Sur YouTube, les pubs pâtissent d’une cote de popularité encore plus basse que celle de notre président. Mal aimées, elles indisposent ou agacent. Ce n’est pas pour rien que pullulent les logiciels conçus pour s’en prémunir. Pour les annonceurs, pourquoi donc ne pas la jouer franc jeu et carrément conseiller au consommateur de ne pas regarder son spot ? En tentant le pari de la psychologie inversée dans sa dernière campagne YouTube, l’application nord-américaine Eat24 innove. Le succès commercial de son audace met sur le devant de la scène marketing une stratégie qui pourrait gagner en disciples.
Le concept de la récente campagne « Skip This Ad » reprend la recette d’une ruse parentale fourbe mais efficace : si je dis à mon adolescent de faire une bêtise – après tout il en meurt d’envie, il y a de grandes chances qu’il se tienne à carreau. Chantre de la dérision publicitaire sur son blog cynique et iconoclaste, pionnier de la pub sur les sites pornographiques, Eat24 a réussi à redorer le blason de la pub sur YouTube en prônant sa négation. C’est simple, en 16 secondes la plate-forme digitale de livraison de repas à domicile vous demande d’abord de passer son spot, s’étonne ensuite que vous ne l’ayez pas encore fait et enfin, vous remercie ironiquement de l’obliger à payer ce visionnage. Le contre-pied est subtil et fonctionne. Les chiffres fournis par Eat24 prouvent que le consommateur a accroché avec ce que la marque considère comme une franchise qui s’imposait d’elle-même : le spot a été vu 581 000 fois, 91% des Internautes l’ont regardé jusqu’au bout, il a été visionné par quatre fois plus de gens que la précédente meilleure pub de la marque ; surtout la campagne a provoqué une croissance de 75% des téléchargements de l’application.
Un taux de clics de 7,1%
« Peut-être aurions-nous dû avoir des attentes plus élevées mais nous sommes complètement hallucinés de voir combien de gens ont non seulement adoré la pub, mais ont immédiatement ensuite pris quelques minutes pour aller sur notre site Web se renseigner sur nous », se réjouit Eat24 sur son blog. Dans un style journalistique et humoristique, l’application y livre tous les secrets de fabrication d’un spot au CTR de 7,1%. Le monde à l’envers ! « Dans le monde du marketing, c’est un vilain secret que les pubs ennuient tout le monde. Autant être honnête et l’avouer : nous détestons les pubs, vous détestez les pubs et il est probable qu’elles nous abhorrent tout autant. L’idée nous est donc venue de jouer la carte de la franchise. Si l’Internaute veut passer la pub directement sans même la voir, pourquoi ne pas lui dire de le faire ? Dans le pire des cas, il ne la regarde vraiment pas et nous n’aurons pas à payer pour le visionnage ; dans le meilleur des cas il est intrigué par une marque qui réaliserait une pub lui disant de ne pas regarder cette pub », explique Eat24.
Jurez de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, c’est le genre d’allégeance dont ne raffolent pas les marques. Preuve vient pourtant d’ être faite que la transparence cynique, cela marche ! « Allons-nous être responsables du premier politicien qui jurera solennellement de ne respecter que 10% de ses promesses de campagne ? » ironise Eat24. « Si c’est la psychologie inversée qui affecte les gens, peut-être que sur notre prochain panneau d’affichage nous devrions écrire: « vous n’avez pas faim. Ne commandez pas de nourriture. Jamais » ? Nous avons de quoi réfléchir. » Nous également ! L’année dernière, Volkswagen et AlmapBBDO avaient utilisé une ficelle similaire pour vanter les mérites de la Fusca, la New Beetle brésilienne.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA