Les Parisiennes adorent leurs bons plans et leurs surprises. Fany Péchiodat, fondatrice, Amandine Péchiodat, rédactrice en chef et Céline Orjubin, directrice commerciale de My Little Paris décrivent ainsi leur équipe : fouineurs, rapporteurs, insomniaques, capricieux, névrosés… et toqués de nouveautés.
Article paru dans le Hors-Série d’INfluencia sur La Conversation
Vous avez créé une communauté citée partout en exemple. Quels en sont les ressorts ?
Fany Péchiodat : Pour nous, c’est avant tout un succès de ton, par lequel nous avons vraiment créé un lien de confiance. Au début, nous n’écrivions qu’à nos amies, d’où ce ton de meilleure copine, que nous tirons vers le haut, en cherchant parfois à bousculer.
Amandine Péchiodat : C’est un ton qui repose sur la proximité. En fait, les amies de nos amies sont devenues nos amies. Nous nous adressons avant tout à une lectrice parisienne, entre 25 et 35 ans, avec qui nous partageons les mêmes problématiques au quotidien.
FP : Notre mode de recrutement – nous n’avons jamais acheté un seul mot clé sur Google, jamais fait de marketing, jamais acheté de bases, et nous sommes passée de cinquante à un million d’abonnés par bouche à oreille – a beaucoup contribué à inspirer confiance. Chaque nouvel abonné (majoritairement des femmes !) nous rejoint sur le conseil de quelqu’un qu’il connait. My Little Paris ne s’est jamais invité dans la boîte aux lettres de quelqu’un sans qu’il n’ait rien demandé. C’était un choix de départ, cette volonté de grossir de façon organique, et c’est pourquoi il nous fallait des sujets avec une forte viralité, d’où notre vigilance, depuis toujours, à proposer des articles que nos lectrices auront envie de partager. Il ne suffit pas que l’abonnée le lise et se dise : « sympa, cet article », il faut qu’elle ait un truc à raconter à la personne qu’elle va voir juste après. Et nous mettons toujours en avant la possibilité d’abonnement, dans toutes nos actions.
AP : Même dans la fonction de partage, nous essayons de créer une pertinence éditoriale avec l’article. Par exemple, un sujet sur la première terrasse de printemps sera accompagné de : « souffler à un ami l’adresse de votre première terrasse de printemps », pour générer une envie, comme « tiens, oui, je vais lui envoyer et nous irons ensemble ».
Vous avez souvent qualifié votre ligne éditoriale d’émotionnelle.
AP : L’émotionnel pour moi repose vraiment sur l’insight, c’est-à-dire sur la pensée que nous avons, tous, mais que nous ne partageons pas forcément, et que My Little Paris permet de propager. Le dernier article auquel je pense, c’est celui sur cours de théâtre pour les timides. Il avait une valeur émotionnelle parce que beaucoup de timides ne savent pas comment gérer leur attitude en société, mais aucun n’en parlera spontanément. Je pourrais citer aussi ‘’le resto des indécis’’ que nous avons abordé sous l’angle ‘’ moi non plus, je ne sais jamais choisir quand je vais au restaurant ‘’.
FP : Nous partons de nos envies, des choses très intimes, pour ensuite les transformer en adresses, mais, si elles résonnent autant, c’est que nous partons de vrais moments, de nos envies de femmes. Pour moi, la dimension émotionnelle passe aussi par la maquette, puisque tous nos dessins sont faits à la main. C’est pourquoi au début, quand My Little Paris a émergé, tout le monde a souligné la vraie patte humaine, très rare sur le web, trop souvent froid.
Céline Orjubin : C’est cet esprit éditorial qui amènent nos lectrices, quand nous en rencontrons, à nous dire : « mais j’ai l’impression que vous lisez dans mes pensées, que vous savez exactement ce dont j’ai envie et à quel moment ».
Comment échangez-vous avec vos abonnées ? Par quels canaux ?
FP : Nous conversons beaucoup via les réseaux sociaux. C’est Ana, notre community manager, qui s’en occupe sur Facebook, sur Twitter. Et elles nous envoient beaucoup de messages aussi dans notre boîte mail.
CO : Et nous organisons des panels. Trois niveaux d’interaction, donc : niveau un, la rencontre dans la rue, par hasard, deux, les réseaux sociaux et trois, les panels.
De quoi vous parlent-elles ?
