Si la religion cathodique a appris à s’accommoder des nouveaux dogmes digitaux, le septième art continue lui de jouer l’irréductible Gaulois. Le Second Screen et l’expérience customisée interactive ne séduisent pas encore le triumvirat régies-marques-distributeurs, hormis quelques one shots expérimentaux. Pourtant, « le cinéma peut être le meilleur support digital », reconnait Emmanuel Monnoyeur, directeur des opérations de l’application Cinime, conçue et développée par Yummi Media Group, à Londres. En créant un nouveau type de lien digital dans les salles obscures, Cinime prend le pari de devenir le compagnon d’expérience du cinéphile, « avant, pendant et après la séance », précise Emmanuel Monnayeur, rencontré jeudi sur la Croisette, pendant les Cannes Lions.
En janvier 2013, le concept fait son entrée dans onze salles londoniennes, pour un premier test. Il s’agit alors de prendre le pouls et de valider son modèle auprès des marques et des consommateurs. Pour inviter le digital et les smartphones dans les 20 minutes de pub qui précédent le début du film, Cinime collabore avec Ben&Jerry’s, qui lance alors sa nouvelle campagne au Royaume-Uni. Avec son quizz thématique façon « Qui veut gagner des Millions », l’application interpelle et plait : 30 000 téléchargements en trois mois.
Le coup d’essai est transformé. Un an plus tard, l’application est également à Singapour, elle va bientôt passer le million d’utilisateurs outre-Manche, elle a signé avec les trois plus gros distributeurs britanniques et est présente sur presque 1800 grands écrans en Grande-Bretagne. Comme la première régie nord-américain NCM a mordu à l’attirant hameçon, Cinime va bientôt débarquer aux Etats-Unis en attendant son arrivée en Chine et sûrement un peu plus tard dans plusieurs pays européens, dont la France.
YouTube et Netflix, la suite logique ?
« Nous sommes arrivés à faire venir le spectateur plus tôt dans les salles grâce à un contenu interactif de qualité et qui récompense l’utilisateur. Que ce soit par exemple avec du pop corn gratuit ou en devenant pilote d’essai pour BMW. Notre modèle est intéressant pour le consommateur, surtout pour les 70% de jeunes, qui selon une étude de DCM sont sur une plate-forme digitale pendant les pubs d’avant film », explique Emmanuel Monnoyeur. Quid des régies ? « Comme le spectateur engage avec la marque, nous augmentons la capacité de la pub à s’imprégner dans les esprits. Son facteur souvenir est accru et cela rend le support ciné à nouveau intéressant, de fait il engrange des budgets mobiles supplémentaires », résume Emmanuel Monnoyeur.
Le Français, directeur des Opérations de Cinime depuis sa genèse, développe ensuite les quatre « déclencheurs » d’une application qu’il décrit comme « agnostique » : « Le watermarking, qui permet de synchroniser le téléphone avec le film ou la pub et d’envoyer du contenu ; la caméra, qui permet de scanner un poster ou une affiche sans QR code pour renvoyer sur du contenu visuel comme une bande-annonce, ou un lien URL ; le temps, qui permet d’envoyer du contenu ciblé en fonction des heures à laquelle il est sollicité ; la géolocalisation, qui permet de cibler le contenu en fonction du lieu. »
Avec ces quatre gâchettes, Cinime peut connaître le vrai profil du consommateur cinéma. « Nous sollicitons la data à travers le contenu, qui varie en fonction de l’annonceur, du distributeur et de la régie. » En faisant de sa technologie « un seul tronc à plusieurs branches », l’application – après signature d’un accord de licence avec les régies partenaires de chaque pays, est capable d’être développée spécifiquement en fonction des particularités de chaque nouvelle terre d’accueil. « Après, c’est le boulot de la régie de trouver les annonceurs, précise Emmanuel Monnayeur.Notre source de revenus consiste à prendre une partie des revenus supplémentaires générés par notre contenu interactif. » A très court terme, Cinime veut devenir un partenaire de divertissement et d’engagement avant et après le visionnage du film en salle. Pour ne pas être une appli de cinéma mais pour les amoureux du cinéma. Cela veut forcément dire que le marché du online sera un jour dans la ligne de mire, YouTube et Netflix en tête.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA