Protectrices des arts à la Médicis ou créatrice de la publicité de moment façon Spotify, les marques reconstruisent leur union avec la musique sur des nouveaux paradigmes. INfluencia dresse sa synthèse.
La musique se fait pour les oreilles, pas pour les yeux ? Plus dans la pub et le marketing chère à Adele, où les supports d’engagement font du visuel un roi rabelesien. Vous savez quoi ? Comme vous le chanteriez justement il se trouve que « The Rumor has it » : il se murmure que l’art des sons serait devenu sine qua non à l’identité d’une pub, que les marques reprendraient le mécénat des Médicis et que pour elles, sans rebranding musical point de salut publicitaires possible sur mobile. Le digital change la pub comme la musique, les deux s’épousent et l’union accouche déjà d’une petite révolution marketing et artistique.
Dans un article de référence publié en 1989, le professeur David Huron, de l’école de musique de l’université d’Ohio State, aux Etats-Unis, s’interrogeait sur la musique dans la pub comme paradigme analytique. « La musique peut servir les buts promotionnels globaux de plusieurs façons, grâce à diverses capacités », écrivait alors le musicologue, repris récemment dans Forbes par Steve Olenski, pour une très intéressante tribune sur le rôle de la musique dans le branding. C’est bien ce sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
« La musique apporte aux marques trois valeurs différentes : l’identité, l’engagement et la reconnaissance, explique justement dans Forbes Eric Sheinkop, président et CEO de Music Dealer , plate-forme dédiée aux créateurs de musique. Utiliser la musique pour établir une connexion émotionnelle avec une marque augmente son degré de reconnaissance, crée de l’enthousiasme et du buzz au delà du cœur d’activité de la marque. Cela renforce le consommateur en lui offrant du contenu à découvrir et partager. »
« Quand la musique sert à quelque chose, elle devient utile à une fin »
Dans leur quête d’attention et de conversation, les marques disposent avec la musique d’une arme pas encore fatale, mais presque. Préempté avec intelligence, ce territoire identitaire de (re)branding n’est pas uniquement vecteur de loyauté chez le consommateur, il suscite aussi le plaidoyer. Votre cible devient votre meilleur avocat. « Une marque peut agir de la même façon si elle est capable d’identifier le moment, d’avoir une opinion sur quelle musique correspond à ce moment et de faire revenir le consommateur pour la solliciter et lui demander de la bonne musique », explique Gary Liu, responsable stratégie des produits publicitaires chez Spotify, qui s’apprête à lancer des films publicitaires en interaction avec la musique écoutée.
« La musique devient, je trouve, de plus en plus fonctionnelle, il est moins question purement d’art. Cette tendance va encore grandir car c’est là où est l’argent : quand la musique sert à quelque chose, quand elle devient utile à une fin », analyse lui Marcel A.Wiebenga, un des gourous de la désormais mythique agence néerlandaise Sizzer Amsterdam. Comme la fin justifie les moyens, la musique se transforme pour les marques en aimant à capter et s’approprier un moment.
« Quand le consommateur la choisit, la pub devient du contenu. Notre but ultime est de faire de la pub une valeur ajoutée et non plus une interruption », annonçait fièrement Jeff Levick, le Chief Sales, Marketing and International Growth Officer de Spotify, lors d’une présentation officielle aux Cannes Lions le 18 juin.
Pour permettre de créer une pub qui accompagne et non plus dérange une activité préalablement ciblée, et donc donner naissance à la pub du moment , forcément les agences de contenus musicaux parviennent désormais à alpaguent des talents pour qui jusque là, cette industrie commerciale honnie représentait l’antéchrist. « Quand nous créons un morceau, cela sera toujours un titre de trois minutes ou un peu plus, pas juste 10, 20 ou 30 secondes. C’est de la vraie musique, dont on extrait ensuite des segments », explique Marcel A.Wiebenga.
Un vecteur unique de connexion émotionnelle
La digitalisation du quotidien du consommateur et des stratégies et revenus publicitaires des annonceurs nourrit le sol des agences d’un terreau fertile. Aux Etats-Unis, Brolik est l’une d’entre-elles et son COO, Matthew Sommer a déjà composé des musiques de pubs et de films, signe qu’une nouvelle partition s’écrit en ce moment même. « Plus que toutes les autres formes d’expression artistique, la musique permet aux marques de toucher une audience très large. Sur une audience ciblée, elle noue avec elle des liens émotionnels uniques », juge dans Forbes le directeur d’exploitation de Brolik.
Que ce soit les cadors de l’analytique et de la data comme EchoNest – rachetée en début d’année par Spotify pour affiner la connaissance de sa cible, ou Next Big Sound, ou des plateformes d’accompagnement aux pratiques digitales pour les musiciens, comme le pionnier français BuzzMyMusic, le nouveau paysage de la musique de pub élargit son champ de protagonistes. « J’aime à penser que désormais, la pub tend sincèrement à ne plus nourrir les gens d’une musique de masse pourrie, mais plutôt à créer un contenu qui en fait une protectrice des arts », confie Marcel A.Wiebenga. Florence et la Renaissance ont eu les Médicis, la pub et le digital ont les marques !