21 mai 2014

Temps de lecture : 2 min

Passe-moi le sel…fie !

« Selfie » toi et je te dirai qui tu es ! Il y en a des choses à raconter derrière une image… Et l’autoportrait social n’est pas en reste pour cerner une personne, un consommateur voire même un citoyen.

« Me, myself and I » pouvait-on souvent lire sur les blogs il y  à peine dix ans… Alors brocardés pour leur égocentrisme supposé, les blogueurs de l’époque ne marquaient-ils finalement que les prémices d’une extimité assumée ? Véritable prolongement d’une blogosphère pas si lointaine et déjà préhistorique, le selfie ramène à une question digne d’une psychanalyse : mais pourquoi diable cette mode ?

La nouvelle intimité…

Dès lors, ce n’est pas du côté de votre community manager mais plutôt de celui de Jacques Lacan qu’il faut chercher à comprendre la motivation profonde de cette mise en scène de soi. Et l’on apprend ainsi que cette forme d’impudeur pour certains est consubstantielle du développement psychique de l’homme. En effet, l’extimité décrit le désir de rendre visibles certains aspects de soi jusque-là considérés comme relevant de l’intimité, dans le but – plutôt inconscient – de mieux se les approprier, en les intériorisant sur un autre mode grâce aux échanges qu’ils suscitent avec nos proches.  Et si l’on s’en réfère à ce que nous recommandait déjà en son temps Socrate, « connais-toi toi-même », un syllogisme tout aristotélicien quoiqu’un peu rapide pourrait donc laisser penser que le selfie est une démarche philosophique nous menant à mieux prendre conscience de notre propre mesure…

Une mine d’information

« S’auto-portraiturer » seul ou plus souvent en groupe, avec sa vedette favorite ou sa petite cousine est devenu le lot quotidien de millions de socionautes. Et il en va de même pour toutes les autres formes, passées, présentes et futures de mise en scène de soi sur les médias sociaux. Cette sorte de mise en abyme (moi, dans ma vie sociale, en photo sur mes réseaux sociaux) tend même à se généraliser à mesure que les Facebook, Instagram ou Snapchat semblent à chaque fois un peu plus conçus pour nous y pousser.

Au-delà du premier degré, imaginez à présent la mine d’informations et d’inspiration que recèlent les selfies d’une communauté donnée. Pensez maintenant que votre planneur stratégique s’appelle Google ou Facebook, avec une puissance algorithmique telle qu’il puisse interpréter seul, au fil de l’eau et en grande quantité ce type d’informations. Il serait alors capable d’en tirer des profils psychologiques statistiquement fiables (loi des grands nombres) et même de modéliser des tendances comportementales en croisant l’analyse des selfies avec d’autres données quali. Par exemple, l’analyse sémantique des tweets ou avis conso de cette même communauté.

Ce n’est pas de la science-fiction. Tout cela est déjà possible. Chaque brique d’un tel dispositif existe déjà, de façon isolée. D’un côté, les technologies de caractérisation de l’image qui rendent notamment possible la reconnaissance faciale dans la rue comme avec la start-up Facial Network (voir la vidéo ci-dessous), ou plus simplement les recherches par similitude dans Google Image. De l’autre, les analyses sémantiques de plus en plus satisfaisantes des spécialistes du Traitement Automatisé des Langues (TAL) déjà en œuvre dans les problématiques d’e-réputation comme par exemple avec cette jeune pousse nantaise.

Et au milieu, les immenses progrès déjà réalisés en matière de bases de données, de capacité de calcul et la perspective proche d’une intelligence artificielle qui saurait à coups d’algorithmes complexes synthétiser l’art du sémiologue. Google révélant peu à peu ses ambitions en matière d’intelligence artificielle n’a-t-il d’ailleurs pas racheté l’an dernier cette start-up canadienne, DNNresearch, spécialisée dans les réseaux de neurones profonds (apprentissage automatique) ? Alors, la prochaine fois que vous ferez un selfie, pensez que certains vous railleront peut-être d’avoir cédé à cette « mode » quand d’autres penseront à en tirer des leçons pour adapter leur stratégie marketing… Souriez !

Cyrille Chaudoit / @cchaudoit
Article réalisée en partenariat avec l’agence TheLinks

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