Je profite du manque de connectivité chronique dans le TGV Barcelone-Paris, au retour du Mobile World Congress 2014 pour vous écrire cette tribune sur l’état des lieux du business des applications mobiles en 2014, 7 ans après l’arrivée de l’iPhone et à l’aube d’une connectivité permanente promise…
Force est de constater que le Hall 8.1 de Fira Barcelona est grandement occupé par des acteurs de la publicité mobile, réseaux publicitaires, plateformes de RTB ou autres DSP, technologies de tracking mobile, avec des offres de plus en plus convergentes promettant acquisition, engagement et monétisation. Les grands absents étaient bien évidemment très présents, malgré leur manque de stand officiel dans ce Hall 8.1 aussi connu sous le nom de “App Planet” : j’ai nommé Google, Apple, Facebook et Twitter (ajoutons Yahoo et Amazon même si on a tendance à les oublier).
Passation de pouvoir
Il suffit de se promener dans ces allées éphémères du Hall 8.1 ou de prendre un peu de distance par rapport aux nouvelles du moment pour commencer à comprendre qu’une donne est en train de s’organiser… véritable redistribution des cartes, ou reformation des plaques tectoniques. Le monde des télécoms historiquement maitrisé par les “telcos”, ceux-là même qui depuis Graham Bell octroient l’accès avec un modèle de facturation récurrent captif et très profitable, est forcé de prendre conscience d’un transfert inéluctable et accéléré de pouvoir vers ceux qui détiennent ou le contenu, ou le logiciel, ou la fabrique du terminal mobile.
Entre l’acquisition de Whatsapp par Facebook pour une somme qui sortirait la France du rouge (ou presque) et un dîner secret où l’hôte Zuckerberg demande aux opérateurs de baisser encore le coût des abonnements pour libérer la communication entre humains à prix zéro, il est aisé de lire la mort annoncée du SMS payant, voire du SMS tout court! Les régulateurs de l’autre côté imposent une baisse des frais d’itinérance (et donc des marges démesurées), en imposant le “de-simlockage » ou en minimisant les périodes d’engagement… La question d’avoir accès ou pas n’est plus, seule celle du prix de l’accès reste. Déjà avec les app stores, les opérateurs ont vu un modèle économique passer sous leurs pieds. Cette fois-ci, c’est leur propre modèle qui s’étiole…
Nombre d’annonces viennent compléter ce paysage : Facebook qui solde 2013 avec dans son bilan plus de $1 milliard de CA engrangé, en moins de 12 mois, sur son tout nouveau modèle de mobile app-install, Twitter qui fait son entrée en bourse et qui emboite le pas à Facebook pour proposer de la publicité mobile (1er et 2ème écran), ciblée, contextuelle et dynamique… Criteo (#FrenchTech) qui fait son entrée fracassante sur le Nasdaq avec une valorisation de plus de $2 milliards autour de sa technologie de re-targeting maintenant applicable au mobile… En même temps, des bras de fer s’opèrent entre Facebook et ses partenaires qui lui font de l’ombre (histoire HasOffers), tandis qu’Apple commence à prendre conscience que “les autres” s’emparent de la manne publicitaire grandissante sur son propre terrain et par conséquent bande ses muscles techniques pour asphyxier la concurrence… Il devient de plus en plus évident que le champ de bataille s’est élargi bien au-delà des frontières, et que le choc des nouveaux titans s’organise pour capter notre attention grandissante.
La nouvelle monnaie mobile
Même si l’individu est au coeur du dispositif, qu’il agit comme agent et accélérateur de changement, qu’il travaille même gracieusement (crowdsourcing) voir illégalement et à son insu, il participe malgré tout et globalement à une création de valeur colossale à en croire les études de McKinsey. Nos mobiles et leurs compagnons émergents (les wearables : lunettes augmentées, bracelets, montres, chaussures, vêtements et autres objects connectés…) sont avec nous à tout moment. Le prix de la connectivité baisse, les applications sont de plus en plus gratuites, et nous payons de notre participation ce qui devient la nouvelle monnaie mobile. Notre temps, notre attention, chaque seconde passée à regarder et à interagir avec nos mobiles sont l’objet d’une micro-transaction de monnaie “participative” : je renforce tel réseau social en créant une connexion avec un ami ou la famille en même temps que j’appauvris l’opérateur historique, enrichissant le premier en monnaie “participative” et en privant le dernier de monnaie réelle.
La publicité mobile suit le même schéma : je regarde les “impressions”, je clique/tappe pour en savoir plus, j’aboutis sur une transaction réelle ou pas, donc je paye de ma participation. Et, par là même, transfère de la monnaie réelle entre l’annonceur et l’éditeur de l’application virale que j’utilise “gratuitement”, de plus en plus. Autant de phénomènes polarisants qui opèrent ce transfert de contrôle vers ces nouveaux opérateurs massifs qui excellent dans la micro-transaction et bien évidemment le big-data. Le transfert de mon temps libre, de mon ennui ou de mes rêvasseries se métamorphose en productivité ailleurs.
Alors choisissez bien vos apps! Ne cliquez pas sur n’importe quoi. Participez avec discernement…
Yann Lechelle / @ylechelle
Co-fondateur de appsfire
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