Ana Webanck : C’est surtout nous qui leur parlons, mais d’une autre façon que sur la newsletter. Sur les réseaux sociaux, nous leur proposons un contenu un peu différent, nous relayons très peu nos articles sur Facebook, et accentuons toujours sur le côté émotionnel. Nous choisissions des sujets en lien avec l’actualité, avec nos envies, et les exprimons soit par une petite phrase, soit par un petit dessin de Kanako, mais sans aller jusqu’à reproduire l’article en entier.
FP : C’est parfois simple et gratuit : dernièrement, nous avons posté une photo de la vue depuis nos bureaux, avec une question : et vous, que voyez-vous ? Alors, trois cents filles nous ont répondu avec la photo de ce qu’elles aperçoivent par la fenêtre au moment T.
Comment utilisez-vous les feedbacks ?
FP : Nous sommes à l’affut en permanence, nous devons surprendre tous les jours, c’est vraiment dans l’ADN de My Little. Chaque newsletter doit surprendre, chaque box doit surprendre. Il faut se réinventer tout le temps, donc chaque feedback est très vite transformé en solution, en proposition de sujet.
Aujourd’hui, un million d’abonnés. Peut-on encore parler de communauté ?
FP : Bien sûr. Pour nous, à partir du moment où il y a toujours l’intimité dans nos textes. Tout est dans l’exécution : notre volonté, c’est nous adresser à un million de femmes comme si nous leur écrivions à chacune une par une. Et, de fait, chacune a l’impression que le texte a été écrit pour elle.
CO : La communauté passe aussi par les rencontres physiques. Nous sommes rarement un million aux événements My Little ! A chaque fois, par exemple lors des projections cinéma avec Piper, nous sentons que la communauté existe, ce sont des personnes qui ne se connaissent absolument pas, qui vont davantage se parler qu’à toute autre projection de cinéma, parce qu’elles font partie de la même communauté.
Vous avez initié d’autres communautés thématiques : My Little Kids, My Little Wedding, Merci Alfred, et le bookclub.
FP : Nous fonctionnons beaucoup au gré de nos envies. La question n’est pas « qu’est-ce qui va le mieux marcher ? » mais « de quoi avons-nous envie ? ». Le bookclub, c’était une idée d’Amandine, elle adore lire. De plus en plus d’hommes nous disaient « je trouverais intéressant de décliner vos bons plans pour nous » donc Merci Alfred est né.
CO : Nous écoutons nos envies, et aussi nos lectrices. Beaucoup nous interpelaient dans le courrier sur le thème « My Little, j’adore, mais maintenant je suis maman et les adresses dont vous parlez, je ne peux plus y aller avec mes enfants ». Finalement, nous en avons parlé en comité éditorial et l’idée de Kids est née.
Quelles sont les différences de tons dans les communautés ?
CO : Merci Alfred adopte un ton beaucoup plus décalé, plus gouailleur, et les hommes ne réagissent pas aux mêmes sujets. Un plan qui a cartonné – plus de 300 000 vues en quelques heures – c’est le Paris déchiffré, une infographie avec les dix chiffres clés de Paris (la ligne de métro la plus longue de Paris, la plus rapide, le café le plus cher de Paris, la bière la moins chère, etc.). Nous n’avons jamais tenté ce genre d’informations chez My Little, ou, en tous cas, pas de cette façon-là.
Les hommes sont-ils aussi actifs que les femmes dans les remontées, dans l’interpellation, dans la suggestion ?
CO : C’est très différent. Nous avons lancé Merci Alfred il y a deux ans. Au début, nous avons constaté que les hommes partageaient beaucoup moins. Etaient-ils fondamentalement moins partageurs ? Non, car à la longue, nous avons compris qu’il fallait d’abord toucher juste, comme le Paris déchiffré. Là, ils ont partagé comme jamais. Nous cherchons…
AP : Merci Alfred, c’est une communauté différente, parce que les hommes partagent plus sur les réseaux sociaux, sur Twitter et Facebook – les femmes, c’est via le vrai bouche à oreille, à la terrasse d’un café – et qu’ils partagent aussi plus volontiers des infos, des news qui les impliquent moins personnellement.
Et My Little Bookclub ? Quelle est la spécificité de votre site sur la lecture ?
