9 juillet 2014

Temps de lecture : 3 min

Un luxe à l’état brut en quête d’authenticité

Chambres luxueuses et immaculées à la décoration impersonnelle, services aussi complets que parfaits, telle est l’image classique des palaces et hôtels multi-étoilés. Depuis 2008, une nouvelle définition de l’hôtellerie haut de gamme s’impose, celle du Rough Luxe Hotel.

Chambres luxueuses et immaculées à la décoration impersonnelle, services aussi complets que parfaits, telle est l’image classique des palaces et hôtels multi-étoilés. Depuis 2008, une nouvelle définition de l’hôtellerie haut de gamme s’impose, celle du Rough Luxe Hotel.

Pensé par l’architecte d’intérieur Rabih Hage et le philanthrope Kurt Engelhorn, le Rough Luxe Hotel se compose de chambres petites et rustiques au mobilier dépareillé et à la peinture écaillée. En construisant autour des imperfections créées par l’usure du temps, les inventeurs du Rough Luxe Hotel ne sont pas tombés dans la facilité en érigeant une moderne bâtisse sans âme et ont choisi de préserver les vestiges du passé.

Vecteur d’expérience et d’émotions

Depuis 2010, Hage et Engelhorn ont étendu ce concept à un réseau d’hôtels, de bars, de restaurants et de magasins. Leur but ? Proposer au client une atmosphère nouvelle et enrichie, un éveil intellectuel et social à travers des expériences de vie uniques. Ce luxe « expérientiel » permet de s’épanouir grâce à des rencontres, de s’éveiller à l’art ou à la musique, de retrouver le goût des saveurs naturelles. Le « Rough Luxe » n’entend pas plaire à tout le monde, c’est une distinction, un état d’esprit auquel on adhère ou pas.

L’appartenance à ce « Rough Luxe Expérience Network » répond à des critères précis dont est totalement exclue la célébrité. Le but n’est pas de construire une chaine standardisée mais de réunir des établissements uniques qui s’inscrivent dans le rejet du luxe en tant qu’objet de consommation de masse. Ils doivent posséder une architecture singulière et historique, le design doit combiner l’ancien et le neuf et faire la part belle à des œuvres d’art originales. Ainsi,  la Finca Bell-Lloc ou encore  Shakespeare & Company une librairie indépendante parisienne sont membres de ce réseau.

Renouer avec les valeurs fondatrices du luxe

Mais le Rough Luxe ne peut se réduire à cet esthétisme brut et à ces quelques règles. Les images, les objets et les idées d’époques révolues captivent et les valeurs d’hier deviennent un refuge. Le succès du « vintage » en est la plus belle preuve. L’objet vieilli et patiné par le temps porteur d’histoire où chacun peut inscrire sa présence, s’oppose au produit sans âme né d’une industrie récente. Le Rough Luxe est porteur d’authenticité.

Dans une période de récession économique, cet essor du « Rough Luxe » a un sens. Il cherche à renouer avec des valeurs fondatrices du luxe : le plaisir, la tranquillité et la qualité. Cette volonté de transformer, de sublimer les affres du temps symbolise le rejet d’un modèle de consommation dans lequel seul le neuf a de la valeur. Au lieu de jeter et d’acheter, de détruire puis construire, le « Rough Luxe » répare et reconstruit.

Le « rough luxe » à la mode ?

Dans les univers de la mode et de la beauté, le concept s’ancre également depuis quelques temps. Bottega Veneta met en avant des matériaux certes luxueux mais moins travaillés et surfaits dans de nombreuses collections comme celle du cuir juste huilé. Paul Hardy place également cette esthétique au centre de son design en privilégiant des vêtements qui respirent le confort et le caractère plutôt que la sophistication.

Dans un autre style, l’officine de luxe Buly (rue Bonaparte à Paris) avec son comptoir d’apothicaire en noyer et son plafond de bois sculpté remet au goût du jour la cosmétique du XIXème siècle. A côté des produits aux appellations désuètes et fabriqués à l’ancienne, on trouve, alignés sur les étagères, d’immenses flacons contenant des matières brutes (huiles, argiles, eaux, poudres, encens). Loin d’être un simple effet marketing, Buly se positionne en gardien de ce savoir-faire ancestral en faisant appel à des artisans de la beauté menacés par la puissance de grands groupes mondialisés.

Si ces temps de difficultés économiques ont vu émerger de nouvelles conceptions du luxe, comme le « lean luxury », le « luxe accessible » ou démocratisation du luxe et le « Rough Luxe », il ne faut pas se méprendre. Ce dernier reste dans une gamme de prix élevée et destiné à une minorité de clients. Ceux qui sont prêts à dépenser des montants luxueux pour des objets et des expériences aux apparences surannées mais à la valeur inestimable.

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