5 mars 2014

Temps de lecture : 4 min

#Halteauxstereotypes

Les hommes et les femmes n’utilisent pas leur cerveau de la même façon. Les hommes sont plus portés sur le sexe que les femmes. Les voitures sont des jeux de garçons. Les poupées sont pour les filles. Quatre affirmations, quatre stéréotypes. Quelle valeur leur donner ? Ces idées reçues sont-elles inévitables ? Comment les dépasser ? Analyse de Womenology.fr/aufeminin.com

Issus du grec « stereos » et « tupos », les stéréotypes sont des empreintes figées. Des représentations simplifiées souvent attribuées à des groupes d’individus, des organisations ou même des pays. Consciemment ou inconsciemment, nous véhiculons des stéréotypes car nous classons les informations que nous recevons. Les stéréotypes sont alors une source de réassurance. Et une source de compréhension de soi-même et des autres. Niant la diversité et niant l’altérité, les stéréotypes sont néanmoins dangereux. Leurs frontières avec les préjugés et les discriminations sont poreuses.

Stéréotypes : je t’aime moi non plus ?

« Les individus ont besoin de stéréotypes, à la fois pour grandir et sentir qu’ils ont une place dans la société, mais ils les rejettent aussi quand ils ressentent que la société a évolué et qu’il faudrait s’en affranchir», explique Isabelle Ulrich, enseignant chercheur à Rouen Business School. Inévitables, les stéréotypes doivent être dépassés.

Le cerveau a-t-il un sexe ?

Le micro-trottoir organisé par Womenology exprime toute la diversité des fantasmes sur ce sujet. Pourtant, « lorsqu’on regarde deux cerveaux, on ne peut pas deviner s’il est féminin ou masculin. Il n’existe pas de traits anatomiques spéciaux qui différencient les deux sexes. Les différences entre les individus d’un même sexe sont tellement importantes qu’elles l’emportent sur les différences cérébrales qui pourraient exister entre les sexes », rappelle la neurobiologiste Catherine Vidal « Seulement 10% des neurones sont connectés à la naissance, 90% des connexions entre les neurones se fabriquent en interaction avec le monde extérieur. Notre cerveau fabrique en permanence de nouvelles connexions entre les neurones au gré des apprentissages et des expériences vécues. Rien n’y est à jamais figé ni programmé à la naissance. Les vieilles idées, qui prétendent entre autres que les femmes sont naturellement douées pour le langage ou que les hommes sont naturellement doués pour faire des maths, sont complètement caduques ».

Dorcel.com vs Dorcelle.com : liberté, égalité, sexualité

En 2012, la journaliste Elisa Brune, auteure de « La révolution du plaisir féminin », précise que 70% des femmes déclarent se masturber; un chiffre qui a doublé depuis 20 ans, se rapprochant fortement de celui des hommes (80%). Déjà en 2005, Ipsos soulignait le rapprochement de certaines pratiques et désirs entre les hommes et les femmes : 29% des femmes et 30% des hommes exprimaient alors le même fantasme…celui de faire l’amour avec un illustre inconnu. Les stéréotypes liés à la sexualité nient les évolutions des comportements. Pourtant, les signes sont bien là. Nathalie Rykiel a introduit des sex toys chics dans l’univers de la mode. La société de production de films pornographiques Marc Dorcel a lancé, en 2012, Dorcelle.com, un pur produit de gender marketing à destination des femmes.

Jouets : dessine-moi…un stéréotype

Selon la sociologue Mona Zegaï, « les catalogues de jouets proposent un monde bien plus inégalitaire que la réalité ». Cet univers qui était plutôt unisexe dans les années 80, s’est radicalement sexué depuis 1990, en témoigne cette publicité détournée par le site womenyoushouldknow.net , début 2014. Celle-ci met en scène, Rachel Giordana, la célèbre petite fille rousse de la campagne Lego de 1981. 33 ans plus tard, elle commente les nouveaux jouets de la marque : « Mes jeux quand j’étais enfant m’ont façonnée. Je sais qu’ils ont contribué à mon désir de devenir médecin. Il y avait par exemple des kits de docteur, qui étaient commercialisés sans viser un sexe particulier. Maintenant, ils sont vendus comme des jouets pour garçons ». Pour Elisabeth Tissier-Desbordes, professeur à l’ESCP Europe, « il est très compliqué de faire évoluer (les stéréotypes) parce que ce sont des repères pour les gens. (…) Plus on monte dans les catégories sociales, plus le niveau d’éducation de la mère augmente, moins il y a de reproduction des rôles traditionnels et donc moins d’achats fortement genrés. Il y a une évolution de la société qui peut se faire uniquement par l’éducation mais le processus est long et compliqué ».

Et au fait, les medias féminins ?

Les médias féminins sont-ils vraiment légitimes pour s’exprimer sur le sujet des stéréotypes ? Minceur, mode et sujets people…les médias féminins grand public entretiennent certains stéréotypes tout en les combattant, par ailleurs. Il faut savoir assumer le grand écart, au risque d’être victime du feu des critiques. Des sujets légers côtoient des sujets qui reflètent et accompagnent les courants sociétaux. « A la maison, c’est moi qui rapporte l’argent ! », « Ces françaises qui ne veulent pas d’enfants », « Education : et si on offrait des poupées aux garçons ? ». En 2014, il faut aussi assumer ses erreurs en retirant des contenus qui seraient jugés inapproprié. Alors, pas assez féministes les médias féminins ? Les niveaux d’engagement diffèrent. Les féminins grand public répondent éditorialement aux attentes exprimées par leur communauté. Alors, pour que le serpent ne se morde pas la queue, l’autorégulation viendra des réseaux sociaux, des initiatives gouvernementales et bien évidemment de la vision des éditeurs. Une schizophrénie assumée et une mission claire : celle de l’empowerment des femmes.

En définitive, les stéréotypes sont-ils bons ou mauvais ? Pour le sociologue François de Singly, la réponse est simple : certains stéréotypes sont discriminants alors que d’autres, au contraire, sont utiles. « Des stéréotypes, c’est-à-dire des images simplifiées, structurent la vie sociale. (…) Il faut donc se poser la question des « mauvais » et des « bons » stéréotypes, en ne faisant pas comme si tout stéréotype était une catastrophe» . Evitons donc toute forme de dramatisation. Toute forme d’intégrisme. Dans « Sex and the city », Samantha Jones adore le shopping…et les hommes. Elle est forte et… vulnérable à la fois. Elle adore les fêtes… et elle est la plus âgée du groupe. Trop caricaturale, Samantha Jones ? Son personnage casse, en tous les cas, d’autres caricatures. Il faut parler des stéréotypes pour s’en affranchir. #halteauxstereotypes.

Benjamin Smadja, Directeur Marketing et Marion Braizaz, Doctorante en sociologie, aufeminin.com ; Womenology.fr
@benjamin_smadja
@marionbraizaz
@womenology

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