A y regarder de plus près, « We Love » est une posture bien plus complexe qu’elle n’y paraît. C’est même une mécanique de mots très intelligente. Il s’agit d’un coup de billard à trois bandes dont les deux derniers rebonds sont dissimulés, filigranés, subliminaux. Démonstration. Si on lui ajoute « les chatons », on obtient : We love les chatons, avec en filigrane : « Si vous aimez les chatons comme nous, donc vous devriez nous aimez aussi ».
« We Love » se marie à toutes les sauces
« We Love » a la vertu de déclencher une impulsion dont l’objectif est de démontrer l’éventuelle ressemblance entre l’émetteur et le récepteur. C’est une tentative de création de lien de proximité; une porte entrouverte par les annonceurs à un public, auquel on suggère plus qu’on impose (a contrario d’un message direct à l’impératif cher à Jackobson). En d’autres termes, une façon détournée d’agir sur la connotation, dans le but d’établir un effet de comparaison de la part du public, puis son assimilation à la marque. Elle devient ainsi rassurante, séduisante. On y adhère.
« We love » est en quelque sorte un « syllogisme audacieux », avec un raisonnement logique, dont le public est le héros. La marque amorce le début d’une histoire, d’une relation… le public écrit la fin. C’est à lui de confirmer la conclusion et de décider s’il rejoint le postulat envisagé par l’annonceur. S’il n’aime pas les chatons, il passe son chemin. S’il aime les chatons, il valide et adhère.
D’où vient cette force d’attraction ?
Deux facteurs vont permettre d’alimenter le processus. Le premier est d’ordre rationnel. L’expression « We Love » cache un pouvoir cognitif très élevé. En sous-texte, il repose sur un principe de raisonnement dont l’issue est une prise de décision. De plus, l’association de We + Love offre une sonorité singulière et ainsi un potentiel de mémorisation de haut niveau. Le second fait davantage appelle à l’affectif. Le « We », parle au nom d’une entreprise, d’une marque, d’une organisation, représente une équipe, affirme sa façon d’être fédérée. Le « We » est humain, fier, uni, solidaire.
Quant à Love, comment dire…, c’est bien ce verbe anglais (ici conjugué à la première personne du pluriel) qui, une fois traduit en français, signifie « aimons ». Amour… le comble du potentiel affectif est atteint.
Qui love qui, quoi, comment ? Exemples de lovers
Dernier repéré, We Love Cinéma, le nouveau dispositif d’envergure de la BNP Paribas. Depuis juillet 2014, la banque révèle sa passion et s’ouvre aux amateurs du 7ème Art, avec un site éditorial dédié, un relais des conseillers en agence et le renfort d’une option sur les cartes de crédits. La belle promesse : des réductions sur les prix des strapontins des salles obscures.
We Love Green, l’éco-festival de musique organisé, dans le parc de Bagatelles, par l’agence événementielle We Love Art. They love les burgers bio, le compostage des déchets, le mobilier recyclé, les scènes pop, indie-rock et électro. Comme les bobos.
We Love Bourgogne, site éditorial tenu par des lovers de leur région, de la vigne, de la moutarde et pas seulement. Ils y présentent toutes les activités culturelles et touristiques locales.
We Love Nail Art, site de contenu de Gemey Maybelline dédié à l’univers du vernis à ongles. La marque aborde le sujet à travers des news, des conseils, des vidéos. Et l’univers maquillage de la marque n’est pas en reste puisque ce dispositif de brand content, est également développé avec We Love Make Up.
We Love Entrepreneur, site de contenu sur l’univers de l’entreprenariat et des start-upers, édité par AdsVark (également connu pour le site FrenchWeb).
La galaxie « We Love » se compose aussi du festival We Love Le Havre, de la communauté d’auteurs We Love Words, du site We Love Tennis, ou de la compilation We Love Disney…
We Love et la réclame : une longue histoire d’amour worldwide
Mais « We Love », dans la pub, n’est pas si neuf en réalité. Il a commencé sa belle carrière, dès les années 70, bien avant que les digital native se l’approprient et l’érigent au rang de tendance. On se souvient de McDonald’s et de ses velléités de transmission d’amour en construisant sa communication autour du love. De 1975 à 1980, ses déclarations ont démarré directes « Love a Burger, Love McDonald ». On a observé en France de 1982 à 2003 un claim sans détour « Moi, j’aime McDonald » qui est devenu ensuite « I’m Lovin’ it ». Puis, le géant du fast food a délaissé le ton impératif pour ouvrir davantage le dialogue avec le consommateur. Ainsi les anglophones étaient séduits par un charmant « We love to see your smile », de 2000 à 2003.
Mais la pionnière du « We Love » est sans conteste la compagnie aérienne Delta Air Lines. Elle était en 1987, la première à ouvrir la voix avec son « We Love to fly & it shows », slogan incontournable sur tous ses supports publicitaires, jusqu’en 1992.
Bonus – One more love
« We Love » peut parfois valoir cher, très cher. 425 000 $, c’est le prix que la commission de tourisme de l’Oregon a payé pour s’offrir « Oregon, We Love Dreamers ». Un slogan signé de l’agence Wieden + Kennedy, en 2003.
Maxime Godart
Fondateur de Léopold