Les dead drops, vous connaissez ? Ce sont de drôles de clefs USB cachées dans la ville. Elles se trouvent sous un banc, derrière une statue, incrustées dans un mur, sous un pont ou un porche… Une fois dénichées, on y connecte son téléphone ou son ordinateur pour télécharger un contenu « surprise » de façon anonyme, et bien évidemment, gratuite. Musique, articles, vidéos documentaires, photographies… Des échanges dont chacun est acteur, en ajoutant ses propres fichiers sur la clé ou en installant son dead drop personnel, selon la procédure disponible sur le site collectif du projet, deaddrops.com.
Inventé par l’artiste allemand Aram Bartholl, le Dead Drop, version moderne et numérique de la « boîte aux lettres mortes » – ces caches utilisées par les espions pendant la guerre froide pour échanger des informations secrètes – a démarré à New York pour ensuite essaimer dans le monde entier. De la Normandie à Honolulu, de Dakar à Marseille, de Londres à Lyon, il y a aujourd’hui plus de 1100 dead drops cachés dans les interstices urbains.
Le décloisonnement de nos espaces physiques et mentaux
Le Dead Drop est un magnifique révélateur du nouveau monde. Il incarne la circulation de l’information mondialisée. Il porte intrinsèquement des valeurs mises en avant par le numérique : gratuit, ouvert, collaboratif, horizontal et de pair à pair. Il est aussi significatif du partage du réseau et du décloisonnement des fonctions assignées aux espaces, parcourus désormais par des usages multiples et transversaux, le pied d’un pont ou une marche d’escalier devenant presque un lieu de culture, en tout cas un espace d’accès à de l’information.
En un mot, il symbolise la « mobiquité », pour reprendre l’expression forgée par Xavier Dalloz à partir des termes de mobilité et d’ubiquité. Mobiquité qui signifie la capacité d’un individu mobile à être à plusieurs endroits à la fois et à avoir désormais accès à n’importe quel contenu, n’importe où et à n’importe quel moment (le concept anglo-saxon d’ATAWADAC, any time, anywhere, any device, any content).
Equipée de son smartphone, de sa tablette, ou de son Transformer, la « génération mobiquité » peut à la fois travailler sur un dossier, répondre à un email, partager une information avec ses followers, envoyer une photo à son réseau tout en acceptant une invitation à une réunion virtuelle tout en transférant de l’argent sur son compte mobile… Une nouvelle forme de nomadisme qui pourrait bien devenir norme demain.
Le travail n’a plus d’unité de lieu, ni de temps
Travail en mobilité, travail à distance, travail « débordé » en dehors des heures de bureau… L’émergence de nouveaux lieux (espaces de co-working en expansion sur tout le territoire, cafés wifi…), créent un véritable éclatement spatial qui, en s’affranchissant de plus en plus du bureau, devient « ubiquitaire ».
Il peut désormais s’effectuer « en tiers lieu » (traduit de l’anglais the third place), c’est-à-dire au sein d’un espace qui n’est ni le bureau, ni la maison. Parmi 4 109 centres d’affaires, bureaux partagés, espaces de co-working et télécentres, le site eworky permet aujourd’hui de trouver « le meilleur endroit pour travailler partout en France ». Sur le modèle de ce que fait Régus à Amsterdam, la SNCF prépare en gare du Mans son premier espace de co-working. Soutenu par la Région, le site « la coopérative des Tiers lieux » recense les endroits et initiatives permettant de travailler autrement en Aquitaine.
L’éclatement est également temporel : dans l’ère de la mobiquité, sphère privée et professionnelle se mêlent, s’interpénètrent et se confondent de plus en plus. L’équipement personnel autorise les communications privées au bureau, de même que la mobilité du travail et l’accès au cloud de l’entreprise favorisent le travail à domicile. L’interpénétration se joue dans les deux sens, requérant une véritable agilité temporelle de la part des individus. Dans ce contexte, les frontières entre travail, activité, et non-travail s’estompent, au point de quasi disparaître.
Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir les autres innovations recensées par PQR 66 et présentées dans le rapport « Français, Françaises, etc. »