La France a perdu le triple A. Mais le triple D est en pleine forme. D comme Débrouille, D comme Durable et D comme Divertissement. Une étude de Womenology auprès de 1000 femmes confirme l’engouement des femmes pour le système D.
Le système D : du covoiturage au tourisme médical
Amplifié par le web, le système D gagne tous les secteurs d’activités : transports, voyages, mode, hygiène-beauté, immobilier et santé. Pour faire des économies, les femmes utilisent les transports en commun (76%), le covoiturage (34%), le partage de taxis (33%) et le vélo (32%). Par ailleurs, 11% des sondées ont déjà acheté un billet de train sur trocdestrains.com et 37% envisagent de le faire. La débrouille gagne aussi l’hébergement : 19% des femmes interrogées envisagent de sous-louer une de leurs chambres à un étudiant.
Derrière le miroir du système D se cachent des évolutions sociologiques
Comme le désir d’une consommation raisonnable et raisonnée : 79% des répondantes affirment avoir un réflexe d’achat anti-gaspillage car il faut « estimer au plus juste ce dont on a besoin pour éviter le gaspillage, se demander si on en a vraiment besoin ». Pour Dominique Desjeux, anthropologue, le consommateur malin « manifeste de fortes orientations critiques envers le gaspillage et l’ostentation, autant de comportements futiles, sinon nuisibles, qu’il pense induits par la société de consommation dans son ensemble ».
Le « horsegate » a accéléré ce désir de mieux consommer, dans des conditions de transparence. Les fruits et légumes de saison (84%) et la création de produits fait maison sont privilégiés (63%). Le souffle de la consommation durable est féminin.
Le système D a-t-il des limites ? La santé n’a pas de prix mais elle a un coût, surtout en temps de crise : 3% des personnes interrogées déclarent avoir déjà pratiqué le tourisme médical et 7% des répondantes se sont déjà faites soigner dans les écoles de médecine.
Face à la crise, je ne renoncerai pas !
Les femmes cherchent à se faire du bien quand on leur répète que tout va mal. Le système D ressemble à un missile anti-renoncement. Les femmes veulent continuer à se sentir bien et se sentir belles (32% des femmes interrogées ont déjà fabriqué elles-mêmes leurs produits de beauté et 19% envisagent de louer des vêtements de grandes marques pour une journée ou une soirée).
La crise n’efface pas le besoin d’évasion et de divertissement. Au contraire, il le stimule. Toutes les formules sont étudiées : voyages à l’avance ou à la dernière minute (59%), compagnies aériennes low-cost (48%), auberges de jeunesse (32%), échanges de maison (intention de 31%), 23% songent à louer leur maison le temps des vacances, et 31% ont déjà économisé en dormant chez l’habitant/le particulier.
D comme « Do it yourself » ou « Do it together » ?
Le système D favorise le partage, l’échange et peut même rapprocher les générations : 22% des sondées envisager de commander en ligne à des grands-mères des vêtements tricotés par leur soin. Il peut aussi favoriser l’essor de nouveaux talents en embrassant une dimension pédagogique (30% des répondantes songent à se faire coiffer par des apprentis coiffeurs dans des écoles de formation, quand 29% ont déjà sauté le pas).
D = C to C ou D = C to B to C ?
Telle est l’équation du système D. On oublie souvent de dire que le phénomène C to C est un phénomène C to B to C. Pépinière de jeunes entrepreneurs, le système D nous rappelle le rôle crucial de l’expertise, de l’innovation et de la compréhension des nouveaux usages (internet fixe, mobile, tablettes) dans le développement de nouveaux modèles. « On sent chez les étudiants une forte dynamique entrepreneuriale pour ces modèles alternatifs, en phase de structuration et de professionnalisation » constate Olivier Delbard, professeur d’économie à l’ESCP. Les réussites du système D sont nombreuses : Airbnb, Blablablacar, Kelbillet, Trocdestrains, Ouicar… L’émergence du C to B to C vient offrir le contrepoint, comme facilitateur de cette réconciliation rêvée entre économie et morale ; un boulevard !
Le système D va-t-il réinventer le marketing des acteurs traditionnels ?
Les femmes entreprennent des arbitrages sur chacun de leurs achats : produits d’occasion vs produits neufs, grandes marques vs MDD et produits sans marques, circuits de distribution traditionnels vs circuits alternatifs… « L’acheteur d’occasion malin se révèle être un stratège (…) Patient dans sa recherche, apte à contrôler ses pulsions et à saisir une bonne affaire au moment opportun, il est également expert en matière d’évaluation des produits et de repérage des meilleurs circuits qui les proposent » souligne Dominique Desjeux.
Au regard du système D, la proposition de valeur des marques doit s’inscrire dans un modèle de consommation citoyenne, durable, connectée et créatrice de liens. Il challenge les marketers dans le réenchantement de l’expérience d’achat. En décrivant son enseigne de parfumerie idéale, une consommatrice indique que « les vendeuses devraient être là pour vous renseigner mais sans vous agresser ». Une autre consommatrice ajoute « Quand je suis dans une parfumerie, c’est comme le royaume de la beauté. Tous les atouts sont là pour nous sublimer, nous les femmes. Le décor du magasin doit être à la fois design, chic, classe et sensuel. Une parfumerie c’est une seconde maison. Les parfums, les produis cosmétiques doivent être mis en valeur, je reproche qu’il n’y ait pas assez de conseils d’utilisation pour chaque produit, quant aux vendeuses présentes dans le magasin, elles devraient conseiller les clientes tout en respectant leurs goûts ». Et t(r)oc ! Ces témoignages relèvent sans doute – un peu – du wishfull thinking… mais les déclarations sont là.
Le triple D a de l’avenir. La notion de propriété mutualisée va croître et s’internationaliser. Comme le fait habilement le système D, les acteurs traditionnels devront transformer des contraintes en opportunités, et rivaliser de créativité. Le troc ne devrait pas nous créer de TOC.
Benjamin SMADJA, Directeur Marketing, aufeminin.com ; Womenology.fr
@womenology @benjamin_smadja