Le cow-boy confronté à la baisse de ses ventes, malgré ses cent milliards de cigarettes vendues chaque année, se lance en 2014 dans le vapotage et la cigarette électronique . Un peu à la manière, jadis, d’un Mc Do lançant ses salades dans l’antre du hamburger.
Sont elles devenues folles ces grandes marques pour faire tout et son contraire ? Et souvent avec succès ! Les Phénix, symbole de longévité et de résurrection ont toujours existé. Toutes les civilisations, quasiment sans exception, ont développé le mythe du Phénix, cet oiseau légendaire, symbole de longévité parce qu’il se consume comme une cigarette et renait ensuite de ses cendres. Il est souvent rattaché au culte du soleil qui semblait aux anciens se consumer le soir pour renaître le lendemain matin. Il fut nommé « oiseau de feu », tant ce phénomène semblait volatile et flamboyant.
A la manière d’un cow-boy allumant une cigarette à la nuit tombante, que nous enseigne ce mythe ? Que tout ce qui existe doit mourir pour se réinventer. Les oiseaux surnaturels imitent le cycle solaire, les planètes, les nations, les idées se consument pour mieux se transformer, pour nous permettre de nous renouveler. C’est précisément ce que font les grandes marques, jouant tour à tour de fidélité et de rupture.
Marlboro, phénix et symbole de notre monde finissant en fumée
Après tous ces procès, généralement perdus, après cette réprobation, Marlboro symbole de l’addiction autorisée, du plaisir admis, c’est-à-dire d’une liberté sulfureuse passe de la fumée à la vapeur d’eau. Du proscrit au presqu’autorisé. Du partage (transgressif et nocif) à l’individu, de la plante des opiacées au technologique et quasi scientifique. Du feu à l’eau. De Marlboro à son contraire. Marque phénix, s’il en est dans ce changement stratégique, Marlboro n’en n’est pas moins le symbole de la force des marques mythiques qui brûlent sans vergogne le lendemain ce qu’elles ont adoré la veille.
Le mythe du phénix appliqué aux grandes marques
Hugo Boss s’ouvre aux femmes, McDo fait du light, Coca-cola du sans sucre, et désormais Marlboro du sans tabac. Les grandes marques, pour beaucoup, représentent nos mythes contemporains, ces histoires (auxquelles on ne croit qu’à moitié) mais qui nous permettent de trouver notre place, notre communauté. Faute de mieux, sans doute ! Elles ont la qualité de se montrer visibles et reconnaissables. Et par conséquent de nous offrir une seconde peau à peu d’efforts. Or les marques (leurs brand managers) savent que les consommateurs changent, qu’ils s’adaptent aux nouveaux mythes, celui du refus du sexisme, de l’obésité, de la maladie. Les marques tels le phénix s’adaptent et se renient si nécessaire. Et c’est tant mieux.
Notre monde est bien celui du phénix
Nous brûlons ce que nous adorions la veille. Seule la continuité obstinée est désormais une erreur. Il nous semble que tout change tout le temps. On affirme que nous-mêmes et les marques sommes contraints à nous adapter, comme un nouvel impératif catégorique, presque une nouvelle philosophie. Notre expérience est celle du phénix qui se réinvente chaque jour.
Mais à y regarder de plus près, le « phénix renaît de ses cendres », mais à l’identique. McDo fait des salades, Coca du zéro, Marlboro du vapotage. Mais rien ne change dans le fond des positionnements, des promesses de marque et de leur storytelling : le bonheur du restaurant sans contraintes, celui de boire une boisson bien fraîche au goût impossible, ou celui du cow-boy solitaire exhalant sa fumée après une journée difficile. La modernité du mythe réside dans sa capacité à organiser les antagonismes d’aujourd’hui et à résoudre les contradictions. Les grandes marques l’ont bien compris.
Georges Lewi / @LewiGeorges
Mythologue, spécialiste des marques.
Blog : mythologicorp.com