L’école française et l’Education nationale semblent évoluer bien lentement par rapport aux bouleversements majeurs induits par le nouveau monde numérique. Alors même que, comme le montre une étude TNS Sofres, les Français dans leur ensemble et, parmi eux, les parents d’élèves, jugent le numérique potentiellement extrêmement utile à l’enseignement. Certes, il existe la spécialité ISN (Informatique et Sciences du Numérique) en option pour les classes Terminales scientifiques.
Mieux, on peut localement trouver nombre d’initiatives faisant doucement entrer l’école dans l’ère de l’éducation 2.0. Différenciation pédagogique par élève pour des exercices de compréhension orale en anglais, travail collaboratif pour l’élaboration de supports de cours en histoire-géographie, utilisation de la vidéo pour répéter des exercices de gymnastiques musculation en EPS : dans certains lycées en pointe, comme le lycée Kastler de Guebwiller en Alsace, l’utilisation de tablettes numériques vient faciliter et enrichir les pédagogies et les transmissions du savoir.
Mais on reste encore malgré tout loin, très loin de l’école connectée et de la « smartschool ». Pas facile à l’évidence de faire changer de direction un mammouth, même si son environnement extérieur se modifie rapidement ! Et pourtant, les attentes des Français sont fortes en la matière. Comme le souligne une enquête TNS Sofres, ils souhaitent que l’enseignement numérique intègre le cursus scolaire le plus tôt possible. Et que soient dispensés à la fois des enseignements « de base » (outils bureautique, usage d’Internet…) mais aussi une maîtrise plus poussée du numérique : les langages de programmation (64%), la façon de produire des contenus web (62%) et même le codage de logiciels (50%). Savoir « conduire numérique » mais savoir aussi ce qu’il y a dans le moteur et être en mesure de « penser numérique » ! *
L’inertie de l’école française, son retard dans sa capacité à apprendre le numérique et à former aux nouvelles technologies, font du coup apparaître de nouveaux acteurs dans le secteur éducatif.
Born to code ?
C’est la devise de l’école 42, créée par Xavier Niel, le fondateur de Free, une école « anti-école », dédiée au recrutement et à la formation de talents en informatique, et fondée sur le postulat « qu’on peut ne pas avoir le bac et pourtant devenir le développeur le plus brillant de sa génération ». L’école est ouverte, entièrement gratuite et pour tous. Elle ne recrute pas sur diplôme mais sur la motivation et la « passion » pour la chose informatique.
Elle promeut une pédagogie collaborative et communautaire, en mode peer to peer. Et ne dort jamais : locaux et moyens techniques sont accessibles 7j/7 et 24h/24. L’école 42 pourrait bien faire sens : face à un système éducatif français qui a du mal à valoriser la créativité individuelle et qui prend du retard dans le processus actuel d’accélération technologique, la formation au numérique pourrait bien relever de plus en plus des grands acteurs de l’Internet. Bientôt des Google Schools en France ?
Révolution encore à ses débuts, les MOOC viennent s’ajouter à la déjà large palette d’outils fournis par Internet pour démocratiser l’accès à la connaissance : encyclopédies, dictionnaires, bibliothèques numériques publiques (Gallica ou Numélyo à Lyon) ou privées (Google Books), espaces de livres et articles numériques ou numérisés, archives d’articles et productions web (blogs, réseaux sociaux, sites)…etc. Le web est devenu la plus grosse somme de savoir jamais constituée dans l’histoire humaine. Les chiffres sont vertigineux : il y a aujourd’hui 23 millions d’articles sur Wikipédia, publiés dans près de 300 langues et 20 millions d’ouvrages numérisés sur Google Books. Diderot et d’Alembert en auraient rêvé, le web le fait !
Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir les autres innovations recensées par PQR 66 et présentées dans le rapport « Français, Françaises, etc. »
* TNS Sofres Inria, Les Français et le numérique, janvier 2014