellement des points d’efforts, sur lesquels existe une marge de manœuvre et où il est possible de s’améliorer et de progresser. Concernant les points faibles, à savoir les gros défauts, les carences structurelles, etc. ils sont une réalité objective mais ne peuvent être utilisés durablement pour produire une performance, qu’elle soit industrielle, sportive, sociétale ou autre. On ne peut donc que les ignorer, « faire avec » voire les neutraliser en les compensant, par exemple à travers un développement extrême de certains autres points forts.
2 – Le dirigeant optimiste sait privilégier les solutions efficaces, même partielles et temporaires. Les grands pessimistes, en particulier lorsqu’ils sont au sommet, aiment à se nourrir de l’analyse méticuleuse des causes des échecs et des raisons de la défaite. Ce faisant, ils produisent presque toujours à terme de la rancœur et des regrets, débouchant immanquablement sur la justification et la recherche de coupables. Les dirigeants pessimistes apprécient aussi de mettre à l’épreuve le perfectionnisme qui les habite, à travers la recherche – souvent vaine – de solutions idéales, en tous points parfaites, et qui règleraient en une seule fois la totalité des problèmes. Ils en finissent même par admettre, plus ou moins ouvertement, l’impossibilité de tout changement ou de toute réforme.
Le dirigeant optimiste quant à lui, voit les choses différemment. Savoir « pourquoi » on en est arrivé là, surtout en cas de difficulté majeure, est certes intéressant ; mais la recherche des causes – surtout dans le cadre de situations complexes – constitue souvent une perte de temps. Confronté au « pourquoi » du pessimiste, le dirigeant optimiste privilégie toujours dans un premier temps le « comment faire pour », c’est-à-dire la recherche immédiate de voies alternatives ou d’opportunités nouvelles nées de la difficulté rencontrée. Les grands leaders optimistes n’ont pas besoin de connaître l’origine ou le responsable de l’obstacle dressé devant eux et leurs troupes pour commencer à explorer des chemins destinés à le contourner.
3 – Le dirigeant optimiste traque les « petites victoires ». Chacun aime à être félicité après avoir gagné. Mais chaque jour étant un nouveau jour, ce n’est pas parce que l’on est félicité aujourd’hui que l’on sera davantage motivé demain, ni que l’on gagnera à coup sûr. En revanche, c’est bien le fait d’être encouragé pendant qu’on est en train de faire un effort, d’apporter sa pierre au défi collectif, qui contribue à entretenir notre confiance en nous-mêmes, notre désir de poursuivre l’effort et notre optimisme quant à la réussite à venir.
Le dirigeant optimiste garde certes l’œil rivé sur la ligne de mire du changement à atteindre. Mais pour autant, il ne perd jamais une occasion de célébrer avec ses troupes une victoire d’étape, un match remporté, un obstacle franchi avec brio, un effort qui a payé, une avancée technique ou un nouveau contrat. Bref, le dirigeant optimiste aime prendre ceux qu’il conduit en « flagrant délit de réussite », aussi modeste soit-elle. C’est d’ailleurs dans ces occasions que le dirigeant peut entraîner ses troupes à la pratique du « style optimiste », en analysant avec eux en quoi ce succès est dû à leur action propre, en quoi il illustre des compétences durables possédées par la communauté et en quoi il a vocation à se reproduire dès que possible…
4 – Le dirigeant optimiste pousse à la persévérance et à la prise de risque. « Le succès », disait Winston Churchill, « c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Si les dirigeants pessimistes anticipent et redoutent systématiquement l’échec, que ce soit pour eux ou leurs équipes, les optimistes savent quant à eux que l’échec – aussi désagréable soit-il – fait partie de la vie et qu’il n’est, à ce titre, qu’un ingrédient du succès comme les autres. Peut-être un peu plus amer, et encore…. Etre préparé aux revers de fortune et à l’échec, pour un dirigeant optimiste c’est à la fois savoir ce que l’on fera si les choses tournent mal et se donner par avance le droit de réessayer, de tenter à nouveau sa chance.
Car si l’optimisme est un facteur de réussite si puissant, en particulier dans les périodes de changement, c’est essentiellement parce qu’il crée les conditions individuelles et collectives de la persévérance. Un dirigeant optimiste est donc, dans tous les cas de figures, un dirigeant qui accorde (et s’accorde) le droit à l’erreur, dès lors que cette erreur peut-être analysée et représenter une source d’apprentissage. Un dirigeant optimiste est aussi celui ou celle qui donne à ceux qui l’entourent la permission d’innover, de faire bouger les lignes.
Un dirigeant optimiste est finalement celui dont on pourra dire: « Face aux turbulences annoncées, il nous a donné envie d’essayer, nous a permis de ne pas réussir tout de suite, et nous a poussé à recommencer jusqu’à ce que nous gagnons la partie du changement ! ».
Philippe Gabilliet
Article parue dans la revue INfluencia sur le Changement
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