AP : C’est parti du constat qu’une ou deux fois, nos bons plans sur My Little Paris étaient consacrés à des livres, comme ‘’douze livres qui font du bien’’. Résultat ? Les ventes sur Amazon décollent. Le livre cité passe directement de la deux cents millième place au top ten en une heure. Donc manifestement un vrai besoin de recommandations existait. Sur le Boookclub, les entrées tournent autour d’une humeur, d’un moment : le livre de votre week-end, le livre spécial insomnie, le livre qui va vous rendre heureux, « à lire dans le télésiège », etc.
En interne, comment faites-vous remonter les idées ?
FP : Nous avons un logiciel de partage d’idées, un peu comme un petit cerveau collectif : dès que l’un de nous a une idée, il doit pouvoir la capturer, prendre une photo ou écrire quelques lignes, et la partager, c’est très important pour nous. Et tous les lundis, nous nous réunissons pour statuer sur chaque idée : on lance ou pas ?
CO : C’est crucial. Tant que nous étions un peu en mode tribal, cinq, six autour d’une table, nous n’avions pas besoin de communiquer, les informations se partageaient automatiquement. Nous sommes cinquante aujourd’hui, donc il fallait un mode plus structuré. Ensuite, nous avons beaucoup des rituels, qui permettent aussi de partager les informations, comme le Friday drink, tous les vendredis soirs, pour échanger sur les informations de la semaine.
FP : Ce qui est génial, c’est que nos clients nous demandent s’ils peuvent nous acheter ce logiciel pour leur société. Parce qu’ils se rendent compte qu’il y a un vrai écosystème créatif chez nous. Il est vrai que beaucoup en sont encore au stade où 1. j’ai une idée, 2. je l’envoie à un collègue, 3. qui la renvoie à un collègue, mais il y a peut-être cinq collègues qui sont passés à la trappe.
Au quotidien, nous travaillons aussi avec un dessin, de Kanako bien sûr, qui met en scène notre stratégie de contenu par canal. Visuellement, c’est une trieuse d’idées. Et c’est vraiment un métier que My Little Paris a inventé. Toutes les informations arrivent de nos dénicheuses, et la trieuse les dispatche : très court et urgent, c’est pour Twitter, du local c’est plutôt pour l’iPhone, etc..
Une fois prise la décision de lancement d’une idée, comment procédez-vous ?
FP : Nous les exécutons très vite. Le résultat va nourrir l’idée, peut-être devrons-nous l’ajuster… Donc, faire des prototypes très vite et tester fait partie du processus de créativité, pour pouvoir soutenir notre rythme d’innovation : un lancement tous les deux mois.
Les box sont une de vos innovations les plus remarquables.
FP : Oui, ça marche très bien, puisque aujourd’hui elles représentent plus de la moitié du chiffre d’affaires. Une petite idée, lancée comme ça fin 2011, au début à des petits volumes, mille exemplaires, et finalement, petite idée qui devient grande idée.
Un joli souvenir de conversation ?
CO : Je ne sais pas si ce sont des conversations à proprement parler, mais une fois par mois nous organisons des creative mornings, des personnes créatives viennent nous parler de ce qui les inspirent. Chaque fois, je trouve que ce sont des petits moments, un peu hors du temps, de conversation idéale telle qu’on aimerait qu’elle se déroule pendant tout le reste de toute la vie.
FP : Nous déjeunons régulièrement avec Jacques, un ami. Il a, à chaque fois, l’art de nous emmener dans d’autres territoires, de rebondir. En fait, une belle conversation est avant tout liée à quelqu’un qui sait tirer le fil.
AP : Pour décrire le souvenir d’une conversation, il faut vraiment décrire chaque étape de la conversation. C’est comme une histoire, si on ne raconte que le résumé, ce n’est pas drôle, ce qui est beau c’est le livre tout entier. Je pensais par exemple à Patricia, c’est une de nos lectrices, qui un jour nous a envoyé un mail pour nous inviter à sa soirée, en écrivant simplement : j’adore la vie, j’adore My Little Paris et je vous invite. Nous nous sommes rencontrées, et nous avons découvert quelqu’un qui a toujours la petite phrase parfaite pour résumer chaque situation de la vie, c’est vraiment une femme admirable. Récemment, j’ai déjeuné avec elle, je ne pourrais pas vous dire d’où est partie notre conversation et jusqu’où elle est allée, quels chemins nous avons empruntés, mais j’ai adoré !
Interview de Fany Péchiodat, Amandine Péchiodat et Céline Orjubin réalisée par Valérie Decroix pour le Hors Série INfluencia sur la Conversation, réalisée en partenariat avec Entrecom. En vente en librairie.
Illustrations : Kanako Kuno
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