L’homme, le vrai…est-il l’homme GQ ?
Après s’être attaqué en 2011 aux manières dont les médias et la publicité mettent en scène l’image des femmes, le collectif The Representation Project diffusera cette année un film sur l’archétype de la virilité. “ Pas la peine d’analyser un large corpus de films publicitaires ou d’articles de presse pour identifier les clichés de la masculinité : viril, sensible, sûr de lui, amateur de bonne chair, de nouvelles technologies, d’horlogerie et d’automobile. L’homme GQ en quelque sorte ” affirme Jean Allary, Engagement Planner chez BETC. La diversité des hommes n’est-elle pas étouffée ? Womenology propose 6 clés de lecture de la masculinité en 2014.
Ne sois pas une chochotte ! La pression sociale qui pèse sur les hommes
La bande annonce du film « The Mask you live in » réalisé par The Representation Project exprime la pression sociale qui porte sur les hommes. « Arrête de pleurer. Arrête avec les larmes. Arrête de pleurer. Relève-toi. Ne sois pas émotif. Ne sois pas une chochotte. Sois cool. Sois un peu un connard. Personne n’aime les mouchards. Les potes avant les putes ! Ne laisse pas une femme contrôler ta vie ! Quelle tapette… Tape-toi une meuf ! Fais quelque chose ! Sois un homme ! Aie des couilles ! ». Cette pression dangereuse pèse sur la construction identitaire des jeunes garçons. « Les trois mots les plus destructeurs que chaque homme entend lorsqu’il est un jeune garçon, c’est qu’on lui dise d’être un homme » résume Joe Ehrmann, entraineur et ancien joueur de football.
Prouver sa masculinité : la virilité a un coût
Dès le plus jeune âge, les jeunes garçons sont soumis aux codes de la masculinité. Ils se voient dans l’obligation de faire preuve de leur virilité : être forts, compétiteurs, contrôler leurs émotions, ne pas pleurer, au risque de se faire traiter de « fillette ». Dire que l’on a besoin d’aide est perçu comme un geste de faiblesse. Certains garçons sont alors confrontés à la solitude. Ils intériorisent des émotions, qu’ils ne libèrent pas sous la peur d’être comparés à des filles. « Les garçons ont plus de chances de s’emporter, de devenir agressifs. La plupart des gens ne font pas l’association et voient ces comportements comme étant dus à des écarts de conduite, ou une mauvaise éducation » souligne Dr William Pollack, psychologue et éducateur. « Nous avons construit une idée de masculinité aux États-Unis qui ne permet pas aux jeunes garçons de se sentir bien avec leur masculinité. On les oblige à la prouver sans cesse » ajoute le Dr Michael Kimmel, sociologue et éducateur.
Masculinité : le choc de courants qui s’affrontent
Ces représentations de la virilité complexifient le choix des hommes qui souhaiteraient s’orienter vers des voies non normées. « Avec le temps, les coûts (de la virilité) ont pu évoluer et se complexifier, dans un entremêlement du vieux et du neuf parfois complexe : être plus présent auprès de ses enfants peut être un souhait pour certains hommes aujourd’hui, mais ils doivent alors faire face à l’injonction sociale de faire carrière, à s’investir professionnellement… et peinent dès lors à franchir le pas » raconte Christine Guionnet, auteure de l’ouvrage « Boys don’t cry ». Si la présence des pères évolue au sein des foyers, comme en témoigne la création de l’association Happy Men, les codes de la virilité en entreprise sont parfois durs à combattre. « Partir plus tôt, cela implique de subir le sarcasme des collègues et les petites piques désagréables » explique un père intervenant lors d’un séminaire Happy Men chez BNP Paribas.
Quand les femmes mettent la pression !
Plusieurs facteurs ont contribué au nouveau visage de la masculinité, comme la guerre d’Algérie et la fin du service militaire, rappelle l’historienne Anne-Marie Sohn dans son ouvrage « Sois un Homme ! La construction de la masculinité au XIXe siècle ». « Ni les formes de combat, ni les activités demandées aux soldats français, ni les ennemis qu’on les chargeait de poursuivre ne pouvaient les conforter dans l’image que les appelés du contingent avaient du statut militaire. Ces décalages eurent des conséquences sur les modèles de masculinité élaborés et éprouvés pendant la guerre, que ce soit entre hommes ou par rapport aux femmes ».
Et si les femmes étaient désormais les plus actives dans cette redéfinition de la virilité ? Macho… mais pas trop. Homme viril… prenant soin de lui. Telles sont les attentes de plus en plus nombreuses exprimées par les femmes au sujet des hommes. « Les hommes se plaignent que les femmes leur font des demandes paradoxales qui les déstabilisent » constate le psychiatre Serge Hefez.
Consommation masculine : mythes et réalités
Les spécificités de consommation de la cible masculine sont-elles un mythe ? « En y regardant plus près, on constate sans surprise que la réalité est moins éloquente que les représentations. Sur les quelques 250 variables attitudinales du panel SIMM-TGI 2012, les hommes français observent des attitudes polarisantes (ie. sur-indicées ou sous- indicées) sur seulement 15% des items » souligne Jean Allary, Engagement Planner chez BETC. « En d’autres termes, les 15% des « traits de caractères » des mâles hexagonaux sortant du lot ne représentent en moyenne que 19% d’entre eux ».
Publicité : L’homme-objet a-t-il de l’avenir ?
L’histoire de la publicité est traversée par le sexisme et un rôle infériorisant des femmes par rapport aux hommes. La situation serait-elle en train de se renverser ? Pas si sûr quand on observe le lancement de Stabilo Néon, le Stabilo pensé pour les femmes. Le communiqué de presse affichait un militantisme déplacé : « Aujourd’hui, évolution des moeurs et parité obligent, les femmes accèdent au pouvoir. Plutôt que de copier les hommes, elles affirment leur différence et cultivent un style personnel. Pour les accompagner dans leur conquête, STABILO leur dédie un surligneur exclusif, NEON, qui s’affranchit des codes masculins et revendique un style délibérément féminin ». Quid des hommes ? Certaines marques n’hésitent plus à mettre en scène un homme objet sous un axe humoristique…ou pas : LG, Contrex, Darty.
Cet homme-objet a-t-il de l’avenir ? Les représentations des genres en publicité méritent une bonne dose de second degré. Et une prudence extrême. Sous peine d’enflammer les réseaux sociaux. La déconstruction progressive des stéréotypes de genre permettra de libérer les femmes comme les hommes des archétypes réducteurs de la féminité et de la masculinité. Nos héros français sur grand écran incarnent d’ailleurs de nouveaux modèles de masculinité. De Podalydès à Macaigne, en passant par Gallienne et Niney, nous sommes loin d’être la patrie des super héros américains. « Personne ne nous oblige à parler à un individu qui n’existe pas, à nous d’inventer les nouveaux modèles de la masculinité » conclut Jean Allary.
Benjamin SMADJA, Directeur Marketing et Marion BRAIZAZ, Doctorante en sociologie, aufeminin.com ; Womenology.fr
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